par Mikhail Gamandiy-Egorov
La République démocratique du Congo et le Rwanda ont accepté un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel après que les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame se soient rencontrés à Doha.
L’annonce à Doha, capitale du Qatar, d’un cessez-le-feu dans l’est de la République démocratique du Congo ne résout pas les énormes problèmes de sécurité dans la zone de conflit, ni le problème lui-même dans les régions orientales de la RDC, mais confirme la volonté du Qatar de jouer un autre rôle de médiation, également dans cette partie du monde.
«L’accord de cessez-le-feu entre la République démocratique du Congo et le Rwanda a été conclu à l’issue d’une rencontre entre les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame à Doha, grâce à la médiation de l’émir du Qatar, le cheikh Tamim bin Hamad Al-Thani», a déclaré Tina Salama, porte-parole du président de la RDC.
Et bien qu’encore nombre de questions restent sans réponse, il convient de faire le tour des perspectives actuelles et futures de cette problématique.
Le Qatar devance l’Angola
La rencontre de Doha était quelque peu inattendue, même si les contacts du Qatar avec les dirigeants du Rwanda et de la RD Congo se sont effectivement poursuivis au cours des derniers mois, d’autant plus que sous les auspices de l’Angola, qui assure actuellement la présidence de l’Union africaine, des négociations devaient avoir lieu le 18 mars entre les autorités de la RDC et les rebelles de l’Alliance fleuve Congo (AFC), dans laquelle la principale force est représentée par le Mouvement du 23 mars (M23).
Ces négociations devaient en effet avoir lieu à Luanda, la capitale angolaise, mais les représentants des rebelles avaient finalement annoncé qu’ils n’y participeraient pas après que l’Union européenne ait imposé des sanctions contre un certain nombre de personnalités rebelles congolaises. Au passage, il convient de noter que l’UE a également imposé des sanctions contre le Rwanda, après quoi les autorités de ce pays ont annoncé la rupture diplomatique avec la Belgique, que Kigali accuse d’être l’instigatrice des dites sanctions.
C’est pourquoi la rencontre à Doha entre les présidents de la RDC et du Rwanda, avec la participation de l’émir qatari, était un événement quelque peu inattendu pour certains observateurs. Bien qu’il n’y ait pas beaucoup de facteurs surprenants : le Qatar entretenant des relations étroites avec le Rwanda, tout en ayant des relations positives avec les autorités de Kinshasa, le tout lié bien évidemment aux ambitions internationales de Doha, en agissant en tant que médiateur, y compris dans le cadre des conflits existants, tout en promouvant ses propres intérêts.
Bien entendu et jusqu’à présent, l’initiative qatarie ne prétend pas remplacer les initiatives africaines, y compris celle de l’Angola, mais s’inscrit plutôt comme un soutien des initiatives angolaise et kenyane, ceci étant dit il est évident que le Qatar joue également son propre jeu.
Le côté pratique de la question et les perspectives
Quant aux perspectives actuelles et futures, il y a aujourd’hui plus de questions que de réponses. Premièrement, pour mettre en œuvre un cessez-le-feu, le plein consentement des parties impliquées est nécessaire. Pour autant que ce soit le cas, demeure la question de savoir dans quelle mesure cette trêve sera respectée et pour combien de temps. Après tout, la crise en RDC dure depuis déjà bien trop longtemps et jusqu’à présent aucune solution fondamentale n’a été trouvée pour la résoudre. Le tout étant donné qu’aujourd’hui les forces rebelles dans l’Est du pays se trouvent en position avantageuse et contrôlent deux grandes villes, Goma et Bukavu (respectivement les 6e et 7e plus grandes villes de la RD Congo). Avec aucun renversement notable de la situation du côté de Kinshasa.
Plus que cela, au lieu de rechercher de véritables solutions stratégiques, les autorités de Kinshasa continuent à commettre les mêmes erreurs. À la fois dans le cadre d’une recherche de «solutions» auprès des régimes occidentaux, qui n’apporteront jamais la paix dans un pays tourmenté, ainsi que dans le cadre du calcul naïf selon lequel en vendant encore plus de souveraineté nationale, il sera alors possible de compter sur une sorte de stabilisation. En effet, il apparait parfois clairement que les autorités de Kinshasa pensent principalement à leur propre sécurité dans le cadre des réalités de la capitale, sans aucune volonté sérieuse à résoudre les problèmes du pays tout entier. Et dans ce cas, faut-il être surpris des succès obtenus sur le terrain par les rebelles de l’AFC/M23, même si cela se fait à travers un soutien direct de la part des autorités rwandaises ?
Aujourd’hui, les autorités de Kinshasa tentent de s’accrocher au moindre succès. À ce titre, les sources informationnelles proches de Kinshasa essaient de qualifier la réunion de Doha de «succès» spécifiquement pour la République démocratique du Congo, car cela a permis de dialoguer directement avec la principale figure de soutien aux groupes rebelles de l’Est congolais, représentée par le Rwanda. Bien que jusqu’à présent il ne soit aucunement possible à pouvoir parler de succès en raison de manque de clarté sur les perspectives d’une paix réelle et de manière encore plus générale, dans le cadre d’une solution à une situation très négligée. Et cela d’autant plus que les autorités de la RDC admettent de-facto ouvertement qu’elles ne peuvent pas faire face seules au Rwanda voisin, plusieurs fois plus petit en termes de superficie et plusieurs fois moins peuplé que la RD Congo. Confirmant une fois de plus l’impuissance stratégique de la RDC contemporaine.
Le Qatar, à cet égard et en tant que médiateur, continue de marquer des points tout en promouvant ses propres ambitions internationales, sans toutefois être en mesure d’apporter une solution réelle et durable aux nombreux problèmes de la RD Congo, notamment dans le domaine sécuritaire. Cependant, ses actions méritent d’être surveillées de près.
source : New Eastern Outlook