La rupture entre la France et ses anciennes colonies au Sahel se confirme de plus en plus. Le Niger et le Burkina Faso lundi puis le Mali mardi, dirigés par des gouvernements hostiles à Paris, se sont retirés tour à tour de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Un retrait qui vient accroître les tensions entre la France et les dirigeants de ces pays du Sahel, qui ont aussi rompu, entre 2022 et 2024, leurs accords de défense avec Paris.
La décision de Niamey, où l’OIF a été créé en mars 1970, est “hautement symbolique”, estime la porte-parole de l’organisation, Oria K. Vande Weghe. Depuis le coup d’État du 26 juillet 2023, les relations franco-nigériennes ont pris un tournant tendu. Le renversement du président Mohamed Bazoum par des militaires dirigés par le général Abdourahamane Tiani a provoqué une onde de choc diplomatique, qui a culminé avec l’assaut de l’ambassade française à Niamey par des manifestants le 30 juillet.
La rupture entre le Niger et la France se creuse
Le président Emmanuel Macron a déclaré que Paris « ne tolérera aucune attaque contre la France et ses intérêts » au Niger, menaçant de répliquer « de manière immédiate et intraitable » à toute agression contre les ressortissants français, l’armée, les diplomates ou les entreprises françaises. Le Quai d’Orsay a également condamné « toute violence”, rappelant que les forces nigériennes avaient « l’obligation d’assurer la sécurité de nos entités diplomatiques et consulaires au titre des conventions de Vienne ».
Le nouveau régime nigérien, qui dénonçait les accords de coopération militaire avec la France, a ainsi mis fin à la présence de 1 500 soldats français engagés dans la lutte antiterroriste au Sahel. Fin décembre de la même année, Niamey confirmait son rejet de la France en fermant l’ambassade française, tout en plaidant ouvertement pour un rapprochement diplomatique et militaire avec la Russie. En décembre 2024, le spécialiste français de l’uranium Orano annonçait que les autorités nigériennes avaient aussi « pris le contrôle opérationnel » de sa filiale minière au Niger.
Ce pays a fait un pas de plus lundi dans sa rupture avec Paris. « Le gouvernement nigérien a décidé souverainement du retrait du Niger de l’Organisation internationale de la Francophonie », a écrit le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, Laouali Labo, dans une lettre adressée aux ambassadeurs du pays. « Le Niger a écrit à la France et la France nous a informés de cette notification », a confirmé la porte-parole de l’organisation.
Une décision “déplorable” mais que l’OIF “respecte”, considérant éventuellement “être un dommage collatéral d’une situation géopolitique qui la dépasse ».
Niamey, qui compte environ 3 millions d’habitants francophones, était déjà suspendu de l’organisation, quelques mois après le coup d’État à l’issue duquel le président élu, Mohamed Bazoum, a été séquestré. Seuls quelques programmes avaient bénéficié d’une exception. En réponse à cette suspension, les autorités ont suspendu à leur tour leur coopération. Bien avant ce retrait, le centre culturel franco-nigérien, qui portait alors le nom du réalisateur et ethnographe français Jean Rouch, a cessé de fonctionner en tant qu’établissement binational. La place de la Francophonie a été renommée « place de l’Alliance des États du Sahel ».
Le Burkina Faso et le Mali font de même
Dans la foulée, Oria K. Vande Weghe annonce le retrait du Burkina Faso. Tout comme Niamey, Ouagadougou entretient des relations tendues avec Paris depuis le coup d’État de septembre 2022 qui a porté au pouvoir le capitaine Ibrahim Traoré. L’année d’après, le Burkina Faso a exigé le retrait des forces françaises de son territoire, suivant l’exemple du Mali et du Niger. Le capitaine Traoré a appelé les autres nations africaines à rompre leurs accords militaires avec la France, les qualifiant d’obstacles à l’indépendance et à la force des armées africaines.
Les tensions ont atteint un nouveau sommet en janvier dernier, lorsque le président Traoré a vivement réagi aux propos d’Emmanuel Macron sur « l’ingratitude » de certains pays africains envers la France. Le dirigeant burkinabè a accusé Macron d’avoir « insulté tous les Africains » et a déclaré que les Africains n’étaient pas considérés comme « des humains » aux yeux du président français.
Mardi, c’est le Mali qui emboîte le pas à ses voisins. « Le Mali ne peut demeurer membre d’une organisation aux agissements incompatibles avec les principes constitutionnels (…) fondés sur la souveraineté de l’État », indique une lettre du ministère des Affaires étrangères.
Bamako avait aussi été suspendu de l’OIF en août 2020, après le coup d’État. « Depuis l’avènement de la transition, l’OIF, au lieu d’accompagner le Mali dans la réalisation des aspirations légitimes de son peuple, s’est illustrée par l’application sélective des sanctions et le mépris pour la souveraineté du Mali », peut-on encore lire.
Les trois pays s’étaient aussi retirés, en janvier, de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), organisation qu’ils estiment inféodée à la France, notamment après ses critiques contre les putschs militaires.
“Les pays sont souverains, je pense qu’il y a une période de 6 mois avant que ce soit effectif. Une fois que cela est effectif, ils ne sont plus membres », a conclu Oria Vande Weghe.