Un peu plus de deux ans après le QatarGate, un nouveau scandale de corruption secoue le Parlement européen. Depuis la mi-mars en cours, près de 30 perquisitions ont été menées dans les bureaux du Parlement européen à Bruxelles et au Portugal, plusieurs personnes ont été interpellées, d’autres ont été inculpées dans le cadre d’une enquête qui cible des pratiques de corruption présumées depuis 2021, impliquant des lobbyistes de Huawei qui auraient offert des cadeaux somptueux pour influencer les décisions politiques en faveur du géant chinois.
Le 13 mars dernier, le scandale éclate. La justice belge mene une vaste opération de perquisitions dans les bureaux du Parlement européen à Bruxelles et dans plusieurs domiciles au Portugal. Une centaine de policiers sont mobilisés pour cette enquête qui vise des pratiques de corruption présumées remontant à 2021. Les investigations révèlent que des lobbyistes de Huawei auraient offert des cadeaux somptueux, tels que des billets pour des événements sportifs prestigieux et des frais de voyage, à des eurodéputés et leurs assistants afin d’influencer les décisions politiques en faveur de l’entreprise chinoise. Parmi les personnes interpellées figure un consultant portugais arrêté en France, tandis que le siège bruxellois de Huawei est également fouillé.
Cinq personnes mises en examen
En réaction immédiate, le lendemain, le Parlement européen décide de suspendre temporairement l’accès à ses locaux aux représentants et lobbyistes de Huawei. Cette mesure est prise par précaution pour limiter toute influence extérieure pendant que l’enquête se poursuit. La Commission européenne emboîte le pas en adoptant une interdiction similaire pour ses bâtiments. Ces décisions marquent un tournant dans la gestion des relations entre les institutions européennes et l’entreprise chinoise.
Trois jours plus tard, de nouvelles perquisitions sont effectuées dans les bureaux du Parlement européen à Bruxelles. Le parquet fédéral belge confirme que l’enquête cible une quinzaine de personnes, incluant des eurodéputés actuels ou anciens ainsi que leurs assistants parlementaires. Parmi les suspects figure Valerio Ottati, un Belge d’origine italienne, ancien assistant parlementaire pour un eurodéputé du Parti populaire européen (PPE) entre 2009 et 2014, avant de devenir directeur du bureau bruxellois de Huawei. Il avait fait l’objet de nombreuses alertes pendant plusieurs années. Les autorités commencent à établir des liens entre les pratiques de lobbying agressives de Huawei et les soupçons de corruption.
Les premières inculpations sont vite tombées et quatre personnes sont mises en examen pour corruption active et participation à une organisation criminelle. Une cinquième personne est inculpée pour blanchiment d’argent, mais libérée sous conditions. L’enquête révèle que ces pratiques avaient pour objectif d’influencer directement la politique commerciale et technologique européenne, notamment sur des sujets sensibles comme le déploiement de la 5G. En outre, au moins dix élus ou anciens élus seraient dans le viseur des enquêteurs. Ils appartiennent à trois groupes politiques, à savoir le Parti populaire européen, l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates et les Conservateurs et réformistes.
Un autre scandale, 2 ans après le QatarGate
Le scandale prend une nouvelle dimension le 19 mars lorsque Lucia Simeone, assistante parlementaire d’un député italien affilié au Parti populaire européen (PPE), est arrêtée en Italie lors d’un contrôle de routine sur mandat des autorités belges. Elle est accusée d’avoir joué un rôle clé dans le réseau de corruption lié à Huawei. En France, le consultant portugais Nuno W.M., ancien conseiller en affaires européennes de Fulvio Martusciello, a été arrêté le 13 mars. Il a accepté d’être remis à la Belgique dans les jours qui viennent.
Le même mandat d’arrêt, selon Bloomberg, indique que les dirigeants de Huawei auraient été informés des tentatives de corruption menées par leurs lobbyistes.
Vendredi, le scandale suscitait un débat intense au sein du Parlement européen. Des eurodéputés ont alors appelé à renforcer les règles anti-corruption et à interdire totalement les appareils Huawei dans les enceintes parlementaires pour prévenir tout risque d’espionnage. Des eurodéputés comme Daniel Freund (Les Verts) et Fabienne Keller (Renew) réclament la création urgente d’un organe d’éthique commun pour restaurer la confiance des citoyens dans les institutions européennes.
Ce scandale intervient dans un contexte déjà marqué par le “Qatargate”, une affaire de corruption qui a éclaté en décembre 2022. Dans ce précédent scandale, des membres du Parlement européen auraient perçu d’importantes sommes d’argent en échange de leur soutien aux intérêts du Qatar et du Maroc. Parmi les figures centrales se trouvait Eva Kaïlí, vice-présidente du Parlement européen, arrêtée à son domicile à Bruxelles où la police a découvert 150 000 euros en liquide dans des sacs de voyage. Les enquêteurs ont également saisi au total 1,5 million d’euros en espèces dans divers lieux liés à l’affaire.
Le scandale a révélé des tentatives d’influence sur des décisions européennes, notamment pour améliorer l’image du Qatar en matière de droits humains et faciliter un accord de voyage sans visa entre Doha et l’UE. Cette affaire, toujours en cours d’instruction, a entraîné des arrestations, des levées d’immunité parlementaire et des réformes internes visant à renforcer la transparence au sein du Parlement européen.