Ce grand herbier que l’on saccage, par Ian Urbina (Le Monde diplomatique, avril 2025)


Dans l’océan Indien, un écosystème en danger

Des déserts aux fosses sous-marines, l’activité industrielle grignote peu à peu l’ensemble de la planète. Même les trésors écologiques les plus isolés n’y résistent pas. C’est le cas de Saya de Malha, un haut plateau marin situé au beau milieu de l’océan Indien. Un gigantesque écosystème, à la fois crucial et fragile, menacé tant par les chaluts que par les projets miniers.

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Sheila Giolitti. – « Untitled Conversation #24 » (Conversation sans titre n° 24), 2020

Personne ou presque n’en a jamais entendu parler, et pourtant c’est l’un des endroits les plus essentiels à la survie de notre planète. Immergé dans l’océan Indien entre l’île Maurice et les Seychelles, distant des côtes de plus de trois cents kilomètres, le banc de Saya de Malha, d’une superficie comparable à celle de la Suisse, compte parmi les plus grands herbiers marins du monde. On le qualifie parfois d’île invisible, car il fait partie d’un vaste plateau qui, par endroits, n’est recouvert que d’une dizaine de mètres d’eau.

Il y a plus de cinq siècles, des navigateurs portugais lui ont donné son nom : « jupe de maille » fait référence au tapis d’herbes qu’ils voyaient onduler sous la surface. Longtemps, ses variations imprévisibles de profondeur ont incité vaisseaux marchands et explorateurs à se tenir à bonne distance de cette contrée fantasmagorique, de celles que les cartes désignaient autrefois par les mots « Hic sunt dracones » (Ici se trouvent des dragons). On y croise aujourd’hui des créatures et des embarcations d’un tout autre acabit — des chasseurs d’ailerons de requin aux pêcheurs égarés, en passant par les chalutiers de fond, les navires d’extraction minière, les yachts de luxe et même les projets de villes flottantes pour libertariens en rupture de ban.

En 2012, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) a estimé que le banc de Saya de Malha pouvait prétendre à être inscrit au patrimoine mondial marin en raison de sa « valeur universelle exceptionnelle ». De fait, les services écologiques qu’il nous procure sont colossaux. Poumon des océans, il représente l’un des plus vastes puits de carbone. Les herbiers marins absorbent le dioxyde de carbone (CO2) par la photosynthèse et l’emmagasinent dans le sol et dans leurs racines, tout comme les arbres sur la terre ferme, mais à un rythme trente-cinq fois plus rapide. Parce qu’à eux seuls ils capturent un cinquième du carbone océanique, ils contribuent à lutter contre l’acidification (…)

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