Pas de dépenses à hauteur de 5% du PIB comme exigé par Donald Trump mais une enveloppe de presque 1 000 milliards d’euros tout de même pour la défense et les infrastructures au cours de la prochaine décennie. Tel est l’accord, jugé historique, auquel sont parvenus les principaux partis politiques allemands vendredi. Friedrich Merz, vainqueur des dernières législatives, promettait pendant sa campagne électorale de dépenser plus pour la défense. Cet accord, réformant le “frein à la dette” et portant sur un plan d’investissement massif, est la première réalisation du futur chancelier, un ancien cadre de BlackRock qui souhaite réarmer l’Allemagne.
En janvier, peu avant l’investiture de Donald Trump et peu après ses appels aux membres de l’OTAN d’élever leurs dépenses militaires à hauteur de 5% de leurs PIB respectifs, le chancelier sortant Olaf Scholz rejetait la proposition du président américain. Depuis le début de son mandat, le successeur d’Angela Merkel avait juste créé en février 2022, après l’invasion russe de l’Ukraine, un “fonds spécial” de 100 milliards d’euros pour la Bundeswehr, armée allemande, et s’était engagée à ce que l’Allemagne atteigne l’objectif de 2% du PIB comme fixé par l’OTAN.
Une levée du “frein à l’endettement”
Son adversaire aux législatives du 23 février dernier, Friedrich Merz, leader de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et vainqueur du scrutin, avait quant à lui annoncé son intention de dépenser bien davantage pour la défense. “Les 2, 3 ou 5% ne sont fondamentalement pas pertinents, le facteur décisif est que nous fassions ce qui est nécessaire pour nous défendre », avait-il expliqué.
Vendredi, après des jours de débats, la CDU, le Parti social-démocrate (SPD) ainsi que les Verts sont parvenus à un accord portant sur une réforme du « frein à l’endettement », une règle inscrite dans la Constitution allemande qui limite strictement le déficit budgétaire du gouvernement fédéral et des États. Les dépenses de défense dépassant 1% du PIB seront ainsi exemptées de cette règle, offrant une marge de manœuvre budgétaire significative pour renforcer la Bundeswehr.
Cet accord inclut également la création d’un fonds spécial de 500 milliards d’euros destiné à financer des projets d’infrastructure sur une période de dix ans. Ce fonds sera géré en dehors du budget ordinaire et doit servir à financer les investissements dans divers domaines tels que les transports, l’énergie et les communications. Les Verts avaient menacé de ne pas soutenir cet accord, exigeant des garanties que l’argent supplémentaire serait dépensé pour les infrastructures plutôt que d’être détourné à d’autres fins, particulièrement celles qui serviront à réaliser les promesses électorales des candidats.
Pour les convaincre, Friedrich Merz a proposé d’affecter 100 milliards d’euros du fonds d’infrastructure au Fonds de transformation climatique, un budget fédéral pluriannuel destiné à financer des mesures politiques en faveur du climat et de la transition énergétique.
Cet accord élargit également la définition de « défense » pour inclure les services de renseignement, la défense civile mais surtout l’aide aux pays attaqués en violation du droit international. En outre, le plan prévoit un assouplissement des règles d’emprunt pour les seize États fédérés allemands, leur donnant plus de latitude financière pour investir dans leurs propres infrastructures.
“Plus aucune impasse financière pour nous défendre”
Un changement majeur dans la politique budgétaire allemande, puisque le plan, s’il est adopté par le Bundestag, le Parlement allemand, vient mettre fin à des décennies de restrictions budgétaires rigoureuses. Il doit obtenir une majorité des deux tiers au Bundesrat pour entrer en vigueur.
S’exprimant vendredi, M. Merz, un ancien cadre de la filiale allemande de BlackRock durant son retrait de la vie politique à post 2009, a déclaré que l’accord était un « résultat acceptable et bon ». Il s’est aussi dit satisfait du compromis trouvé avec les Verts. “Nous sommes en état de nous défendre. Il n’y aura plus aucune impasse financière pour défendre la paix et la liberté sur notre continent. L’Allemagne est de retour. (! ! ! !) Je suis très satisfait du compromis trouvé”, a-t-il expliqué.
Par ce plan d’investissement, Friedrich Merz vient extirper Berlin de décennies de restrictions budgétaires rigoureuses en matière d’économie et de défense. En privilégiant les dépenses militaires, Merz, qui veut réaffirmer son ambition de s’émanciper de l’atlantisme traditionnel, semble prêt à engager l’Allemagne dans une voie incertaine, potentiellement déstabilisatrice pour le continent européen, sa défense et son économie.