un nouveau répit pour les opposants


17 mars 2025 à 09h54

Durée de lecture : 4 minutes

Saint-Péray (Ardèche), reportage

Un chant s’envole sur la plaine de Saint-Péray. « Touchez pas à la plaine, touchez pas ; Des routes et des bagnoles on n’en veut pas ; Notre plaine on la préservera ! » entonne la chorale de la Cavale sur un chemin qui borde le dernier corridor écologique à l’ouest de Valence. Comme les 70 personnes présentes, ses choristes sont venues le 15 mars participer à une promenade festive d’opposition à la déviation de la route départementale 86 (RD86), qui doit couler son bitume sur ces 50 hectares de terres agricoles.

Vieux de 40 ans, ce projet routier a été sorti de l’oubli par la communauté de communes de Rhône Crussol (CCRC), présidé par Jacques Dubay, le maire de Saint-Péray. L’élu, qui dispose du soutien du département et de la région Auvergne-Rhône-Alpes, espère fluidifier la circulation bouchonnée de sa commune. « Ils devraient plutôt investir dans le réseau ferroviaire, il n’y a plus aucun train de voyageurs en Ardèche ! » s’exclame Dominique, une choriste qui a grandi à Saint-Péray.

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Un sentiment de soulagement souffle sur la foule. Le 14 mars, la préfète de l’Ardèche a repoussé la reprise des travaux au 1er septembre et demandé à la CCRC de déposer une demande de dérogation à la protection des espèces. « C’est une victoire pour le droit de l’environnement et de la mobilisation citoyenne », savoure Maud Grard, conseillère régionale écologiste. Mais pas la fin de la lutte, tempère Edwige Roche, de la Frapna Drôme Nature Environnement : « On attend la publication de l’arrêté pour voir de quoi il en retourne, et si besoin l’attaquer au tribunal administratif. »


La chorale autogérée de la Cavale contre le projet de déviation de la RD86, le 15 mars 2025 à Saint-Péray.
© Moran Kerinec / Reporterre

Risque d’amiante et plaintes en série

Une vigilance de rigueur. « Ce n’est plus une plaine, c’est les montagnes russes », plaisante un opposant. Ses travaux ont été stoppés cet automne après la découverte d’amiante sur le lieu-dit Le Nichoir. Aucun ouvrier ne disposait d’équipement de protection contre les fibres cancérogènes. À l’époque, Jacques Dubay a nié tout risque auprès de Reporterre.

Si un diagnostic amiante a bien été mené par la commune, celle-ci refuse d’en dévoiler le contenu, malgré un avis favorable de la commission d’accès aux documents administratifs saisis par Maud Grard. « Une plainte va être déposée par un salarié exposé à l’amiante », annonce l’élue écologiste. Sollicité, Jacques Dubay n’a pas répondu à Reporterre.

En retour, cinq plaintes ont été déposées contre Maud Grard par des membres de la mairie pour, notamment, « dénonciation calomnieuse », « menace de crime ou délit à l’encontre d’un chargé de mission du service public » et « port illégal de l’écharpe d’élu ».


Manifestation festive contre le projet de déviation de la RD86, à Saint-Péray, le 15 mars 2025.
© Moran Kerinec / Reporterre

La poussière de l’amiante retombée, des activistes écologistes ont occupé en octobre dernier Le Nichoir pour empêcher la reprise des travaux. Ce répit a permis aux associations Alterre et Frapna de remporter un référé au tribunal administratif de Lyon, qui a sommé la CCRC de revoir sa copie.

Un inventaire naturaliste à trous

Une expertise complémentaire a été commandée par la collectivité au bureau d’études Capse. Cette nouvelle analyse aborde des enjeux écologiques jusqu’ici négligés, telle la présence de chauves-souris protégées, et propose des mesures ERC (éviter, réduire, compenser) plus importantes… Sans convaincre les associations environnementales, qui l’ont faite expertiser par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) Drôme-Ardèche et l’écologue Maxime Zucca.

« Les enjeux spécifiques du territoire sont insuffisamment détaillés, voire ignorés », pointe la LPO dans un communiqué. Le naturaliste dénonce le parti pris de Capse de « décrire les habitats comme dégradés » de manière à affaiblir leur intérêt, et donc les mesures compensatoires à entreprendre. Certains reptiles, oiseaux et chauves-souris ont été « largement sous-estimés » voire « omis », tel le lézard ocellé, pourtant présent dans la région selon le plan national d’action des espèces protégées. La faute à un inventaire mené seulement l’hiver plutôt que sur les quatre saisons.

La LPO s’étonne qu’aucune mesure de compensation ne soit prévue malgré les conséquences de la déviation. « Les ruptures de corridors [écologiques] et les collisions qui en découlent ne sont pas traitées, alors que c’est un des enjeux principaux liés à la création d’un axe routier », observe-t-elle. « Vraisemblablement conscient de cela, le bureau d’études a ajouté des mesures d’accompagnement qui sont en réalité des mesures compensatoires déguisées », estime Maxime Zucca. Cerise sur le bitume, une des mesures de réduction doit supprimer une voie vélo… Pour laisser la route aux voitures.

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