Les scientifiques français se mobilisent contre Trump


Face aux attaques répétées contre la recherche scientifique aux États-Unis – coupes budgétaires, censure idéologique et répression des chercheurs – la mobilisation s’intensifie. Alors que l’administration Trump renforce son offensive contre les sciences, la communauté académique française se lève en soutien à ses collègues américains à l’occasion de plusieurs manifestations Stand up for Science organisées sur tout le territoire.

Le 7 mars, devant le campus Pierre-et-Marie-Curie de l’université de la Sorbonne à Paris, 2 500 personnes se sont rassemblées pour dénoncer l’offensive contre les sciences déclenchée par le président américain Donald Trump. Dans plusieurs autres villes de France, des chercheurs de toutes les disciplines se sont également réunis pour défendre la recherche à travers une vaste mobilisation, en soutien à leurs confrères et consoeurs d’outre-Atlantique. Au total, ils seraient plus de 8 000 à s’être mobilisés.

Crédit : Stand up for Science

Un assaut frontal contre la recherche et la démocratie

Et pour cause, entre licenciements massifs, abandons de projets, suppressions de données, censures de certaines thématiques, pertes de budgets et isolement sur la scène internationale, les agressions envers la recherche sont brutales depuis le début du second mandat de Donald Trump à la Maison-Blanche. 

« Par le passé, des scientifiques avaient été attaqués sur leurs opinions. Là, nous sommes visés sur la définition même de notre métier, et c’est sans précédent de ce point de vue-là. C’est une attaque massive contre la démocratie », s’exclame l’historien Patrick Boucheron lors de la conférence de presse qui a précédé la marche, couverte par les journalistes de Vert

Des coupes budgétaires et une censure sans précédent

En quelques semaines, l’administration Trump et le Département de l’efficacité gouvernementale (DOGE) d’Elon Musk ont successivement retoqué les programmes d’aide à l’inclusion au sein des universités, réduit les financements de recherche et restreint l’accès à de nombreuses bases de données

En outre, le Président s’est empressé de supprimer le programme de la NASA destiné à la surveillance de la Terre, qui évaluait les taux de gaz à effet de serre, mais aussi la pollution touchant la santé des populations. Cette décision dramatique a eu pour effet d’interrompre la continuité des observations, impactant profondément tous les pays qui basaient en partie leur recherche sur ces données. 

Donald Trump s’est aussi attaqué à plusieurs agences fédérales, dont l’USDA en charge de l’agriculture, en leur interdisant de poursuivre des travaux sur certaines thématiques. « Il a ainsi fait supprimer des sites fédéraux au moins 8 000 pages web mentionnant des sujets désormais interdits, touchant au changement climatique, à l’environnement, à la biodiversité ou aux études de genre », relève l’Académie des sciences dans un communiqué.  

L’institut français note aussi le démantèlement du plan fédéral de réformes écologiques et sociales pour la protection de l’environnement et le développement des énergies propres et renouvelables. A contrario, la Maison Blanche annonce un soutien massif à l’industrie des énergies fossiles. 

Une offensive idéologique contre l’inclusion et la diversité

Pour justifier ces interventions, Donald Trump évoque une lutte contre la prétendue « idéologie woke » et assure défendre des valeurs réactionnaires qui redonneront sa grandeur à l’Amérique. Sous ce prétexte, l’administration s’attaque en réalité à toutes les politiques de diversité, d’équité et d’inclusion. L’Académie des sciences conclut :

« Toute discrimination positive est désormais interdite : ceci s’applique tout aussi bien aux étudiants étrangers aux États-Unis qu’aux femmes et aux minorités dans les entreprises, les universités et les institutions académiques »

À ce titre, une liste d’une centaine de termes proscrits ou « à surveiller » est rapidement parvenus à la National Science Foundation, qui supervise la recherche scientifique américaine. Parmi eux figurent notamment « handicap », « femme », « racisme », « victime », « justice sociale », « personne noire » ou « latino/latina » et encore « discrimination ». Des termes génériques des sciences sociales, comme « historiquement », « politique », « socioculturel »  et « socio-économique », apparaissent également dans la liste.

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Qualifiée d’un « assaut lexical contre la recherche » par les analystes du Monde, cette guerre du vocabulaire vise sans détours à « combattre et modeler à la source le débat politique, au risque de la censure », assure le journal. 

L’Académie des sciences se dit « très préoccupée » par le licenciement brutal des personnels de recherche les plus précaires, notamment les étudiants étrangers, en thèse et les post-doctorants. – Crédits : Pixabay

Entre exil et risque de représaille : des chercheurs en danger

Pour les scientifiques d’outre-Atlantique, la crainte des représailles est réelle. « Nous avons reçu de premières candidatures américaines », indique Patrick Boucheron à Vert, faisant référence au programme de recherche Pause, censé accueillir au sein des institutions françaises des scientifiques en exil, privés de leur liberté académique dans leur pays d’origine. Lancée en 2017, cette initiative était alors destinée à offrir une opportunité aux scientifiques menacés en Syrie, en Afghanistan, en Ukraine ou en Russie. 

« L’Université et la recherche font aujourd’hui l’objet d’attaques d’une ampleur inédite depuis la Seconde Guerre mondiale », expliquent Olivier Berné, astrophysicien, Patrick Lemaire, biologiste et Emmanuelle Perez-Tisserant, historienne, initiateurs de l’action Stand up for sciences en France. Basée sur le même modèle que son homologue américain, la mobilisation a atteint son objectif de visibilisation de la menace qui pèse sur la communauté scientifique. 

L’Europe face aux mêmes dérives ?

Si l’offensive « est particulièrement alarmante aux États-Unis », où les institutions de recherche, les agences de régulation, les droits civiques et les fondements mêmes de la démocratie sont mis à mal par l’administration Trump, la solidarité internationale s’avère « indispensable », selon les trois chercheurs, alors que « de semblables menaces pèsent sur l’Europe ».

Institutions scientifiques ciblées, financements fragilisés, chercheurs accusés de « wokisme » : la recherche subit en France une offensive croissante, souvent menée par l’extrême droite. Au micro de Vert, Valérie Masson-Delmotte, climatologue et ancienne co-présidente de l’un des groupes de travail du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), questionne :

« Je vous invite à réfléchir sur les symboles quand, en France, on mure l’entrée de l’Office français de la biodiversité, de l’Anses, de l’Inrae. Qu’est-ce que ça veut dire : on veut intimider, on ne veut pas laisser parler ? »

« Nous ne sommes pas au même niveau d’attaques, mais il faut prendre soin de la science, qui est un bien commun » : C’est ce qu’a fermement défendu le mouvement Stand up for Science, aux Etats-Unis mais également dans l’Hexagone, le 7 mars dernier.

– Lou Aendekerk


Photo de couverture : Marche de mobilisation Stand up for Science, organisée à Nantes. – Crédits : Stand up for science

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