Un rapprochement russo-américain qui ignore les Européens
Obnubilés par la Russie, les dirigeants du Vieux Continent n’ont pas vu venir le coup… En lançant les négociations de paix sans eux, assorties de concessions majeures, le président Donald Trump offre au Kremlin une sortie du bourbier ukrainien, mais aussi une victoire stratégique. Et l’ère géopolitique ouverte au lendemain de la seconde guerre mondiale semble se refermer.
Julia Beliaeva. – « Warning » (Avertissement), 2014
© Julia Beliaeva – julia-beliaeva.com
En moins de soixante-douze heures, la relation transatlantique a changé de nature. Et, selon toute vraisemblance, les Ukrainiens ont perdu la guerre. Le 12 février 2025, le secrétaire à la défense américain, M. Pete Hegseth, lance le coup d’envoi des négociations de paix sur l’Ukraine. D’emblée, il cède aux deux principales exigences de Moscou : la non-adhésion de Kiev à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) et l’entérinement des « nouvelles réalités territoriales », soit l’annexion russe de quatre régions ukrainiennes ainsi que de la Crimée. Le lendemain, à l’issue d’une (longue) discussion téléphonique avec M. Vladimir Poutine, M. Donald Trump annonce son intention de rencontrer le dirigeant russe en Arabie saoudite — sans les Ukrainiens ni les Européens — et son souhait de voir bientôt organiser des élections en Ukraine. Enfin, le 14 février, dans un discours prononcé à la conférence de Munich, le vice-président américain, plutôt que d’évoquer le dossier ukrainien, reproche aux dirigeants européens de bafouer les aspirations de leurs propres peuples, en contrevenant à la liberté d’expression sur les réseaux sociaux ou en annulant les élections en Roumanie pour cause d’ingérences russes.
Les semaines précédentes, M. Trump avait déclenché une offensive commerciale en relevant les taxes sur les importations du Canada, du Mexique et de l’Union européenne, ou exprimé des vues annexionnistes sur le Groenland. Mais, désormais, il ne s’agit plus simplement d’extorquer à ses « alliés » davantage d’achats d’armes ou de rééquilibrer la balance commerciale. En déclarant que les États-Unis n’accorderaient pas de garanties de sécurité à l’Ukraine, pas plus qu’aux troupes européennes qui s’y déploieraient pour faire respecter un éventuel cessez-le-feu, M. Trump fait inévitablement peser le doute sur une solidarité américaine en cas d’attaque du territoire d’un membre de l’OTAN. Sans sa contrepartie sécuritaire, le lien transatlantique s’apparenterait à une pure dépendance.
Les États-Unis ont pourtant « (…)
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