14 mars 2025 à 17h04
Mis à jour le 15 mars 2025 à 08h44
Durée de lecture : 4 minutes
Cet article est publié en partenariat avec la Revue Salamandre.
En ce mois de mars, des bourgeons sont déjà bien visibles sur certains arbres malgré les risques de gelées. Yves Caraglio, botaniste à l’unité mixte de recherche botanique et bio-informatique de l’architecture des plantes (Amap), à Montpellier, explique les raisons qui poussent à un débourrement précoce [1].
La Salamandre — Pourquoi certains arbres débourrent-ils avant la fin de l’hiver ?
Yves Caraglio — C’est pour partie le fruit d’une longue histoire évolutive des différentes espèces et de leur origine biogéographique, chacune trouvant sa place dans les différents écosystèmes et dans le calendrier saisonnier. Profiter avant les autres de la lumière grandissante avant que le feuillage ne se généralise peut être un avantage. Ou, par exemple, synchroniser son réveil avec l’émergence d’un pollinisateur particulier.
Cela a aussi des risques. Lorsque le débourrement a lieu, l’étalement des feuilles commence et la circulation de la sève redémarre. Et comme les bourgeons protègent les ébauches foliaires du froid, si l’hiver n’a pas dit son dernier mot, les pièces florales et les jeunes pousses peuvent geler.
Comment réagit la plante à cet aléa ?
Elle doit mobiliser des cellules souches constitutives du méristème [2] pour remplacer les parties touchées par le froid. Si ces perturbations se répètent, elles vont induire une consommation énergétique qui peut épuiser le spécimen.
Dans certaines régions, des espèces comme les chênes font naturellement plusieurs pousses sur une saison. Elles sont donc moins pénalisées par ces variations de température. Elles souffrent en revanche davantage du manque d’eau et des sécheresses. Les effets du réchauffement climatique concernent aussi la production fruitière puisque les débourrements précoces restent à la merci d’un coup de gel jusqu’en mai.
Comment le végétal s’adapte-t-il à ces variations ?
Dans une population, il y a une variabilité qui permet de compenser ces effets. Les individus qui résistent mieux aux perturbations sont sélectionnés. Mais les arbres ont un cycle de vie et un laps de temps entre deux générations plus longs que ceux d’une mouche par exemple, donc ce filtre génétique prend du temps. Les gels ne sont toutefois pas systématiques chaque année, les individus précoces se reproduisent et subsistent dès lors aussi dans la population.
À quelle période les bourgeons sont-ils formés ?
La plupart des plantes les préfabriquent à la fin de l’été lorsque la photosynthèse procure une grande source d’énergie. Au tout début du printemps suivant, initier la croissance des feuilles et les étaler demandera beaucoup d’énergie et une conduction hydrique à partir d’eau interne. La fabrication anticipée permet ainsi aux végétaux d’économiser leurs ressources à cette saison primordiale. Cela dit, durant l’hiver, même s’il est en dormance, le bourgeon mature lentement et grossit, car il se produit quand même des divisions cellulaires à bas bruit.
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