où en sont les femmes afghanes ?


En Afghanistan, depuis la prise de Kaboul très médiatisée de 2021, les femmes afghanes font face aux répressions des talibans. Or, le sujet semble avoir disparu des plateaux TV. Le point sur leur condition en 2025. 

En Afghanistan, dans le silence international, les femmes continuent de se battre pour conserver le peu de droits qui leur restent, adhérant activement à des mouvements de contestation.

Alors que sonne 2025, les améliorations demandées par les femmes sont encore bien loin d’être entendues. Pour leur donner plus de visibilité, entretien croisé avec les porte-paroles Marwan Marof Arwin de Women’s and Children Strengthen Welfare Organization et Sabira Abkhari de l’Afghan Women for justice movement. 

Entretiens

Mr Mondialisation : Quels sont vos objectifs en 2024, où les répressions et violences continuent d’avoir lieu à l’encontre des femmes afghanes ?

@Marwan Marof/Partagée avec toutes autorisations

Women’s and Children Strengthen Welfare Organization : Je m’appelle Marwan Marof Arwin. Je suis présidente de l’Organisation Afghane de renforcement du bien-être des femmes et des enfants (AWCSWO) prodiguant des services aux personnes souffrantes, violentées et privées de leurs droits et libertés. Afin de renforcer le bien-être et le confort des femmes et des enfants touchés par la violence, nous n’avons épargné aucun effort.

« Depuis l’année dernière, nous nous sommes engagés encore plus en multipliant les manifestations non violentes »

Nous défendons le droit à une égalité exempte de discrimination dans tous les domaines de la vie : égalité, de genre, familiale, sociale, économique et politique. Les femmes et les enfants afghans, part vulnérable de la société, ont toujours été touchés par la guerre et la violence dans l’indifférence. Depuis l’année dernière, nous nous sommes engagés encore plus en multipliant les manifestations non violentes. Je continue à communiquer sur toutes mes actions sur les réseaux sociaux locaux tout en agissant au quotidien auprès des femmes en situation de fragilité.

@Marwan Marof/Partagée avec toutes autorisations

Afghan women for justice movement : Je suis Sabira Abkari, militante des droits des femmes, ancienne activiste économique et ancienne entrepreneuse de la province de Daykundi en Afghanistan. En 2016, je suis devenue membre de la Chambre de Commerce et d’Industrie des Femmes Afghanes (AWCCI).

J’ai progressivement voulu autonomiser les femmes et les aider dans cette démarche. Je crois que toutes les femmes doivent gagner en puissance par le biais de l’autosuffisance économique. Lorsque les talibans ont pris le contrôle de l’Afghanistan, en août 2021, j’ai rejoint les manifestations de femmes contre leur prise de pouvoir. 

Un certain nombre de femmes qui m’entouraient ont créé un mouvement dirigé par des femmes qui s’appelle le Mouvement des femmes afghanes pour la justice (AWJM) dont j’ai rapidement fait partie. Maintenant, je suis membre du conseil de direction de l’AWJM. J’ai organisé de nombreuses manifestations extérieures et intérieures contre les talibans en Afghanistan et au Pakistan. Je récolte de l’informations sur toutes les manifestations de femmes pour les relayer.

« En plus de nombreuses manifestations, nous avons ouvert plusieurs écoles secrètes pour les filles qui ne sont pas autorisées à étudier »

Entre août 2021 et février 2022, j’ai participé à toutes les manifestations de femmes contre les talibans en étant l’une des principales organisatrices de ces manifestations. Malheureusement en mars 2022, j’ai dû quitter le pays en raison de la menace grandissante des talibans. En plus de nombreuses manifestations de rue et à domicile, nous avons ouvert plusieurs écoles secrètes pour les filles qui ne sont pas autorisées à étudier. Nous avons également organisé plusieurs distributions de nourriture et d’argent pour les familles nécessiteuses. 

« En 2024, les femmes étaient toujours privées de travail, d’université, d’école et de gymnase »

2024 n’a pas été une bonne année pour le peuple afghan, en particulier pour les femmes. Les femmes étaient toujours privées de travail, d’université, d’école et de gymnase. Pire encore, les médecins et les sages-femmes sont toujours plus ciblées. Récemment, un certain nombre de manifestants et d’activistes ont été emprisonnés et gravement torturés. Nous avons lancé en réponse une entreprise de sensibilisation à la sécurité pour soutenir et éduquer les filles enceintes en Afghanistan afin que nous puissions éduquer les filles mineures sur le mariage dont le mariage forcé.

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@awsco

Mr M : Pourquoi les talibans visent-ils particulièrement sur les femmes et d’autres populations plus fragilisées ? 

Women’s and children strengthen welfare organization : Les Talibans considèrent les femmes comme subordonnées aux hommes et responsables de la préservation de l’honneur de leurs familles en adhérant à un code de conduite très strict. Ils croient qu’en restreignant la liberté des femmes et en les maintenant dans l’isolement, ils peuvent ainsi s’assurer que les familles ne seront pas déshonorées. De plus, ils cherchent à contrôler les femmes pour mieux maintenir leur pouvoir.

@Afghan women for justice movement

Afghan women for justice movement : En Afghanistan, sous le régime des talibans, les femmes n’ont aucune liberté et sont privées de leurs droits les plus élémentaires. Elles n’ont pas accès à l’éducation, au travail et à la participation politique et sociale.

« Ils considèrent les femmes comme la propriété des hommes »

À mon avis, il y a deux raisons pour lesquelles les femmes sont des cibles pour les talibans. Premièrement, les talibans forment un groupe ethnique et religieux extrémiste et fondamentaliste. Ils considèrent les femmes comme la propriété des hommes. Ils sont analphabètes et extrêmement traditionnels. Et la deuxième raison est que le régime taliban change les droits des femmes et les droits de l’homme en fonction de leur négociations politiques gagnant de cette manière des points dans l’arène politique. 

@afghan women for justice movement

Mr M : En 2025, où en êtes-vous face à l’escalade répressive imposée par les talibans ?

Women’s and children strengthen welfare organization : Les restrictions imposées par les talibans sont extrêmement oppressives et injustes. Elles empêchent les gens de vivre leur vie librement et les privent de droits humains fondamentaux telles que la liberté d’expression, l’éducation et la sécurité. Ces restrictions ont des conséquences sur le long terme sur les personnes qui y vivent, car elles ne sont pas autorisées à se développer, à grandir et à prendre des décisions par elles-mêmes.

Malheureusement, leurs chances de retrouver leur liberté pour les femmes emprisonnées dépendent du pays dans lequel elles se trouvent et des lois qui régissent ce pays. De manière générale, elles peuvent faire appel de leur condamnation. Elles peuvent purger leur peine et être libérés après un certain laps de temps. 

« Les talibans n’ont pas leur place dans le « monde moderne » ! »

Afghan women for justice movement : Jamais les femmes ne se rendront. Nous lutterons toujours pour les droits des femmes et nous nous battrons pour obtenir un gouvernement légitime qui reconnaisse toutes nos revendications et tous les droits des femmes. Quand les talibans partiront, nous resterons là pour reconstruire un Afghanistan libre ! Ce que les talibans appliquent comme restrictions contre les femmes n’a été vu dans aucun pays du monde, pas même dans d’autres pays islamiques. Les talibans n’ont pas leur place dans le « monde moderne » ! 

Mr M : Qu’en est-il de ces organisations nationales et internationales de défense des droits des femmes afghanes affrontant les restrictions successives ?

Women’s and children strengthen welfare organization : Le Conseil de sécurité des Nations-Unies a joué un rôle majeur en aidant à ramener la paix et la stabilité en Afghanistan, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses frontières. Civicus et NRF sont deux organisations internationales de la société civile qui œuvrent pour améliorer la vie du peuple afghan en promouvant la gouvernance démocratique et en renforçant la société civile. Enfin, Zan Times, est une plateforme de médias numériques Afghane qui œuvre à la promotion d’un journalisme de haute qualité et indépendant. Ces organisations sont essentielles pour fournir des analyses et des commentaires sur les questions liées à la démocratie, à la sécurité et aux droits de l’homme en Afghanistan.

@awfjm

« désormais seules les organisations qui travaillent en étroite collaboration avec les talibans sont actives en Afghanistan »

Afghan women for justice movement : Les organisations de défense des droits de l’homme ont toutes quitté l’Afghanistan. Le pire est que désormais seules les organisations qui travaillent en étroite collaboration avec les talibans sont actives en Afghanistan. Il existe de nombreuses organisations en dehors de l’Afghanistan qui fournissent une assistance aux militants civils enregistrés qui ont fui l’Afghanistan. Le problème majeur est que ceux qui s’opposent aux talibans sont aujourd’hui, souvent au sein même des frontières, et ceux-là ne sont pas officiellement enregistrés. C’est pour cette raison que la plupart des femmes qui protestent sont toutes plus ou moins privées de l’aide de ces organisations. 

Mr M : Quelle était la situation des femmes avant la prise de Kaboul ?

Women’s and children strengthen welfare organization : Avant que les talibans ne commencent à gouverner l’Afghanistan dès le 15 août 2021, les femmes du pays jouissaient d’un niveau de liberté et de droits plus élevé qu’aujourd’hui. Les femmes avaient pleinement accès à l’éducation et aux soins de santé, ainsi qu’à l’emploi et à la participation politique. Elles n’avaient pas à adhérer aux codes vestimentaires restrictifs imposés par les talibans, ni à subir les mêmes punitions sévères pour violation des codes sociaux. Le régime oppressif des talibans a restreint les libertés des femmes de manière incroyablement oppressive, notamment en leur interdisant même d’aller à l’école ou de quitter leur domicile  non accompagnées.

@awfjm

Afghan women for justice movement : Si vous voulez dire pendant le gouvernement précédent, les femmes afghanes n’ont pas vu leur prise en considération s’améliorer non plus nettement pendant les vingt ans qui se sont écoulés entre les deux périodes de règne des talibans. Des postes d’État ont été attribués à certaines femmes symboliquement ou sur la base de relations personnelles. De nombreux fonds ont été prélevés au nom des droits de l’homme et des droits des femmes auprès des institutions des droits de l’homme et des pays donateurs mais en raison de la corruption et des pots-de-vin, peu d’argent a véritablement été utilisé pour développer les droits des femmes.

Au cours des dernières années, lorsque les talibans sont arrivés au pouvoir, toutes les questions relatives aux femmes ont cependant été restreintes par les talibans. Elles ne peuvent pas voyager sans Muharram (ndlr – un homme de la famille qui doit s’assurer de la sécurité mais surtout de l’honneur d’une femme). Elles sont privées d’université et de Lycée. Il leur est interdit de travailler. On peut dire que les femmes sont complètement exclues de tous les domaines.

Mr M : Comment tenez-vous dans un tel climat oppressif en tant que femme ?

Women’s and children strengthen welfare organization : Je crois que la meilleure façon pour une femme de survivre en Afghanistan est de bien s’entourer : d’avoir un fort soutien de sa famille pour obtenir de l’aide dans les tâches quotidiennes, être soutenu et nouer des relations solides avec d’autres femmes de la famille. Il faut rester informé de tout changement dans les coutumes et les lois locales qui pourrait affecter les droits des femmes.

Enfin, dans la mesure du possible, ces femmes doivent accéder à des ressources telles que l’aide juridique, les programmes d’alphabétisation et les services de microfinance, qui peuvent aider à les autonomiser et leur fournir les outils dont elles ont besoin pour prendre des décisions éclairées sur leur avenir. La majorité des femmes afghanes qui se sont échappées ne sont pas en sécurité ! La plupart restent dans leur pays par manque de ressources et de connaissances sur la situation à l’étranger. Il existe également un manque de structures de soutien pour les femmes qui ont émigré loin de leur pays d’origine, ainsi qu’une peur de l’inconnu en termes d’attentes juridiques, culturelles et sociétales.

@awfjm

« L’Afghanistan est comme une grande prison pour femmes »

Afghan women for justice movement : Certaines manifestantes ont été forcées de quitter l’Afghanistan en raison de menaces directes des talibans. Un certain nombre de ces femmes se trouvent au Pakistan, un pays peu sécurisé pour les femmes Afghanes. La plupart des femmes qui protestent sont toujours en Afghanistan et poursuivent leurs luttes et leurs protestations contre les talibans. L’Afghanistan est comme une grande prison pour femmes. Mais les femmes, elles, n’abandonneront jamais !

Mr M : D’autres figures marquantes vous inspirent-elles en tant que membres d’organisation de défense des droits des femmes ?

Women’s and children strengthen welfare organization : Malalai Joya, sans hésiter. C’est une éminente féministe afghane et militante des droits de l’homme qui a passé une grande partie de sa vie à défendre les droits des femmes afghanes. Elle a été qualifiée de « femme la plus courageuse d’Afghanistan » pour son franc plaidoyer pour plus de droits de la population afghane tout en militant contre ces seigneurs de la guerre.

Elle continue de se battre pour les droits des femmes afghanes, aujourd’hui encore, même en exil. Elle est un excellent exemple du courage et de la résilience dont les femmes afghanes ont fait preuve lorsqu’il s’agit de défendre leurs convictions malgré d’immenses difficultés. Ces femmes courageuses ont apporté d’énormes contributions à leurs communautés en s’opposant aux politiques oppressives des talibans. Elles ont risqué leur vie pour fournir une éducation, lutter pour les droits des femmes et dénoncer les injustices. 

@Wikicommons. Malalai Joya, 8 mars 2007, Australie

Merci à Marwan Marof Arwin (Awsco) et Sabira Abkhari (Awfjm) pour leur temps et combat précieux. 

– Propos recueillis par Audrey Poussines.

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