25 mars 2025 à 16h18
Mis à jour le 25 mars 2025 à 18h04
Durée de lecture : 4 minutes
Malgré les recours juridiques et les mobilisations, les mégabassines continuent de s’implanter dans les Deux-Sèvres. Deux ans après la grande manifestation de Sainte-Soline du 25 mars 2023, fortement réprimée par la police, Reporterre a fait le point, non sans mal. La Coop de l’eau, maître d’ouvrage du projet, n’a pas répondu à nos questions. Son site internet n’est plus accessible. Nous avons recoupé plusieurs sources pour parvenir à faire un état des lieux de l’avancée de ces retenues d’eau à destination de l’agriculture industrielle.
Quatre retenues ont déjà été construites. La première à être sortie de terre, en 2022, se trouve à Mauzé-sur-le-Mignon. Elle en est désormais à sa troisième campagne d’irrigation. La construction des bassines de Priaires et d’Épannes s’est achevée à l’automne 2024. Leur mise en service est prévue cet été. Celle de Sainte-Soline, dont la construction avait commencé en 2023, a été mise en eau à l’automne 2024. Un remplissage suspendu après une décision de justice.

Quatre mégabassines jugées illégales par la justice
En effet, le 18 décembre dernier, la cour administrative d’appel de Bordeaux déclarait quatre réserves illégales : Sainte-Soline (la seule construite), Messé, Mougon et Saint-Sauvant (en projet). Selon les juges, ces réserves d’eau menaceraient l’habitat de l’outarde canepetière, un oiseau protégé. La Coop de l’eau doit donc obtenir une dérogation « espèces protégées » avant de pouvoir commencer à creuser. Cette décision est « une première victoire d’étape » pour Julien Le Guet, porte-parole du collectif Bassines non merci ! contacté par Reporterre.
Le cas de Sainte-Soline est particulier. « Grâce aux autorisations préfectorales, la Coop de l’eau a pu construire malgré les recours juridiques », explique Marie Bomare, responsable de la cellule juridique de Nature Environnement 17, l’association qui porte la plupart des recours. La réserve a été remplie à 60 % durant l’automne. Dans sa décision du 18 décembre, la cour a précisé que l’eau déjà présente dans la bassine pourrait être utilisée cet été par les agriculteurs raccordés. En revanche, elle interdit un nouveau remplissage avant l’obtention de la dérogation « espèces protégées ».
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Selon Marie Bomare, il est fort probable que la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) accorde cette dérogation. « La Dreal est un service préfectoral et la préfecture soutient le projet des mégabassines », précise la juriste. Elle se prépare ainsi à attaquer en justice cette future dérogation.
Au final, quatre bassines ont donc été construites, dont Sainte-Soline, jugée illégale. Trois autres réserves en projet sont aussi considérées comme illégales, et ne pourront être construites qu’une fois la dérogation « espèces protégées » obtenue. Les neuf restantes sont encore dans les tuyaux à Salles, Aiffres, Belleville, Usseau, Prisse-la-Charrière, La Grève-sur-Mignon, Amuré, Saint-Félix ainsi qu’une deuxième à Mauzé-sur-le-Mignon.
Galères de financement
Les travaux n’ont pas encore commencé. L’argent manque pour financer les ouvrages, assure Marie Bomare. 70 % du coût de construction d’une retenue sont financés par l’argent public, via les agences de l’eau, et grâce à la redevance perçue sur les factures d’eau. Le reste est à la charge de l’irrigant. Parmi les causes expliquant le manque de financement, la juriste cite, pêle-mêle, les recours juridiques qui ont révélé les insuffisances des projets, la pression des manifestations, les modalités de financements des agences de l’eau qui demandent que les effets du changement climatique soient pris en compte… Ainsi que la mauvaise santé financière de la Coop de l’eau.
Celle-ci ne pourrait pas remplir ses retenues tous les ans. En juillet 2024, l’autorisation unique de prélèvement (AUP) pour l’irrigation agricole sur le territoire des seize bassines avait été annulée par le tribunal administratif de Poitiers. En se basant sur des études scientifiques, le juge avait estimé que les volumes d’eau prélevés étaient excessifs.
Or, « au regard du fait qu’il n’y aura pas suffisamment d’eau pour les remplir tous les ans, le bilan coût-bénéfice de ces ouvrages sera déficitaire », résume Marie Bomare. En effet, pour bénéficier de l’eau pour irriguer leurs parcelles l’été, les agriculteurs adhèrent à la Coop de l’eau et paient la ressource consommée.
Face à l’accaparement de la ressource en eau par une minorité d’irrigants et les effets environnementaux des mégabassines, les opposants continuent de dénoncer ces retenues. « Si un chantier est mis en route, si un appel d’offres est lancé, on appellera à se mobiliser au niveau national », prévient Julien Le Guet, porte-parole du collectif Bassines non merci !.
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