
Nous partageons régulièrement ses vidéos sur nos réseaux. Laura Calu, quant à elle, nous fait le plaisir de nous suivre et de nous lire. Animés par des valeurs communes, nous avons rencontré cette humoriste au grand coeur et pleine de révolte, actuellement en tournée avec son nouveau spectacle, « Senk ».
Sa réputation, Laura Calu l’a construite loin de la télévision et de la radio, se créant une solide communauté au fil des années grâce à ses vidéos postées sur Internet. Engagée, révoltée, en colère, Laura Calu est aussi et surtout une hypersensible qui tente de secouer les consciences. Rencontre.

Entretien
Mr Mondialisation : Peux-tu nous raconter ton parcours, celui qui t’a menée à ce que tu fais aujourd’hui ?
Laura Calu : Je fais du théâtre depuis l’âge de huit ans mais c’est à 18 ans que j’ai quitté le Var pour Paris, dans le but de me professionnaliser. Mesurant 1m80 et étant tatouée, je me suis de suite retrouvée à faire de la figuration… en jouant des prostituées et des droguées (rires). Le côté rock’n’roll me plaisait, mais j’ai fini par en avoir marre !
Pour l’anecdote, j’ai passé le casting pour le film La Vie d’Adèle, alors que je galérais déjà depuis quelques années. J’avais appris le texte pour rien car on m’a annoncé la veille que ce serait finalement de l’improvisation, avant de m’apprendre que les rôles avaient déjà été choisis… Je n’ai pas compris pourquoi on m’auditionnait quand même et ai découvert qu’il existait des quotas à respecter lors de casting : un exemple parmi tant d’autres de ce que j’ai pu subir en tant qu’apprentie comédienne.
Comme je ne m’en sortais plus financièrement, j’ai réussi à me retrouver chargée de casting pour la télévision. Un poste qui m’a profondément dégoûtée de la télé française. Les dessous des castings, l’hypocrisie, la drogue, le traitement des candidats de télé-réalité… J’ai subi une overdose de malveillance et ai fui pour le Parc Astérix, où je me suis totalement éclatée ! C’est ensuite que je me suis lancée dans la vidéo internet. Nous étions alors peu nombreux sur ce créneau, il y avait Verino ou Camille Lellouche, mais c’était encore rare sur Facebook. C’est comme ça que tout a commencé.
Mr Mondialisation : Et aujourd’hui, en 2025, tu tournes en France, Belgique, Suisse ou encore Canada avec ton deuxième spectacle.
Laura Calu : Oui, un deuxième spectacle que je considère comme mon premier. Depuis que je me suis lancée en autoproduction avec mon mari, qui gère la mise en scène, j’écris seule et suis très libre, très moi ! Dans « Senk », je pète un câble, je fais des blagues sur tout et sur tout le monde… Je veux y remettre l’homme à sa place, car nous ne sommes rien mais nous détruisons tout, et nous nous prenons très au sérieux.
« Senk », je l’ai écrit suite à la dépression qui m’a accablée suite à mon expérience dans ce milieu terrible des médias. Au départ, ce n’était pas censé être un spectacle d’humour mais un livre sur le burn out (rires) ! C’est mon mari qui m’a convaincue que même si le texte était empli de colère, il ferait rire.
Mr Mondialisation : D’où te vient-elle, cette colère ?
Laura Calu : Clairement, si j’avais travaillé en restauration, je serais aussi révoltée, mais différemment. Mon parcours dans le milieu des médias et de la télévision m’a profondément impactée. Aujourd’hui, j’ai la chance d’être entourée de personnes comme moi, qui vivent un peu bizarrement (rires). J’ai le sentiment de voir l’invisible, et de ne plus croire en rien face à des gens qui veulent se protéger de cet invisible en restant dans leur torpeur.
Je me décris dans le spectacle comme une humoriste dépressive énervée. L’indifférence m’angoisse, ces stars qui défilent sur les tapis rouges sans aucun message m’angoissent. Ce n’est pas parce qu’on dénonce ou qu’on élève la voix qu’on est énervé, c’est simplement qu’on souhaite un peu plus de justice, d’intelligence, de prise de conscience. Alors cette colère, je la partage par le biais du rire avec des gens qui me suivent, et qui la comprennent.
« J’ai le sentiment de voir l’invisible, et de ne plus croire en rien face à des gens qui veulent se protéger de cet invisible en restant dans leur torpeur »
Mr Mondialisation : Peut-on faire rire en bienveillance tout en étant toujours en colère ?
Laura Calu : Je pense que je suis quelqu’un de naturellement gentil, voire de trop gentil, et c’est sans doute pour ça que je suis aussi énervée. Ma nature explose sur scène, où je finis toujours par me moquer de moi-même. La bienveillance est ancrée en moi, notamment via l’autodérision. Les gens que je choisis comme têtes de turc sont morts de rire et on rigole ensemble à la fin du spectacle. Je sais qu’on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui : quelqu’un de mal intentionné qui ferait la même blague que moi n’aura pas le même impact.

Mr Mondialisation : Tu sembles être une personne hypersensible. Comment parviens-tu à te protéger des critiques ?
Laura Calu : Oui, je fais référence à mon hypersensibilité dans mon spectacle. Quand j’ai commencé en 2015, je n’étais pas protégée, n’avais pas de « communauté » pour me soutenir. C’était très violent, ça m’a totalement angoissée pendant plusieurs mois. Aujourd’hui, à l’instar de l’armure que je porte sur scène, je suis blindée. Des commentaires peuvent encore me vexer, je suis humaine… mais je sais relativiser. J’ai décidé d’en faire des blagues, en répondant directement aux commentaires les plus haineux. C’est la pirouette que j’ai trouvée, avec ma sensibilité. J’en suis même désormais à chercher les commentaires de trolls pour travailler ma répartie (rires) !
Mr Mondialisation : En spectacle ou via tes vidéos, tu dénonces l’inertie, l’égoïsme, le repli sur soi. Comment pousser les gens à cesser de faire l’autruche ?
Laura Calu : La réalité, c’est que nous vivons dans une société individualiste, empreinte d’égoïsme, et que beaucoup de gens s’en moquent complètement. Ce qui compte, ce sont nos écrans et nos têtes sur les réseaux. Mes chaussures, mes fringues, moi, moi, moi. Nous avons tous, individuellement, l’impression d’être essentiels. Or à quel moment juge-t-on que sa parole vaut mieux que celle des autres ? C’est ce phénomène qui transforme les gens qui ont peu de sensibilité en gros cons. Les mêmes qui se confortent dans une politique de l’autruche, par confort. C’est ce que j’essaie de dénoncer, à mon humble échelle.
Mr Mondialisation : Tu penses donc que l’humour a un pouvoir « d’éducation » ?
Laura Calu : Bien sûr, c’est pour ça que j’ai choisi ce métier. Le rire est libérateur et salvateur. Si j’ai envie de faire comprendre à Gilbert, que le racisme ou l’homophobie c’est à fuir, je vais imiter un raciste et il va finalement rire de lui-même. Je veux parler de tout le monde, des fachos comme des écolos, pour que chacun puisse rire de soi et réfléchir.
Mr Mondialisation : Tu as sorti une vidéo intitulée « Le cri de la carotte », dans laquelle tu évoques les souffrances d’une carotte échappée d’un abattoir. La preuve que l’humour est plus utile que les cris pour faire passer des messages ?
Laura Calu : Les commentaires qui en ont découlé prouvent que ça fait réfléchir. Je soutiens l’idée que les messages passent mal en hurlant sur les gens, même si le sujet est dramatique. ll faut savoir en rire et détourner sa colère. Paradoxalement, je ne supporte plus d’entendre dire que les végétariens et véganes agressent les gens, alors que je me fais sans cesse agresser par ma famille et mes amis. Pourtant, je fiche une paix royale à tout le monde, et ne demande rien à personne…
J’ai mangé de la viande pendant presque 32 ans sans me poser de questions. C’est quand je suis tombée enceinte qu’elle m’a dégoûtée, sans que je puisse l’expliquer. À l’époque, un ami végane m’a dit une phrase qui m’a marquée : « Tu portes la vie et tu ne supportes plus la mort ». Le sujet du végétarisme revenait régulièrement avec mon mari, alors encore un gros mangeur de viande, persuadé qu’il ne pourrait jamais arrêter. Nous avons eu le déclic ensemble, en mangeant un steak – qui m’a définitivement dégoûtée – au restaurant !
Nous avons stoppé la consommation de viande et de poisson – car oui, les poissons sont aussi des animaux. J’ai réappris à cuisiner et m’éclate comme jamais. Je voue également une passion aux fromages végétaux, même si je consomme encore des fromages classiques en parallèle. J’ai fait une autre vidéo dans laquelle j’explique pourquoi les végéta*iens prennent plaisir à manger des alternatives. Il faut du temps avant de se déshabituer des goûts qui nous accompagnent depuis toujours… C’est un peu comme la cigarette électronique, ça aide à la transition.
Avec mon mari, on n’est pas véganes mais on s’en approche, plus ou moins consciemment. Je réalise qu’il existe plein d’alternatives. Enfin, je regarde les animaux, que j’adore, d’un autre oeil. Je ne ressens plus d’hypocrisie. Moralement, notre choix s’aligne avec nos valeurs.
« Cela me rend malade de contribuer à Meta et Zuckerberg. Je ne rêve que d’une chose : être suffisamment connue pour savourer le luxe de quitter les réseaux »
Mr Mondialisation : Qu’est-ce qui t’indigne le plus ?
Laura Calu : Clairement, l’hypocrisie ambiante. Pendant que Trump lâche l’Ukraine et ses civils qui y meurent depuis des années, des influenceurs prennent la pose sur des tapis rouges aux USA… c’est lunaire. Comment se fait-il qu’aucun acteur ne se révolte ? Où est le véritable héros qui essaie de réveiller les gens ?
Je suis indignée par ces influenceuses soit-disant écolo qui vendent leurs produits pas du tout écolo, ces humoristes et acteurs qui se disent engagés alors qu’ils ne font que du marketing. Les humoristes vraiment engagés ne sont pas sur TF1 ou autres radios qui les censurent…
Je parviens à remplir mes salles sans être contrainte d’y faire ma promo, en étant fidèle à mes valeurs. Malheureusement, je suis encore forcée d’être sur internet. Cela me rend malade de contribuer à Meta et Zuckerberg. Je ne rêve que d’une chose : être suffisamment connue pour savourer le luxe de quitter les réseaux… D’ici là, je dois continuer de faire des choses qui ne me font pas forcément plaisir.

Mr Mondialisation : Alors, si tu avais une baguette magique…
Laura Calu : On dirait une question Miss France (rires) ! Je peux dire que je veux la paix dans le monde ?
Mr Mondialisation : Oui, mais avec la colère qui te caractérise !
Laura Calu : Ok, alors si j’avais baguette magique, j’essaierais de remettre le cerveau des gens en place, de repartir sur de vraies valeurs comme l’empathie, d’ouvrir à plus de compréhension, de dialogue. Nous devrions essayer d’être un peu moins énervés les uns contre les autres, de se rendre compte que les peuples sont ensemble et que notre colère doit être dirigée contre les bonnes personnes, celles des dirigeants qui ne nous veulent pas de bien. Essayons d’être plus intelligents, de nous servir de notre cerveau… Ne nous laissons pas abêtir.
J’ai l’impression que depuis Loft Story, c’est la dégringolade et que nous plongeons petit à petit dans un remake d’Idiocracy. La bienveillance envers ceux qui détruisent tout n’est plus de mise, il faut se révolter, ensemble. Je remercie en cela mon public, qui regarde mes vidéos et vient me voir en salle. C’est mon plus grand soutien.
Laura Calu est actuellement en tournée en France et dans différents pays francophones : dates et billetterie sur https://www.lauracalu.fr/
– Entretien réalisé par Renard polaire
Image d’en-tête : ©Maxime Photographie