On entend souvent parler de la nécessaire pluralité des luttes : mais qu’en est-il concrètement ? Comment cela se matérialise dans la pratique ? Nous sommes allés chercher une partie de la réponse à Marseille, au cœur du quartier populaire de Chartreux, dans les locaux de La Base (Base d’Action Sociale et Écologique). Un espace de partage, d’échanges et d’accueil de nombreux collectifs qui animent la vie militante phocéenne.
La Base est un tiers-lieu impulsé par Alternatiba Marseille qui regroupe aujourd’hui de nombreux collectifs. Sa spécificité réside dans sa gouvernance partagée : une organisation horizontale où aucun collectif n’est au-dessus des autres, chaque avis compte et l’espace est ouvert à tout le monde, sur la base du respect du lieu et de ses valeurs écologiques, sociales et démocratiques. Un espace apartisan mais profondément politique.
La rencontre
À la Base, se trouvent une buvette avec des produits bio et locaux, une cuisine partagée, un espace de travail, un espace extérieur végétalisé. C’est un lieu auto-organisé, construit et aménagé à base d’objets et de matériaux de récup’.

Shannon, militante écologiste, animaliste et féministe, est présente depuis les premiers pas de La Base il y a près de 5 ans ; Pascal, est lui aussi présent depuis la fondation du tiers-lieu. Sa vie est en grande partie dédiée au militantisme, aujourd’hui au sein d’Extinction Rébellion notamment et de Coup de Pouce aux Migrants, une petite association qui vient en aide aux personnes migrantes et sans-abris.
Il a également Richard, militant Marseille Révoltée, une “fédération marseillaise de mouvements féministes, sociaux, écolo, antifa, et LGBT+”, et Hélène, psychologue impliquée au sein de l’initiative Bien-être militant, dont l’objectif est de prendre soin de la santé mentale des activistes, parfois confrontés au burn-out.
Mais l’intention collective est de ne pas prendre sur soi la lumière, mais au contraire de valoriser un collectif, une vision politique, une dynamique de résistance. En poursuivant toujours l’essence de la Base : la mise à disposition d’un espace pour les associations et les individus pour leur permettre d’avancer dans leurs projets militants.
État des lieux
Créée en 2020, la Base est devenue réalité grâce à sa récolte de fonds : 22 000€ obtenus sur les 20 000 nécessaires à son lancement ; preuve du fort besoin d’organiser un espace de rencontre et de contestation militante dans un contexte difficile de confinement lié au Covid-19. La prospérité du tiers-lieu continue de dépendre des dons des adhérents : le loyer charges incluses est de 2 700€ et représente la quasi-totalité des dépenses. Les dons, les adhésions, mais encore la buvette associative permettent d’augmenter la cagnotte, malgré les variations financières qui créent un sentiment d’incertitude.
De même, l’activité du lieu repose sur une activité 100% bénévole. Des investissements nécessaires pour le bien commun mais qui laissent aussi certaines personnes dans un risque de précarité économique ou bien de surcharge de travail et émotionnelle. Un espace dépendant du travail bénévole peut aussi subir une forme d’incertitude par rapport au maintien de son activité sur le long-terme. Mais jusqu’ici, la Base tient le choc.
Le fonctionnement horizontal semble lui aussi porter ses fruits, le but étant de partager la gouvernance et d’éviter qu’une minorité de personnes décident pour le reste du groupe. Pour cela, plusieurs outils sont mis en place : les instances de décisions sont organisées sous forme de plénières où chaque avis compte, avec un droit de véto et de contre-proposition. Celui-ci peut alors aboutir à la création d’un espace de débat tel qu’un séminaire, avant de faire éventuellement l’objet d’une nouvelle proposition en plénière.

Ensuite, le pouvoir est divisé en différents groupes de travail (GT) qui ont mandat de confiance. Ces équipes ont la possibilité de prendre des initiatives en dehors des tâches auxquelles elles sont assignées, mais celles-ci doivent d’abord être discutées et validées en plénière si celles-ci ont un impact sur l’ensemble de La Base. Ces groupes sont ouverts à tous·tes, toujours dans une optique d’apprentissage personnel et d’organisation collective. Aussi, des réunions inter-GTs sont mises en place afin de partager les informations entre les groupes. Un moment utile à l’avancée du travail mais aussi convivial : l’occasion de partager un repas entre bénévoles ; rappelant que le lien social passent avant tout.
Enfin, comme dans toutes organisations humaines et malgré le partage de valeurs communes et positives, les bénévoles de La Base peuvent faire face à des conflits. Pour y pallier, l’espace militant dispose d’un groupe de veille, c’est-à-dire de médiation en cas de conflit.

Un lieu de lutte pour l’écologie et contre la précarité
Pascal porte une volonté de connexions entre différents combats. Avec Coup de pouce aux migrants, il organise des maraudes au cœur du quartier Saint-Charles à Marseille. L’association accompagne les personnes vers des structures où elles peuvent trouver soins et logement; elle offre parfois des nuits d’hôtel, particulièrement aux femmes qui font face à des difficultés et violences plus accrues. À Noël, les bénévoles récoltent des cadeaux à destination personnes à la rue : une occasion de “prendre le temps d’échanger et d’apprendre à se connaître”.
Coup de pouce aux migrants fait partie d’un réseau plus grand d’associations côtoyant la Base et venant au secours des populations étrangères en situation d’extrême pauvreté. Parmi elles, l’association 59 St-Just qui aide les mineurs étrangers non accompagnés, en les conduisant sur la voie de la scolarisation. Ou encore le collectif Sirakadjan, qui est parvenu à occuper l’église Saint-Ferréol en compagnie d’une soixantaine de mineurs sans logement. Une opération ayant eu de fortes répercussions médiatiques.
Le combat de Pascal s’est encore plus élargi lorsqu’il a rejoint le mouvement de désobéissance civile écologiste Extinction Rébellion. Il dit y trouver “une famille, des personnes non jugeantes et un collectif qui se remet toujours en question”. Avec XR Marseille, le militant organise un prochain événement qui lui est cher : le concours de la pub la plus sexiste à Marseille. Il aura pour vocation à dénoncer de manière ironique un matraquage publicitaire propageant une vision patriarcale de la société basée sur la domination des hommes sur les femmes.
En somme, la pluralité des combats que mènent Pascal et de nombreux activistes marseillais s’est amplifiée depuis leur mise en coexistence au sein de La Base. Pour permettre à cet espace précieux de continuer à exister, il est possible de le soutenir via leur campagne de dons.
– Benjamin Remtoula (Fsociété)