Sans détourner le regard, par Antony Burlaud (Le Monde diplomatique, avril 2025)


De la photographe Gisèle Freund (1908-2000), on connaît d’abord les portraits : le jeune André Malraux, cigarette au bec et cheveux au vent ; James Joyce ou Walter Benjamin, bésicles de taupe sur le nez ; François Mitterrand dans la bibliothèque de l’Élysée… Mais son travail ne se résume pas à ces icônes. Née à Berlin, sociologue de formation, juive et antifasciste, exilée en 1933, Gisèle Freund ne pouvait se détourner du vaste monde, ni ignorer l’histoire en train de se faire (1). Au gré de ses tribulations personnelles, ou des commandes des grands magazines, elle immortalisa l’agitation sociale de l’Allemagne de Weimar, la détresse du monde ouvrier anglais frappé par la crise, la misère de peuples autochtones d’Amérique latine, le Mexique de Diego Rivera. Pionnière du photojournalisme, elle ne sépara jamais sa pratique d’une réflexion approfondie sur la photographie comme fait social — interrogeant, dans ses essais comme dans ses photographies, les mutations historiques de l’image et du regard. Sans prétendre à l’exhaustivité, le catalogue d’une exposition récente permet de reparcourir l’œuvre de celle qui donnait à ses cadets ce conseil : « Passionnez-vous pour la destinée de l’homme sur cette terre troublée, et faites de votre appareil un témoin de votre temps (2).  »

(1Catalogue de l’exposition éponyme qui s’est tenue au Pavillon populaire de Montpellier : Gisèle Freund, une écriture du regard, Hazan, Paris, 2024, 144 pages, 24,95 euros.

(2Gisèle Freund, Le Monde et ma caméra, Denoël, 2006 (1re éd. : 1970), Paris, 264 pages, 23,35 euros.



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