14 mars 2025 à 18h15
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Buenos Aires (Argentine), correspondance
Ils sont seuls et démunis face aux aléas d’une météo de plus en plus capricieuse. Les habitants de Bahía Blanca, à 600 kilomètres au sud de Buenos Aires, sont encore sous le choc. Une semaine après les précipitations record qui sont tombées sur la ville (près d’une année de pluie en quelques heures), les personnes affectées se serrent les coudes pour faire face aux conséquences du drame et compenser les lacunes de l’État. Les autorités parlent de seize morts. Un bilan qui pourrait s’alourdir puisqu’une centaine de personnes sont toujours portées disparues.
Dans l’Argentine de Javier Milei, président d’extrême droite, c’est l’auto-organisation qui prime. « Je reviens de chez ma mère, où il y avait 25 personnes que je ne connaissais pas en train d’évacuer sa maison. L’entraide entre riverains est impressionnante, raconte à Reporterre Paula Portero, 42 ans, employée dans le secteur des ressources humaines. Partout, on observe des amas d’une boue très compacte et difficile à déplacer, lourde comme du goudron ! »
« Ma ville est complètement détruite »
Originaire de Bahía Blanca et résidente d’Escobar (dans la banlieue nord de Buenos Aires), Paula s’est rendue sur place dès qu’elle l’a pu pour épauler sa mère, médecin dans le centre de la ville, l’une des zones affectées par les inondations. Miraculée, cette dame a pu sortir par le patio intérieur de sa maison grâce à l’aide d’un couple de voisins plus jeunes. « Je suis encore sous le choc, ma mère aurait pu y rester, poursuit Paula, la voix émue. Ma ville est complètement détruite… On dirait qu’une guerre est passée par là ! Et maintenant, où est l’État ? Le pire, c’est que Bahía Blanca est connue pour ses mauvaises infrastructures. C’est une ville exposée à ce genre d’épisodes, d’autant plus que c’est une cuvette. En décembre 2023, déjà, nous l’avions échappé belle. »
Un gouvernement climatodénialiste
Cette année-là, pas moins de 180 mm étaient tombés en près de trois jours — contre 311 en moins de dix heures cette fois-ci. Une tempête aux airs d’avertissement pour les autorités. Sauf qu’avec l’arrivée de Javier Milei au pouvoir, l’heure n’est plus à la prévention : de multiples subventions de l’État ont été réduites ou supprimées. Parmi les victimes de la tronçonneuse : le service météorologique (SNM), qui a quand même pu donner l’alerte et anticiper les précipitations. « Le gouvernement de Milei nie l’origine anthropique des changements climatiques. Ce n’est donc pas surprenant que la réponse du gouvernement à ce drame ait été tardive et insuffisante », analyse Laura Rocha, présidente de l’ONG Periodistas por el planeta (Les journalistes pour la planète).
La première représentante du gouvernement à se rendre sur place fut Patricia Bullrich, la ministre de la Sécurité, le 11 mars. Javier Milei, quant à lui, s’est contenté d’une visite express (trois heures sur place) le jeudi 13 mars, concluant sa visite par une annonce. Celle de la création d’un fonds national d’aide pour Bahía Blanca, à hauteur de 200 milliards de pesos (un peu plus de 170 millions d’euros).

Au moins 16 personnes sont mortes et plus de 1 000 habitants ont été évacués après qu’une tempête a balayé la ville portuaire.
Images fournies
Pendant ce temps-là, la journée était marquée, à Buenos Aires, par la répression policière d’une mobilisation de retraités qui protestaient contre la dégradation de leur pouvoir d’achat. « Les fonds alloués seront insuffisants. Cette annonce, c’est du pur opportunisme. Avec ça, le gouvernement espère occulter la couverture médiatique de la brutalité policière lors des manifestations de retraités », dénonce Laura Rocha.
Absent du débat gouvernemental, le dérèglement climatique fait bien partie des sujets de préoccupation du Conicet, l’équivalent argentin du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Pris pour cible par le président ultralibéral — en particulier sa section sciences sociales accusée de ne servir à rien — ce prestigieux centre de recherche avait réalisé une étude alertant sur les risques encourus par la ville de Bahía Blanca.
« Le principal problème de Bahía Blanca est le phénomène d’engorgement. La ville se situe à 100 km au sud d’une zone montagneuse, d’où découlent divers ruisseaux. Bahía Blanca est située sur un estuaire, où se déversent ces cours d’eau », résume Paula Zapperi, docteure en géographie, chercheuse associée au Conicet, et autrice de la thèse sur la ville abondamment citée par les médias ces jours-ci.
« Heureusement, le vent de solidarité souffle fort et tout le monde pousse dans la même direction », philosophe-t-elle. Avant de saluer l’aide matérielle et le soutien envoyé depuis Buenos Aires et d’autres régions du pays, telles que Santa Fe et Mendoza, régulièrement affectées par des épisodes climatiques extrêmes.
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