Un traité méconnu qui interdit l’atome militaire
Quatre-vingts ans après l’anéantissement de Hiroshima et Nagasaki par des bombes atomiques américaines, les politiques de défense fondées sur la dissuasion connaissent un regain de popularité, dopées notamment par la guerre en Ukraine et les conflits au Proche-Orient. Pourtant, au même moment, une large majorité d’États des Nations unies conteste l’idée de sécurité appuyée sur le nucléaire.

Alastair Philip Wiper. – « Nuclear Explosion Fallout Calculator » (Calculateur de retombées d’explosions nucléaires), de la série « Cold Comfort (Piètre consolation) », 2022
© Alastair Philip Wiper – alastairphilipwiper.com
La destruction de Hiroshima par une bombe atomique américaine, le 6 août 1945, a fait entrer l’humanité dans « un nouvel âge de l’histoire du monde », selon l’expression de Günther Anders. Le philosophe autrichien s’inquiétait moins de la perspective d’une course à la puissance entre les États-Unis et l’Union soviétique que du basculement radical de l’histoire universelle : dès lors, l’être humain disposait des moyens techniques de sa propre disparition.
Quatre-vingts ans plus tard, ce risque d’apocalypse existe toujours, du fait de la détention par seulement neuf États — les États-Unis, la Russie, le Royaume-Uni, la France, la Chine, l’Inde, le Pakistan, la Corée du Nord et Israël (qui ne l’a jamais officiellement admis) — de plus de douze mille armes nucléaires. À ces possesseurs s’ajoutent une quarantaine de pays qui partagent ce choix de défense en raison de leur appartenance à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) ou par accord spécifique avec un État « doté » (par exemple la Biélorussie avec la Russie).
Malgré l’engagement pris avec le traité de non-prolifération (TNP) en 1968 de « faciliter la cessation de la fabrication d’armes nucléaires, la liquidation de tous les stocks existants desdites armes et l’élimination des armes nucléaires et de leurs vecteurs des arsenaux nationaux », les possesseurs de « la » bombe n’ont jamais donné une réelle chance au désarmement. Les programmes actuels sont ainsi le fruit de décisions prises dès les années 2000, période pourtant de relative stabilité entre grandes puissances, et donc bien antérieurs à la guerre en Ukraine, qui voit la Russie menacer d’appuyer sur le « bouton rouge ». Le processus de production est en effet très long : vingt à trente ans depuis la décision politique initiale jusqu’à la fabrication et la mise en service.
La continuité de la composante nucléaire aéroportée française illustre le choix du non-désarmement. Conformément à un calendrier élaboré dans les années 1990, les missiles air-sol moyenne portée (…)
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