agir pour le collectif c’est agir pour soi


L’homme est-il un loup pour l’homme ? Ou sommes-nous faits pour la collaboration et l’entraide ? Et si notre survie, voire notre bonheur, dépendait paradoxalement de celui des autres ? Redorer le blason de la solidarité comme vecteur d’émancipation individuelle, l’époque s’y prête peu, et pourtant… Petits rappels. 

Avez-vous déjà entendu ces affirmations au cours de discussions avec vos proches : “notre espèce est un virus”, « l’être humain est mauvais », “il est égoïste ou violent par nature”, etc. ? Difficile de donner tort à ce constat plutôt lucide à l’heure de dresser le bilan de l’activité humaine. Or, si cela n’était pas une fatalité ? Et si l’altruisme de l’humain était aussi salvateur que son égoïsme est destructeur ?

L’humain est un virus pour l’humain, mais aussi son antidote

Crédit : Anna Shvets (pexels.com)

Condition même de sa survie, puis du développement et de l’optimisation de sa santé et de son bien-être, l’altruisme est à nouveau, plus que jamais, la condition sine qua non d’entrave à l’extinction de l’espèce humaine. Les liens sociaux ne viennent plus compenser notre vulnérabilité au sein du règne animal, mais s’élèvent désormais contre nos propres déviances.

Il est en effet important de rappeler notre fragilité afin de bien comprendre qu’un effondrement du vivant nous deviendra très vite hostile. L’humain est donc bel et bien un virus, mais il est aussi son antidote.

Or, pour cela, faudrait-il renoncer à notre ego, à notre liberté individuelle et notre recherche de bonheur personnel, “juste” pour sauver l’humanité ? En réalité, nous ne sommes pas confrontés à un choix entre “altruisme” et “égoïsme” et encore moins entre “solidarité” et “liberté” ; ce dont les idéologues du néolibéralisme voudraient nous faire croire pour pérenniser leur système.

Certes, l’égoïsme pur, la prépondérance des intérêts individuels (ou d’une minorité d’individus) sur ceux des autres, est l’antonyme de l’altruisme. Alors pourquoi proposons-nous d’associer l’altruisme et l’égoïsme ? En tant qu’être social, nos intérêts personnels sont intrinsèques aux règles collectives : la loi contraint mais elle protège avant tout (en théorie). Et quand celle-ci est juste, nous avons intérêt à la respecter.

« les dons à priori désintéressés, sont en réalité profondément intéressés : une sorte de retour sur investissement par la chaleur humaine et non plus par la froideur mercantile ».

Mais cela vaut aussi pour les règles implicites, à savoir ces normes sociales qui favorisent l’interaction, les liens sociaux, la cohabitation ; comme l’a théorisé Marcel Mauss dans son Essai sur le don (je donne, je reçois, je rends). L’anthropologue français révèle que les dons à priori désintéressés, sont en réalité profondément intéressés : une sorte de retour sur investissement par la chaleur humaine et non plus par la froideur mercantile.

“La honte bourge”

Source : British Museum

Alors pourquoi le communisme et même le socialisme font-ils aussi peur ? Pourquoi le partage équitable des richesses est-il perçu comme une utopie irréaliste ? Sans doute que la folie des grandeurs corrompt notre raisonnement : comment penser une société à 7 milliards d’individus ?

Simplifions. Imaginons que la Terre soit peuplée de 100 habitant.es et qu’elle ne dépasse pas la taille d’un village : 10 de ces personnes posséderaient les 3⁄4 des richesses du village, et les 50 les plus malchanceuses (principalement des femmes et les personnes racisées) ne récolteraient que 8% à se partager. Pire : 11 d’entre elles seraient affamées, alors que la trésorerie et le bon vouloir de la personne la plus riche pourrait mettre fin à cette famine.

À petite échelle, la majorité de la population gagnerait à partager les richesses. L’’intérêt général saurait normalement motiver de renverser le pouvoir de cette minorité qui profite des ressources et du travail des plus démuni.es.

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Et si nous troquions enfin la “peur rouge” par la “honte bourge” ?

L’intérêt de l’altruisme

Si une once d’humanité suffirait à nous mettre en mouvement pour construire une société égalitaire, certains arguments de nature utilitaristes permettraient à défaut de convaincre les plus égoïstes d’entre nous.

Par exemple, en donnant aux plus pauvres accès au même niveau d’éducation et de sécurité financière qu’au reste de la population, nous décuplerions le nombre d’expert.es dans tous les domaines, et donc d’avancées toujours plus grandes dans les sciences, l’ingénierie, l’art, la santé, etc. qui profiteraient à l’ensemble.

Enfin, et contrairement à la fausse promesse néolibérale, ce n’est que par l’organisation socialiste (au sens de la primauté de l’intérêt général sur les intérêts particuliers), que nous avons accès à la liberté. Soyons concrets : la liberté de polluer et de surconsommer, par exemple des protéines carnées, est un sabotage délibéré de notre environnement, de la pérennité du vivant (humains et non-humains) et donc aussi de nos propres intérêts et libertés à long terme.

« Par l’individualisme recrudescent et l’étirement de l’échelle sociale jusqu’à rupture, nous sommes retournés à la loi du plus “fort” « 

Le néolibéralisme renvoie donc l’humain à l’état de nature sous une autre forme, comme l’a théorisé J-J. Rousseau. En effet, l’être social s’était extirpé des injustices de la nature par son altruisme et son organisation collective. Par l’individualisme recrudescent et l’étirement de l’échelle sociale jusqu’à rupture, nous sommes retournés à la loi du plus “fort”.

Sauf que ni la force, ni le travail, ni l’intelligence seuls ne permettent de réussir en méritocratie. La principale “force” d’un individu dans la jungle capitaliste, c’est son héritage.

L’égoïsme altruiste ou l’égoïsme de domination ?

L’altruisme égoïste est donc tout cela : la liberté de se réaliser et de s’épanouir au service du collectif, plutôt que de satisfaire ses propres intérêts en écrasant ou même en ignorant ceux des autres. Dans une projection politique d’organisation sociale, l’altruisme et l’égoïsme ne sont pas tout à fait contraires.

Ce qu’il convient d’opposer ce sont les formes d’égoïsme en soi : celle qui profite à la communauté en opposition à celle qui écrase autrui au profit d’une minorité.

Décider par exemple de mener sa propre résilience écologique à la nature est plutôt neutre en soi, et n’a même rien d’altruiste s’il est effectué dans le repli, la dépolitisation et l’indifférence du sort des plus vulnérables.

Enfin, nous avons l’opportunité d’agir au service de l’intérêt général, de perfectionner la société humaine et en conséquence de satisfaire nos conditions d’existence et d’épanouissement. L’altruisme est donc une posture philosophique qui nous incite à choisir la voie de la solidarité et de la justice sociale.

Ce type d’organisation n’est certes pas évident car l’humain n’est ni bon ni mauvais, mais il a tout intérêt de s’associer pour sa survie. Par association, nous supposons l’union des individus, son organisation et ses prises de décision dans un objectif commun et altruiste de survie face à l’effondrement climatique, et pour le reste du vivant dont, qu’il le veuille ou non, il dépend.

– Benjamin Remtoula (Fsociété)

 

Article inspiré de la vidéo « Un argument égoïste pour rendre le monde meilleur – L’altruisme égoïste » de Tout Simplement – Kurzgesagt.

Photo de couverture : Julien Gate.

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