Maigres nouveautés, montants insuffisants… Ce que contient le plan d’adaptation au changement climatique


On finissait presque par ne plus y croire. Attendu depuis fin 2023 et maintes fois reporté, le troisième plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) a enfin été dévoilé, le 10 mars. La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a exposé la version finale de cette stratégie censée préparer le pays à un réchauffement de +4 °C par rapport à l’ère préindustrielle, d’ici la fin du siècle.

Inondations, sécheresses, canicules, érosion côtière, incendies… Ce document, doté de 52 mesures et 200 actions, doit protéger davantage les populations, mieux anticiper les risques, assurer la résilience des territoires et adapter les activités humaines face à des conditions climatiques extrêmes. Présenté en octobre 2024 par l’ancien Premier ministre Michel Barnier, il a ensuite été soumis à une consultation publique pendant deux mois. Après 6 000 contributions, la feuille de route a été finalisée par le gouvernement.

« Un assemblage de mesures floues »

Dans sa version d’octobre 2024, le plan avait été jugé largement insuffisant par de nombreuses associations environnementales, car il manquait de moyens financiers et contraignants. Qu’en est-il de cette version finale ? « Il y a assez peu de changements par rapport à la version précédente d’octobre », constate Adèle Tanguy, chercheuse spécialiste des politiques d’adaptation au changement climatique à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Pour Oxfam, le texte « reste un brouillon inabouti, un assemblage de mesures floues ».

De maigres nouveautés

Parmi les nouveautés à saluer, une meilleure intégration de l’ensemble des acteurs pour les territoires à enjeux spécifiques : les littoraux, la montagne, la forêt et les zones agricoles. « Ici, l’État reconnaît que l’adaptation ne dépend pas que de l’aménagement des territoires, mais doit être élaborée avec toutes les parties prenantes », indique Adèle Tanguy. Par exemple, pour la montagne, le tourisme et l’avenir du ski doivent être pensés avec les acteurs économiques locaux.

Autre point positif, selon la chercheuse : la mise en place d’indicateurs de suivis pour chaque action. « On va pouvoir se rendre compte concrètement des avancées sur telle ou telle mesure. »

Un travail va également débuter pour donner une valeur juridique à la trajectoire de référence de l’adaptation au changement climatique (Tracc), qui ne figure pas dans le Code de l’environnement. Définie à partir du scénario tendanciel du Giec, elle prévoit une hausse des températures en métropole de 2,7 °C en 2050 et 4 °C d’ici la fin du siècle. Le gouvernement veut que cette trajectoire devienne une référence dans les textes d’urbanisme à partir de 2027.

Une attention a finalement été portée aux logements exposés au risque de fortes chaleurs avec de nouveaux diagnostics et programmes de rénovation, sans pour autant que soient précisés leurs montants et leurs contenus. Enfin, dernière annonce : la création d’une « réserve civile », notamment pour faire connaître les gestes à adopter en cas d’événement climatique majeur.

Des montants insuffisants

Mis à part ces éléments peu détaillés, cette version finalisée ne contient rien de nouveau. Sur le financement, comme annoncé cet automne, le fonds Barnier — créé en 1995 pour aider les collectivités, petites entreprises et particuliers à financer les travaux nécessaires pour réduire leur vulnérabilité aux catastrophes naturelles — a été renforcé de 75 millions d’euros pour atteindre 300 millions d’euros.

Agnès Pannier-Runacher a annoncé une « mobilisation inédite du Fonds vert à hauteur de 260 millions d’euros », mais ce montant ne serait a priori pas lié à une hausse des crédits du Fonds vert, mais à des crédits existants. En outre, 1 milliard d’euros des crédits des Agences de l’eau seront dédiés à l’adaptation. Comme déjà annoncé, 30 millions d’euros seront consacrés à la prévention du risque de retrait-gonflement des argiles, problématique affectant 10 millions de logements en France.

« Un bricolage budgétaire aberrant »

« En plus d’être dépourvu d’objectifs ambitieux, ce PNACC prévoit de financer les politiques d’adaptation avec des fonds qu’il vient tout juste de supprimer, comme la coupe dans le Fonds vert », souligne Oxfam sur ses réseaux sociaux, en dénonçant un « bricolage budgétaire aberrant ».

Des montants qui sont par ailleurs loin d’être suffisants pour permettre au pays de s’adapter aux conséquences du dérèglement climatique. Selon les estimations de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), les investissements publics nécessaires seraient de 2,3 milliards d’euros par an au minimum.

« Faire plus, avec moins d’argent »

Si le PNACC prévoit la création d’une mission d’adaptation qui mobilisera l’ensemble des agences de l’État (Ademe, Cerema, Météo-France…) pour accompagner 100 communes tests dans leur adaptation, Adèle Tanguy rappelle que les financements des agences de l’État ont été réduits : « On se retrouve à faire plus, avec moins d’argent, c’est inquiétant sur la qualité du service. »

Par ailleurs, plusieurs d’entre elles comme l’Agence bio ou l’Ademe ont fait l’objet de vives critiques ces derniers mois, certains appelant même à leur suppression. « C’est possible que ce climat d’incertitude n’aide pas à engager des projets plus ambitieux que requis sur le long terme », estime-t-elle.

Dernière critique : ce plan n’évoque quasiment pas les questions de justice sociale. « Alors que le changement climatique exacerbe les inégalités, hormis mentionner à quelques endroits les populations vulnérables, il n’y a pas de réflexion systémique sur le sujet », selon la chercheuse.

Si l’on peut se réjouir de la publication du plan, reste à voir s’il sera appliqué. « Sera-t-il une base pour engager des projets ambitieux, questionne Adèle Tanguy, ou tout cela va-t-il retomber à plat ? »

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