Les propos d’E. Macron sur la défense européenne, sur l’épouvantable et calamiteux régime russe potentiellement à deux pas de la tour Eiffel, sur le partage de la dissuasion nucléaire qui aura été française,… sont matière à paraphrases ( exercice prisé par les animateurs des médias dominants) ; et alimentent des appréciations dans tous les sens de ceux qui, spécialistes de plateaux, y occupent leur temps en donnant leur opinion (ou celle qui convient) devant des caméras…
Répétitions qui ne sont évidemment pas inutiles pour faire entrer, comme le savent et le pratiquent les spécialistes de la « communication », ce « qu’il faut » dans les cerveaux.
Il serait cependant intéressant, nous semble-t-il, d’essayer de mettre ces propos en relation avec le contexte et les réalités connues par ailleurs (1). Pour en découvrir les intérêts pratiques potentiels pour les affaires.
Démarche d’autant plus fondée, que pour certains, E. Macron serait un « président de la République avec un cerveau d’homme d’affaires » (2).
Avec les décisions prises par D. Trump (3) les USA renoncent à installer en Ukraine des missiles qui auraient été pointés sur la Russie, s’ouvrent des perspectives :
- Ceux qui fournissaient des armes à l’Ukraine ne le peuvent plus ? Le débouché est à prendre (surtout si l’on arrive à faire se continuer les hostilités).
- Le président américain prend des distances par rapport à l’OTAN ? Cela ouvre ipso facto des marchés extraordinaires à des fournisseurs d’avions, de chars, de canons, d’engins divers et de munitions devant être conclus avec l’entité gouvernementale européenne.
Certes les entreprises américaines pourront remporter des contrats (comme elles l’ont fait jusqu’à maintenant) (4). Mais les entreprises françaises ou d’autres pays d’Europe, si les négociateurs et intermédiaires le décident, peuvent avoir la priorité.
Et évidemment, mettre sur pied une organisation militaire « européenne » – et en donner la direction à la « Commission » – constitue une autre bonne « affaire ». Puisque l’opération renforce, en lui donnant encore plus de pouvoirs, le système mis en place au profit de certains acteurs… économiques
Si l’on remonte en effet un peu dans le temps ( fin de la dernière guerre mondiale) on se rappelle que les lobbys financiers et industriels – américains -, ont réussi le tour de force de faire mettre en place (avec la complicité de politiciens locaux, et par la manipulation des citoyens) sur l’espace géographique de l’Europe de l’Ouest, un régime politique… d’un nouveau genre. Régime qui s’oppose très exactement à chacun des trois piliers du gouvernement « démocratique »(gouvernement « du » peuple, « par » le peuple, « pour » le peuple). En effet :
- Le gouvernement devient un organisme sui generis (« Haute Autorité » – du ballon d’essai de la CECA- ; « Commission » de l’Union européenne) dont les membres se cooptent parmi les convaincus ou des gens de connivence. Ce n’est plus le gouvernement « du » peuple.
- La politique devant être menée est fixée dans des textes non modifiables par les peuples (traités et décisions de la « Commission »). Et non « par » le peuple.
- Le contenu de cette politique vise à permettre la libre circulation des capitaux et la liberté de l’activité industrielle et commerciale… Qui ne sont, par définition, pas imaginées « pour le peuple » (6).
Sans pour autant (si l’on se réfère aux opérations militaires à répétition menées en Europe et par des Etats de l’Europe) que cette nouvelle organisation protège les peuples de devoir envoyer leurs enfants à mourir… au nom de la paix.
Marcel-M. MONIN
ancien maître de conférences des universités
Président honoraire de l’Association des Hautes Études Internationales
(1) et non de se contenter de trouver dans les propos et l’attitude du personnage une explication d’ordre exclusivement psychologique.
(2) Et qu’à cet égard, ce seraient précisément des talents de ce genre qui auraient été remarqués lorsqu’il pantoufla sans attendre dans une banque prestigieuse. Et s’y montra efficace. Talents dont s’agit qui lui auraient valu d’être choisi comme candidat à la présidence de la République, et d’être épaulé comme il faut pour que son nom sorte des urnes. Talents en revanche inopérants ou de peu d’efficacité dans d’autres domaines.
(3) D. Trump serait plutôt… « un homme d’affaires, avec des tripes de président de la République ». Le « coup » qu’il a fait à certains hommes d’affaires – intéressés par le commerce des armes- , pouvant lui coûter cher. (On se rappelle ce qu’il advint à J.-F. Kennedy qui contraria certains intérêts matériels)
(4) Les affaires ne souffrent pas de pudeurs nationalistes, éthiques ou autres. On l’a vu lorsque E. Macron, qui fut d’abord placé chez F. Hollande, présida à la vente d’Alstom – malgré les conséquences potentielles pour les intérêts français- à des financiers américains.
(5) NB. Quant à la mise de la force de frappe nucléaire française dans un « pot commun », comme annoncé par E. Macron, elle fournit mécaniquement un élément de marchandage pour l’attribution de certains contrats. Si le négociateur français, indépendamment de tout intérêt pour la défense proprement dite de la population française, est habile ; et s’il décide d’utiliser ce moyen de négociation avec les partenaires.
(6) On comprend que les virtuoses des affaires et autre Mozart de la finance, réclament « plus d’Europe » et une nouvelle mouture de la notion de « souveraineté ». Souveraineté dite « européenne » dont il faudrait mettre l’usage entre les mains des gens de la « Commission ».