Nouvelles sanctions à l’encontre des députés, fin des séances de nuit, cravate obligatoire : les chefs des différents groupes politiques de l’Assemblée mettent sur la table des propositions pour faire baisser d’un cran la tension dans l’hémicycle, sans toutefois parvenir à s’accorder.
Députés insoumis accusés d’être antisémites, élus du Rassemblement national taxés de pétainistes, interventions inaudibles… Ces dernières semaines, des incidents ont émaillé les débats et ravivé l’atmosphère électrique qui prévaut depuis 2022 dans une Assemblée polarisée et sans majorité, où tout semble possible, y compris sous drogue dure.
Là où l’exemple devrait être donné, et où une certaine tenue, dans les ors de la République, se devrait d’être respectée (encore faut-il savoir-faire un nœud de cravate), la cacophonie règne, les noms d’oiseau pleuvent, et la pression monte contre certains que l’on souhaite même voir disparaitre.
Et si les Insoumis revendiquent « d’exprimer la colère des gens » dans l’hémicycle face à un gouvernement qu’ils accusent de déni de démocratie, les lepénistes pariaient jusqu’alors davantage sur une stratégie de notabilisation pour gagner en respectabilité.
Mais, « depuis quelques semaines, on voit que les députés du Rassemblement national sortent de leur stratégie du gendre idéal et de la cravate », estime Erwan Balanant, à l’origine avec les autres députés MoDem d’un groupe « anti-bordel » lancé début février.
Après la non-censure de François Bayrou sur le budget, il y a eu une volonté de hausser le ton chez certains au RN, par peur de ne plus être perçus comme faisant partie de l’opposition, confirme un des leurs.
Plus largement, face à des « injures », « invectives » et « mises en cause personnelles » qu’elle juge « trop fréquentes », la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet a convoqué une réunion des présidents de groupe mercredi sur le fonctionnement de l’institution.
« Les Français m’en parlent systématiquement », relève la titulaire du perchoir, assurant que la tenue des débats est la première question évoquée dans les courriers qui lui parviennent.
Au cours de la réunion, « tous ont convenu qu’il fallait que la tension baisse d’un cran », s’est-elle félicitée. Mais aucune des mesures proposées n’a fait consensus.
Le port obligatoire de la cravate pour les hommes, proposé par Les Républicains, a fait chou blanc. Tout comme leur proposition de donner au président de séance le pouvoir immédiat d’exclure de l’Assemblée durant 24 heures « un député fauteur de trouble ».
Mme Braun-Pivet y est fermement opposée, refusant qu’une décision « pas collégiale (…) puisse priver un parlementaire de son droit de vote ».
– Duels à l’épée –
A ce jour, seul le Bureau de l’Assemblée, sa plus haute instance exécutive, peut proposer une exclusion temporaire pour 15 jours de séance, plus lourde peine prévue par le règlement, qui doit ensuite être validée par un vote dans l’hémicycle.
Trois autres sanctions existent : le simple rappel à l’ordre ; le rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal qui entraîne la perte pour le député d’un quart de son indemnité pendant un mois ; la censure qui le prive sur la même période de la moitié de son indemnité et doit aussi être validée par un vote de l’Assemblée.
Certains groupes poussent pour la création d’une nouvelle mesure coercitive, mais « aucun consensus » ne s’est dégagé, selon Mme Braun-Pivet.
Paul Christophe, chef des députés Horizons, se dit favorable à « des sanctions intermédiaires » de « dissuasion », invoquant l’image d’un carton jaune au football.
Pour l’Insoumis Antoine Léaument, « il ne devrait pas y avoir de sanctions quoi qu’un député dise, surtout au vu du deux poids deux mesures qui règne dans cet hémicycle ».
Autre proposition, la fin des séances de nuit.
Certains des incidents récents ont en effet éclaté durant ces séances qui s’étendent jusqu’à minuit, parfois plus tard. Les députés mettent en cause la fatigue et, quelques fois, un excès d’alcool au diner.
L’idée portée par des députés MoDem semble faire son chemin et rassembler plus largement. Une nouvelle réunion est fixée au 9 avril.
En attendant, la présidente a appelé les chefs de groupes à intervenir pour « ramener le calme parmi leurs troupes ».
Mais y-a-t-il véritablement plus de « bordel » aujourd’hui ? Pas sûr, selon elle.
« Tous ceux qui connaissent l’histoire parlementaire et cet hémicycle, savent à quel point, il a été le témoin de débats incroyablement violents et éruptifs », expliquait-elle lundi à des étudiants.
Duels à l’épée, députés refusant de quitter l’hémicycle, président poursuivi dans les couloirs par des élus : dans les livres, les épisodes de heurts ne manquent pas. Mais, pour Mme Braun-Pivet, les réseaux sociaux et les séances filmées en direct leur donnent une tout autre résonance.