Le 27 mars 2025 s’était tenue à Paris, à l’initiative de la France et du Royaume-Uni,
en présence de Zélenski, une réunion des « Volontaires », destinée à former une force
de soutien militaire à l’Ukraine dans le conflit entre l’OTAN et la Russie.
Le 10 mai, le nouveau chancelier allemand Freidrich Merz avait rejoint Macron et
Starmer pour rencontrer Zélenski à Kiev après un mémorable voyage en train.
Cette semaine, du 8 au 10 juillet, Macron et Starmer, se sont réunis à Londres pour
finalement décider de pouvoir multiplier par cinq l’effectif de la « Force conjointe
franco-britannique » jusqu’à 50.000 hommes de l’élever au statut de corps d’armée et
d’en faire le pilier de la « coalition des Volontaires ». Celle-ci pourrait être mobilisée à
disposition de l’OTAN dans un « engagement majeur » après avoir été déployée en
Ukraine pour la sécuriser après un éventuel cessez-le feu.
En gros, un scénario à la Coréenne, mais en pire, qui permettrait à l’OTAN de prendre
pied en Ukraine et de la réarmer l’Ukraine en attendant la reprise de l’offensive contre
la Russie, mais cette fois en impliquant des militaires français sur le terrain.
Et pour être complet, ils se sont accordés sur la possibilité de coordonner les forces
nucléaires des deux pays pour contrer toute menace sur leurs intérêts vitaux.
Macron et ses conseillers n’ont soit aucune culture historique internationale, soit ils
sont les figurants volontaires d’une pièce de théâtre dont l’épilogue est programmé à
l’avance : toutes les campagnes militaires franco-britanniques, depuis la première il y
a 170 ans, ont eu des conséquences désastreuses pour la France et seul le Royaume-
Uni en a tiré avantage lorsqu’il y en a eu.
Alors, à toutes fins utiles, en voici un résumé à destination de notre Président et de
ses conseillers mais surtout de ceux qui sont sur le point de les revivre :
– La victoire franco-britannique de la Guerre de Crimée (1853-1856) a eu comme
contrecoup les mains libres laissées par la Russie à la Prusse en 1870, la
débâcle de Sedan, la chute du Second Empire et la perte de l’Alsace et la
Moselle par la France ;
– Le Sac du Palais d’Été en 1860 par les troupes franco-britanniques, lors de la
Seconde Guerre de l’Opium a laissé, encore aujourd’hui dans la perception
chinoise, une image la France brutale et colonialiste, contrastant avec sa
réputation de nation civilisée à l’origine des Lumières ;
– L’offensive franco-britannique dans les Dardanelles en 1915 contre l’Empire
ottoman s’est traduit par une lourde défaite qui a jeté le discrédit sur l’armée
française et détournée des ressources du front de l’Ouest contre l’Allemagne ;
– Les accords de Munich en 1939, au lieu d’éviter la guerre, ont poussé l’URSS
à passer un pacte de non-agression avec l’Allemagne nazie permettant à celle-
ci d’accomplir ses objectifs à l’Est puis d’envahir quand-même la moitié de la
France ;
– La crise du Canal de Suez en 1956 a mis en évidence la fin de l’influence
stratégique de la France qui ne pouvait plus intervenir au Moyen-Orient sans
l’aval des Etats-Unis et de l’Union Soviétique ;
– L’opération franco-britannique en Libye en 2011 a eu comme conséquence
la perte d’influence de la France en Afrique, incapable qu’elle a été de faire face
à l’explosion du terrorisme au Sahel, et l’immigration massive qui ont suivi la
faillite de l’État libyen.
Aujourd’hui, la France s’engage dans une alliance militaire avec la Grande-Bretagne
qui cumule les ingrédients de tous ces projets catastrophiques :
– S’opposer à la Russie au profit d’intérêts anglo-américains, comme lors de la
guerre de Crimée ;
– S’engager dans une entreprise néocoloniale aux yeux des pays de l’axe
multipolaire en Asie, Afrique, Moyen-Orient, Amérique latine et une partie de
l’Europe, comme lors des Guerres de l’Opium et de l’agression de la Libye ;
– Imposer à la population française un endettement supplémentaire dans une
situation économique et sociale déjà inextricable ou un échec à court terme par
manque de préparation et la sous-estimation de l’adversaire si un conflit avec
la Russie avait lieu aujourd’hui, comme en 1915 aux Dardanelles.
– Risquer un désaveu de la Chine, de la Russie et des Etats-Unis, qui n’ont aucun
intérêt au contrôle des voies d’accès au commerce avec l’Europe par un pôle
franco-anglais, comme l’URSS et les Etats-Unis en 1956 pour le contrôle du
Canal de Suez.
C’est vrai, il n’y a pas beaucoup d’espoir que Macron et Starmer fassent machine
arrière.
Macron veut jouer la « fenêtre de tir » du désengagement américain en Ukraine et
même en Europe pour vouloir prendre le leadership sur le continent. Il veut sortir
l’Europe du Moyen-Âge et la faire entrer dans la Renaissance.
Starmer a tout intérêt à trouver un allié dans l’Union Européenne après le Brexit.
Les financiers mondiaux se frottent les mains : endettement, armes, recyclage par la
guerre d’investissements devenus improductifs.
C’est sans compter sur l’imprévisibilité du président américain et le court terme des
échéances électorales de ce pays, sans compter sur la montée des pays qui rejoignent
la Chine et la Russie pour bâtir un autre monde.
Et si Macron, Starmer, Trump, Merz… ne jouaient pas le jeu, quel serait leur avenir ?…
Non, les dés sont lancés, les rôles sont attribués. Macron ne peut désormais qu’ignorer
les avertissements de l’histoire des alliances calamiteuses franco-britanniques.
Quel est alors le poids des peuples européens ? Une motion de destitution d’Ursula
Von der Leyen récemment été largement rejetée par le parlement européen en donne
une idée.
Le peuple français, lui, est en première ligne. Si lui-aussi ignore l’histoire, il se pourrait
qu’il disparaisse sans avoir évité avant de s’être fait vider le corps et l’âme, comme les
civilisations qui n’ont pas su refuser la tyrannie.
Jean PEGOURET
Réseau International, 12 juillet 2025
Note : Ce texte est une ébauche d’une analyse plus détaillée des opérations franco-
britanniques évoquées ici et de leurs conséquences pour la France.