Il ne faut jamais jouer avec les principes fondamentaux de la République et de la démocratie : quand un président de la République est désavoué par le peuple, lors d’un scrutin (législatif ou référendaire) qu’il a lui-même provoqué, il doit démissionner, il doit partir. Faute de quoi, cela revient à dire avec Chamfort que « la souveraineté réside dans le peuple, mais qu’il ne doit jamais l’exercer ». Alors, c’est la démocratie confisquée.
Mais les jeux et calculs politiques ont été plus forts que l’intérêt national et, avec la complicité du personnel politique, M. Macron est toujours là. Pour qualifier cette situation, M. Bayrou – Premier ministre autodésigné ! – a déclaré, dans la longue interview qu’il a donnée au Figaro le 28 février : « Nous ne sommes pas en cohabitation, mais en coresponsabilité ».
En coresponsabilité aujourd’hui, comme M. Mitterrand en cohabitation jadis, il ne fallait pas s’attendre à ce que le président de la République demeure « inerte ». La preuve nous en est dramatiquement fournie avec son allocution télévisée du 5 mars. Si Charles Pasqua se proposait en son temps de « terroriser les terroristes », Emmanuel Macron vient tout simplement de terroriser une partie non négligeable du peuple français, je peux en attester.
« La menace russe est là et nous touche », « qui peut croire que la Russie d’aujourd’hui s’arrêtera à l’Ukraine ? », « rester spectateur serait une folie », telles sont quelques-unes des formules entendues par le peuple français. Et si les mots ont un sens, si l’on ne reste pas spectateur, cela signifie que l’on devient acteur, et acteur d’un conflit armé aux conséquences incalculables quand les deux belligérants disposent de l’arme nucléaire. Ne serait-ce pas « une folie », une vraie folie ?
A la fin de son intervention, le chef de l’Etat (au demeurant d’un Etat bien malade, la faute à qui, après bientôt 8 ans à l’Elysée ?), a évoqué « une certaine idée de la vérité », et même « une certaine idée de la liberté d’expression ». Allons donc ! Lui seul sait. Quant à la « liberté d’expression », oser en parler quelques jours seulement après l’élimination de C8 des chaînes de la TNT, c’est d’un culot monstre et d’un goût douteux.
« En même temps », pour parler comme lui, nous assistons au retour des excommunications.
Au temps du Covid, nous avons eu droit aux « complotistes », mot censé disqualifier dans l’opinion toutes celles et tous ceux qui mettaient en doute les choix d’un pouvoir politique dans la main d’un conseil scientifique monté de toutes pièces, voire à l’emporte- pièce, pour la circonstance, et qui s’est lourdement trompé, il a fini par le reconnaître.
Avec la guerre en Ukraine, les opposants au discours officiel deviennent des défaitistes, des déserteurs, des traîtres en puissance, que sais-je encore ? M. Darmanin n’a pas encore dit que nous sommes en guerre, et que quand nous sommes en guerre, il ne faut pas poser de questions ni créer des polémiques, mais cela ne devrait pas tarder à venir …
Certes, la situation internationale n’est pas reluisante et la guerre en Ukraine, comme toute guerre, s’est traduite par de trop nombreuses vies humaines brisées ou abimées (1 million de personnes, dit-on), et par des destructions massives.
Mais à l’heure où un chemin de paix paraît heureusement se dessiner, et après l’échec de sa diplomatie spectacle Tik Tok, était-ce le moment pour le chef de l’Etat français de tenir un propos s’apparentant fort, sinon à une déclaration de guerre, du moins à un encouragement à une poursuite de la guerre par les Ukrainiens ?
Dans cette affaire, on a du mal à suivre la pensée macronienne. Au début, il dialogue avec Poutine, ce qu’on ne saurait lui reprocher. Ensuite, il demande de « respecter les intérêts de sécurité de la Russie ». Et il finit par dire que « la Russie ne doit pas gagner cette guerre ». Comprenne qui pourra ! Diplomatie Tik Tok et paroles zig zag ne font pas une politique digne de la France.
Une France indépendante, dotée d’un pouvoir légitime et ne se trouvant pas menacée de dépôt de bilan, aurait dû prendre la tête du combat pour la paix sur un continent qui est le sien, le continent européen. Ce n’est pas en Arabie saoudite qu’auraient dû se tenir les pourparlers de paix entre Américains et Ukrainiens, mais à Paris.
Dans la longue lettre qu’il vient d’adresser au président de la République, parue dans Le Figaro du 13 mars, l’ancien ministre Pierre Lellouche met en garde : « Cette guerre, qui est déjà une calamité pour la France et pour l’Europe, pourrait dégénérer vers le pire, si de nouvelles erreurs de calcul devaient être commises dans cette période cruciale qui s’est ouverte avec la conclusion prochaine d’un cessez-le-feu parrainé par Trump et Poutine … »
Puisse le pouvoir y réfléchir, depuis l’Elysée jusqu’au gouvernement et à ses membres, y compris ceux qui juraient qu’on ne les y prendrait pas, et qui sont bien heureux d’y être et bien silencieux.
Il est des moments où les intérêts de boutique et de carrière, ainsi que la solidarité gouvernementale, doivent s’effacer. Toutes celles et tous ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir, « en coresponsabilité », porteraient une lourde responsabilité devant les Français et devant l’Histoire si « le pire » venait à se produire.
Voici venu le temps des femmes et des hommes de caractère, celles et ceux qui sont capables de se lever et de dire haut et fort : non à un engrenage infernal !