Les contradictions irlandaises au miroir de la Palestine, par Clara Menais (Le Monde diplomatique, avril 2025)


Lutte anticoloniale et reddition néolibérale

L’Irlande affiche depuis longtemps sa solidarité avec la Palestine. Son histoire l’a sensibilisée aux affres de la colonisation, de l’occupation et de la partition. Derry évoquerait Gaza, et Londres, Tel-Aviv. Mais quel soutien effectif peut s’autoriser une île transformée en enclave économique américaine au sein de l’Union européenne ?

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Hani Zurob. – « Type Any Name… » (Tapez n’importe quel nom…), détail, 2015

© Hani Zurob

La tradition perdure. Depuis les années 1950, en mars, la Maison Blanche est pavoisée aux couleurs de l’Irlande. Washington a même pris le pli, sous la mandature de M. William Clinton, d’accueillir le « taoiseach » (premier ministre irlandais) à la Saint-Patrick. Lorsque, en 2024, M. Joseph Biden, cravate verte, shamrocks trèfles ») à la boutonnière, reçoit M. Leo Varadkar, ils abordent la guerre au Proche-Orient. « Le peuple irlandais est profondément troublé par la catastrophe qui se déroule sous nos yeux à Gaza, déclare le premier ministre lors de leur conférence de presse conjointe. Quand je voyage, les dirigeants me demandent souvent pourquoi les Irlandais éprouvent autant d’empathie pour le peuple palestinien. La réponse est simple. Nous voyons notre histoire dans leurs yeux. Une histoire de déplacement, de dépossession, une identité nationale dont les questions sont niées, d’émigration forcée, de discrimination et maintenant… de famine. » Une référence à la « grande famine », un épisode traumatique de l’histoire de l’île qui, au milieu du XIXe siècle, a provoqué la mort de 1,5 million de personnes à la suite d’une contamination de la récolte de pommes de terre, et a inauguré l’émigration massive d’Irlandais vers l’Amérique.

De la part d’un dirigeant européen de centre droit, ce discours peut surprendre. Depuis le début de la guerre, les États du Vieux Continent ont presque tous adopté des positions pro-israéliennes. Aux premiers jours de l’offensive militaire sur Gaza en octobre 2023, Dublin est la première capitale à en critiquer la disproportion. Lorsque Mme Ursula von der Leyen visite Israël en sa qualité de présidente de la Commission européenne et s’épanche sur son droit à se défendre, le président irlandais Michael D. Higgins se désolidarise, et M. Varadkar durcit le ton. Il dénonce « quelque chose qui s’apparente davantage à de la vengeance » puis reproche à l’Union européenne son « deux poids, deux mesures ».

Tandis que le nombre de morts palestiniens (…)

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