Terreur urbaine et gangstérisation sans frontières en échos-systèmes de liaisons mafieuses, crapuleuses et criminelles


Aux sources de la résurgence du banditisme légal

Depuis l’échec de la mobilisation antisystème en 2019, le pouvoir délinquant, représenté par le PHTK de l’ex président Michel Joseph Martelly, qui était agonisant et proche d’une cinglante défaite au point que le président Jovenel Moïse était incapable de se rendre le jour à ses bureaux, a connu pourtant une féconde et vibrante renaissance par successions d’alliances malsaines et surtout par l’irruption de la terreur des gangs. Fondée sur une demande collective de justice citoyenne contre la corruption, cette mobilisation a été embrassée et portée par les Petrochallengers, hélas, avec plus de fulgurance médiatique, d’initiative symbolique que d’intelligence stratégique. De fait, elle a accouché d’une souris, en débouchant sur un processus appelé : changement de rupture par transition ordonnée.

Supportée, sinon subventionnée, par les principales ambassades étrangères pour casser l’élan radical de la mobilisation populaire, qui prenait un virage trop violent pour les bénéficiaires et acteurs de l’ombre du système, la mobilisation antisystème des Petrochallengers s’est présentée comme une alternative non violente. De fait, pour convaincre ses sponsors et rassurer sur sa soumission aux diktats du système, elle a voulu se distancier des luttes violentes (https://lenouvelliste.com/article/195394/a-aucun-moment-les-politiciens-ne-peuvent-recuperer-le-mouvement-petrochallenge) qui paralysaient les activités commerciales et économiques du système, en proposant, en semaine, des ‘‘sit-in’’ devant des institutions de justice, et, le dimanche, des manifestations, uniquement après les heures des cérémonies religieuses, pour ne pas perturber le fonctionnement du système. Quelle paradoxale mobilisation antisystème que celle qui protège les activités et le fonctionnement normal du système ! C’est donc en toute logique qu’elle s’est transformée en processus de changement de rupture par transition ordonnée, en proposantune passerelle comme sortie honorable au pouvoir (). Tout cela sous la houlette de la ‘‘si vile’’ société haïtienne, regroupée des acteurs qui ont été les relais académiques, politiques, culturels, intellectuels et socioprofessionnels ayant offert aux délinquants légaux du PHTK les adjuvants de leur victoire en 2004.

Objectivement, la mobilisation antisystème, impulsée par les Petrochallengers, et son corollaire changement de rupture par transition ordonnée, tressée par les forgeurs de passerelle de Montana, n’ont été que des mises en scène petites bourgeoises, reflétant l’insignifiance et la mécréance qui structurent l’imaginaire de ces groupes sociaux. Subventionnées par le syndicat diplomatique appelé Core Group, vaste réseau d’influence regroupant les ambassadeurs des États-Unis, de la France, du Canada, de l’Allemagne, du Brésil et de l’Union Européenne, ces mises en scène furent originellement conçues comme contre-feux destinés à enfumer le feu rougeoyant de la lutte populaire contre le PHTK, en mettant à contribution la demande collective de justice pour la dilapidation des fonds de PetroCaribe. Et de fait, parce que dépourvues de toute stratégie d’intelligence, d’engagement militant authentique et d’autonomie de décision, ces mises en scènes furent véhiculées par des slogans présentés comme des idées révolutionnaires : Kote Kòb Petrokaribe ? (Où est l’argent de Petrocaribe ?) Á bas système ! Á bas corruption ! Vive la Justice ! Vive le changement de rupture !

Autant de mots creux, bruyants et redondants qui ne font que décréter le changement, sans problématisation pour une contextualisation du cadre de sens et des processus de construction de ce changement. Or, il est hautement improbable, voire systémiquement impossible, que le changement véritable puisse se mettre en œuvre par décrets démocratiques, fulgurances médiatiques et impostures militantes.

Vers un gangstérisme sans frontières

Aujourd’hui, il ne fait plus de doute que la mobilisation antisystème de 2018 a été une abondante et dense opération d’enfumage. Elle a été lancée comme prélude à cette campagne de terreur qui se déroule actuellement pour imposer à la population haïtienne le gangstérisme d’État comme seuil minima de droits humains. Cette terreur s’exécute selon la tactique en 10 contre 1 de l’improbable pragmatisme révolutionnaire théorisé par des représentants de la petite bourgeoisie médiatique et intellectuelle haïtienne sous le nom de révolution PoteBoure pour vivre ensemble avec les gangs, regroupés en fédération G-9 et alliés.

Comme à mon insolente habitude, j’avais osé prendre le contre-pied de cette insignifiance théorique. Car, au vrai, cette alliance malsaine, présentée par des représentants de la petite bourgeoisie haïtienne (dont les familles vivent sous des cieux cléments dans les rêves blancs d’ailleurs) comme une Révolution des masses populaires que la société devait rejoindre, se situe dans le prolongement de l’enfumage de la mobilisation anti système. C’est toujours par enfumage, en mouvements paradoxaux, que la géostratégie de la déshumanisation procède : elle donne le pouvoir à des affreux et du rayonnement académique, culturel et intellectuel à des insignifiants pour qu’ensemble ils œuvrent à assurer l’invariance du statu quo qui est profitable aux mécréants des groupes économiques dominants. La mission des affreux, agissant comme crapules accréditées, est de déstabiliser l’écosystème local ; celle des insignifiants anoblis, agissant comme couillons assumés, est d’apporter l’aura qui leur a été donné comme adjuvant pour invisibiliser la laideur des affreux, et rendre leur indigence supportable.

La terreur urbaine actuelle que sèment les gangs est donc le versant paradoxal destructeur qui parachève l’enfumage de la mobilisation antisystème. Cette fulgurance petite bourgeoise n’avait pas d’autre finalité : elle cherchait à recycler le système sur ses structures malsaines par des impostures de changement, embellies par les acteurs académiques et culturels agissant en légions de couillons assumés. Et nous étions, avec notre rigueur et cohérence analytique habituelle, parmi les très, mais vraiment, très rares à questionner la valeur de ce mouvement Petrochallenge. Ce qui nous avait valu bien d’animosités venant des réseaux anoblis qui soutenaient cette mobilisation. Et comme ce sont ces mêmes réseaux qui pilotent les institutions de la gouvernance publique et les projets de l’assistance internationale, cela s’est répercuté pour nous par des déboires professionnels. Mais ce sont des conséquences que nous assumons, car elles découlent de notre engagement éthique et de notre entêtement à rester digne, quitte à crever dans le shithole.

L’écosystème connecté de la criminalité et de l’indigence

Ainsi fonctionnent les connexions malsaines en Haïti : les lettrés malicieux préfèrent tisser des liens de convergence aliénante avec les mécréants et les affreux, plutôt que de se regrouper, autour de divergences structurantes, avec ceux et celles qui n’ont de cesse de vibrer par la petite flamme bleue de leur insolence, authenticité et intelligence contextuelle. C’est sous le fumier de ces réseaux d’enfumage académiques et militants, humainement médiocres et précaires, qu’il faut se placer pour comprendre la structure des failles qui cartographie l’errance anthropologique haïtienne. Une structure déliante et obscure qui sert objectivement de repaire pour les fossoyeurs et les mécréants dont la criminalité et l’indigence sont les nutriments essentiels. Les murs déliants de cette structure sont tapissés et décorés de motifs déviants, tous enchevêtrés dans foudroyante opacité (Chak koukouy klere pou je w / Que chaque luciole brille pour son ombre), cécité (Sa je pa wè kè pa tounen / Ce que les yeux ne voient pas ne peut pas troubler le cœur), surdité (Je wè bouch pe/ Voir et se taire pour ne pas déranger le confort des puissants), complicité autour d’opportunités malsaines (Se kolòn [malfekté] ki bat / C’est dans la colonne des mécréants qu’il faut se trouver pour réussir), médiocrités citoyennes (Se sòt ki bay embesil ki pa pran / Quand le sot donne, seul l’imbécile n’en profite pas), d’irresponsabilité professionnelle (Degaje pa peche / Se débrouiller pour survivre ou réussir n’est pas un crime ; Kout manchèt nan dlo pa gen mak/ Le crime parfait ne laisse pas de traces) et d’indignité humaine (Bouche nen ou bwè dlo santi / Pincer le nez pour boire l’eau puante).

C’est sous les strates de ces proverbes populaires, qui disent l’horreur de ce collectif, ayant appris à survivre jusqu’au bout de la laideur (Pito nou lèd nou la), qu’il faut se placer pour entendre les murmures et les chuchotements de la médiocrité de la société haïtienne. Les failles de cette société sont manifestement un héritage de son passé déshumanisé, et relèvent ainsi, objectivement, de l’anthropologie culturelle (irresponsabilité pour profiter de ce que le système donne, insignifiance comme renonciation à l’intelligence pour ne pas choquer les puissants médiocres au sommet, dépendance vis-à-vis de ceux qui contrôlent les ressources, marronnage pour ne jamais s’affirmer authentiquement, malice pour instrumentaliser les autres, adaptation à l’indignité pour survivre et/ou réussir). Tout un ensemble de postures culturelles malsaines qui permette de tisser exclusivement des relations mafieuses et médiocres entre crapules et couillons, corrompus et criminels.

Si le passé est en cause, car étant un boulet immense quand on veut prendre de l’envol vers l’avenir, il n’explique pas à lui tout seul cette invariance anthropologique et cette régression historique. Car, sur les strates purulentes de ce passé déshumanisé, de reluisantes réussites académiques, culturelles et littéraires ont été construites. Et tout porte à croire que ce sont elles qui ont verrouillé le pays sur cette dépendance asphyxiante vis-à-vis des ressources de la communauté internationale, en le faisant évoluer dans ce repère d’impuissance et d’errance. C’est en tout cas ce que dit la pensée stratégique : dans certains écosystèmes, certaines ressources et réussites, accumulées dans le temps, sont des quantificateurs d’indigence qui bloquent toute innovation sociale et s’opposent à tout progrès humain (Gerry Johnson et al., Stratégique, 8eme édition, 2008, Pearson, ).

L’écosystème haïtien, comme le modélise l’illustration qui accompagne ce texte, est tissé exclusivement par des connexions mafieuses, crapules et criminelles. C’est une auberge malicieuse peuplée majoritairement de crapules et de couillons qui ont été anoblis en lettrés, exclusivement pour cultiver l’errance. C’est une société sans cohésion, sans centre d’intérêts partagés, sans valeurs éthiques fortes placées comme gradients indépassables de sa dignité. Par adaptation, elle n’a pas su se donner des élites responsables, intelligentes et dignes pour porter l’indépendance, au-delà de son envol historique, comme un projet anthropologique d’innovation permanente. Incapable d’inventer d’autres postures que celles héritées de son passé déshumanisé, elle ne vit que de malice et d’impostures. Et ce sont les vilenies, les infamies, découlant de ces connexions immondes qui l’ont orienté vers le triomphe de la spirale de terreur qui s’abat sur Haïti, par l’instrumentalisation des gangs.

L’introspection anthropologique comme voie vers la régénération éthique

Que nos compatriotes haïtiens se gardent de croire qu’en dévoilant l’horrible laideur du tableau de la réussite qui structure l’évolution de la société haïtienne, nous versons dans un récit diffamatoire. Nous essayons, avec insolence et non moins d’intelligence, de dire que l’on ne pourra forger un levier stratégique pour extraire la population haïtienne de cette errance anthropologique que si l’on parvient à comprendre intelligiblement et à assumer éthiquement l’horrible vérité sur laquelle s’est greffée cette société déliante. Laquelle vérité ébruite, en échos-systèmes de fracas angoissants, les variables socio-anthropologiques de l’errance d’un collectif qui a cru qu’il pouvait brandir, le premier jour de chaque année, l’étendard de sa légende révolutionnaire et marronner, le reste du temps, avec la vie en cherchant à survivre dans l’indignité, à coup de Pito nou lèd nou la (Mieux vaut être laid mais vivant), ou de Lespwa fè viv (L’espoir fait la vie). Haïti doit faire l’effort introspectif d’apprendre à se voir dans l’horrible laideur de sa vérité anthropologique déliante et paradoxale, pour que ses générations futures puissent oser faire le saut éthique de la régénération.

C’est cette vérité que nous formulons dans ces écrits que nous appelons les manuscrits de l’axiomatique de l’indigence et que nous résumons ainsi :

L’écosystème haïtien s’est structuré, sur ses 221 ans d’histoire, exclusivement à travers des liaisons malicieuses entre crapules et couillons. Ce qui a forgé les 3 variables anthropologiques du génome de la réussite nationale, lequel génome est appelé marronnage déviant, et est porté par la Malice, la Crapulerie et la Couillonnerie. Voilà pourquoi, devenues purulentes, ces liaisons exhalent les senteurs d’une société faite de Misère et qui cherche à survivre par la Corruption et la Criminalité, restituant 3 variables sociologiques structurantes comme équilibre indigent par des échanges dégradants pour la dignité humaine. Tout cela peut se modéliser comme l’équation d’une Errance portée par la Malice, la Crapulerie et la Couillonnerie, et qui rejaillit invariablement sur la société par Misère, Corruption et Criminalité foisonnantes. La terreur urbaine actuelle que déploient les gangs en Haïti participe donc d’un conditionnement psychologique qu’on pourrait appeler la panique des masses. Il s’agit de pousser la population haïtienne dans les retranchements extrêmes de la déshumanisation, par la terreur, pour qu’elle en vienne volontairement, fidèlement à son adaptation culturelle aux pires conditions de vie, à accepter et à exiger de vivre avec les gangs pour avoir un peu de répit et continuer à survivre. Ce qui permettra de transformer ces derniers en nouveaux acteurs du paysage de la gangstérisation sans frontières qui couve sous l’immense et foisonnant fumier servant d’auberge pour le succès national. Haïtien.

En ce sens, la terreur des gangs, quoi qu’ayant de fécondes sources locales, participe plus globalement d’un processus d’attrition stratégique (PAS). C’est une mise au PAS qui vise à éroder la dignité de l’âme haïtienne, en tuant son intelligence collective pour que, dans sa majorité désespérée, la population puisse renoncer par elle-même à ce qui lui reste d’humanité. A-t-on encore besoin de déshumaniser un collectif qui s’auto-déshumanise lui-même, en s’adaptant à tout pour survivre rien que pour vivre d’espérance, et ce jusqu’au bout de la laideur ? La gangstérisation apparaît donc comme un invariant d’enfumage de la géostratégie de la globalisation par auto-déshumanisation. Il est donc urgent et impératif de révéler le mécanisme de fonctionnement de cet enfumage pour faciliter la construction du levier stratégique qui permettra d’extraire la population haïtienne de cette indigence. Quoi qu’il en soit, il va sans dire que seule une régénération de l’âme haïtienne, en rupture de son marronnage déviant, peut offrir un levier stratégique pour un possible humain digne, hors de ce chaos. Mais la population haïtienne, si agonisante, a-t-elle encore du temps devant elle pour un si long projet ? Cette si vile société, qui se contemple à travers sa pseudo résilience, saura-t-elle prendre du recul pour questionner les états mentaux, les choix d’existence, les modes d’action, les processus de décision qui structurent son auto-déshumanisation et renoncer aux succès indigents qu’ils induisent ? Dans le peu de temps qu’il nous reste comme sursis, avant que l’assaut final ne soit donné contre ceux qui résistent face à cette terreur, malgré la disproportion des moyens, nous reviendrons montrer comment fonctionne l’auto-déshumanisation par les relais enchevêtrés entre insignifiance et mécréance.





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