Le lobby aérien inflige une leçon d’écologie aux TGV


4 avril 2025 à 09h12

Mis à jour le 4 avril 2025 à 17h07

Durée de lecture : 3 minutes

Vu la période de l’année, on pourrait croire à un poisson d’avril. Il n’en est rien. Ce sont bien les défenseurs de l’avion, moyen de transport au lourd impact climatique, qui remportent une victoire contre une publicité sur les mérites écologiques du train.

En cause : une annonce de la SNCF parue dans la presse en fin d’année 2024. Présentant une photo d’un TGV Inoui sur un large fond vert, elle vante : « Voyagez plus vite en polluant moins : -95 % de CO2 en moyenne en France et vers l’Europe ». Le slogan n’a pas plu à la Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers (Fnam), qui regroupe la quasi-totalité du secteur aérien (compagnies aériennes, gestionnaires d’aéroports, prestataires…). Elle a saisi le Jury de déontologie publicitaire (JDP) qui a tranché en sa faveur, selon une décision mise en ligne le 25 mars et repérée par Reporterre.

Les décisions de cette instance, indépendante mais mise en place par les professionnels de la pub, sont de portée essentiellement symbolique. Mais l’épisode n’en est pas moins embarrassant pour la compagnie ferroviaire. Contactée par Reporterre, elle n’a pas souhaité réagir.

La SNCF aurait dû « relativiser son propos »

La SNCF communique abondamment, jusque dans les annonces sonores à bord des TGV, sur la supériorité environnementale du train par rapport aux autres modes de transport. Si cet avantage est indiscutable, la compagnie paye, dans ce cas précis, un slogan un peu rapide. « Il n’est pas contesté que l’impact carbone des trajets en TGV est en moyenne moindre par rapport aux trajets en voiture ou en avion », prend soin de préciser le JDP dans son avis. Mais il ajoute : « Le fait d’appuyer cette affirmation générale sur un chiffre précis (-95 %) est de nature à lui conférer une assise quasi-scientifique et indiscutable. »

Pour le jury, la SNCF aurait dû « relativiser son propos » et mieux expliciter la méthode de calcul du chiffre. Celui-ci ne prend pas en compte l’impact carbone de la construction des voies à grande vitesse et s’applique uniquement aux trajets sur le territoire français, où la production électrique est largement décarbonée, comme l’ont pointé les représentants du lobby aérien.

C’est la deuxième fois en moins de trois ans que la SNCF subit un revers devant cette instance. Fin 2022, elle avait déjà été saisie par la Fnam. Les chiffres avancés à l’époque (« Voyager en TGV, c’est 80 fois moins de CO2 émis qu’en avion ») avaient là aussi été jugés insuffisamment explicités et modérés. De quoi la décourager l’utilisation l’argument climatique pour vanter le train ? Ce serait un comble.

Les compagnies aériennes souvent épinglées

La Fnam se satisfait d’une décision « qui reconnaît imprécision et partialité dans les analyses ou communications portées à l’encontre du secteur aérien ». Mais les acteurs du secteur aérien appliquent-ils, dans leur communication, cette rigueur à laquelle leur lobby semble si attaché ? Ces dernières années, le même JDP a épinglé plusieurs compagnies, comme Air France (pour avoir présenté comme « éco-voyageurs » ses clients soutenant la plantation d’arbres), ou encore Easyjet pour avoir fait miroiter des « vols zéro émission de CO2 d’ici 2050 ». Moins anecdotique : en avril 2024, la Commission européenne a sommé vingt compagnies aériennes de cesser d’utiliser des « allégations écologiques potentiellement trompeuses ». Bref, en matière de greenwashing, le secteur aérien n’est sans doute pas le mieux placé pour donner des leçons.

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