Toulouse (Haute-Garonne), reportage
« Cela nous met en colère. » Dans le quartier Jolimont à Toulouse, des drapeaux verts et rouges flottent devant l’entrée de la nouvelle cité administrative. Une vingtaine d’enseignants en lycée agricole public, venus de toute la région Occitanie, se sont donné rendez-vous le 25 mars pour protester contre les coupes budgétaires et la suppression de postes de titulaires dans leurs structures. Cette mobilisation s’inscrit dans une journée d’action nationale à l’initiative de l’intersyndicale, composée notamment de la Snetap-FSU, FO Enseignement agricole, CGT Agri et Sud Rural Territoires.
Annoncée dans la nouvelle loi de finances par la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, cette coupe budgétaire de 18 millions d’euros pourrait se traduire par la suppression de 45 postes dans l’enseignement agricole public en France. « Cela représente 30 000 heures d’enseignement en moins, explique Olivier Gautié, secrétaire général adjoint du syndicat Snetap-FSU. Dans le même temps, la nouvelle loi d’orientation agricole prévoit d’augmenter de 30 % le nombre d’apprenants d’ici à 2030. Il y a un décalage entre les discours et ce qui est décidé. »

Olivier Gautié, secrétaire général adjoint du syndicat Snetap-FSU.
© Antoine Berlioz / Reporterre
La majorité de l’enseignement agricole en France est assurée par des structures privées. 66 % des élèves, étudiants et apprentis suivent une formation agricole dans un établissement privé, selon les chiffres du ministère de l’Agriculture. « On remarque également un déséquilibre inquiétant entre le privé et le public. En Occitanie, par exemple, seule 1 ouverture de classe a été obtenue dans l’enseignement public, contre 6 dans le privé », note Olivier Gautié.
À ses côtés, Stéphanie Molinier, secrétaire régionale Snetap-FSU et enseignante au lycée agricole de Villefranche-de-Rouergue, en Aveyron, dénonce également ces coupes budgétaires : « C’est une mesure idéologique, puisqu’au contraire, le ministère de l’Agriculture devrait soutenir la formation publique pour porter la bifurcation écologique du secteur. Au lieu de cela, l’État supprime des filières en agroécologie, précarise les enseignants titulaires en ayant recours aux contractuels et met en péril des établissements publics. Il y a une demande de la part des jeunes pour se former dans ces secteurs, et on leur ferme la porte. »

Les manifestants demandent l’annulation des suppressions de postes et l’augmentation des moyens.
© Antoine Berlioz / Reporterre
Le gouffre public/privé
Pour les enseignants présents devant la cité administrative, la « casse de l’enseignement agricole public » traduit une volonté politique : « Celle de soutenir une agriculture industrielle et productiviste, dans la continuité de la nouvelle loi d’orientation agricole », affirme Olivier Gautié. Il pointe également du doigt la proximité de la ministre de l’Agriculture avec le secteur de l’enseignement agricole privé et la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire en France.
« On sent bien que la vision de l’agriculture partagée par la FNSEA infuse dans le monde de l’enseignement agricole. On l’a vu récemment, notamment à Meymac, où la diffusion d’un film [sur le loup] a été annulée après des pressions du syndicat. »

« Il faudrait ouvrir des classes plutôt que d’en fermer », affirme Stéphane Barnini, enseignant au lycée de Saint-Chély-d’Apcher, en Lozère.
© Antoine Berlioz / Reporterre
Enseignant au lycée de Saint-Chély-d’Apcher, en Lozère, Stéphane Barnini a également fait le déplacement avec son drapeau du syndicat Snetap-FSU. Dans son lycée, le manque de moyens se fait déjà ressentir. « On a fait notre dernière rentrée avec 37 élèves dans une classe de seconde. Ce n’est pas possible d’avoir un enseignement de qualité dans ces conditions, il faudrait ouvrir des classes plutôt que d’en fermer », alerte l’enseignant.
Une situation loin d’être nouvelle, comme l’a rappelé fin 2024 la sénatrice socialiste de la Drôme, Marie-Pierre Monier, lors de l’examen de la loi de finances au Sénat : « 316 emplois ont été supprimés entre 2017 et 2022 : cela représenterait environ 10 000 postes dans l’éducation nationale. […] La situation financière des établissements se dégrade. Deux tiers des établissements publics locaux sont en difficulté », disait-elle.

Stéphanie Molinier et Olivier Gautié, du Snetap-FSU.
© Antoine Berlioz / Reporterre
Après une audience accordée par Olivier Rousset, directeur de la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf), l’autorité académique (équivalent du rectorat) pour l’enseignement agricole, les représentants syndicaux assurent n’avoir obtenu aucune réponse à leurs revendications.
Si le directeur reconnaît un déséquilibre entre l’enseignement agricole privé et public, aucun engagement n’a été pris, dénonce Olivier Gautié, secrétaire général du syndicat Snetap-FSU : « La mobilisation continue. On va essayer d’interpeller directement la ministre de l’Agriculture lors de ses déplacements. »
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