Les deux visages de l’opposition cubaine, par Maïlys Khider & Jésus Lopes (Le Monde diplomatique, août 2025)


Désespoir à la havane, jusqu’au-boutisme à Miami

Depuis 1959, Cuba subit l’hostilité des États-Unis. Washington finance nombre de groupes d’opposition d’extrême droite établis en Floride. La profonde crise économique que traverse l’île leur donne une occasion d’affaiblir La Havane. Entre répression gouvernementale et instrumentalisation, une nouvelle génération de contestataires peine, sur place, à trouver un débouché politique à sa colère.

JPEG - 177.2 ko

Nikos Economopoulos. — La Havane, Cuba, 2017

© Nikos Economopoulos / Magnum Photos

Onze juillet 2021. Alors que dans toute l’Amérique latine les mesures de distanciation sociale et de confinement perdurent en réponse à la pandémie de Covid-19, des foules compactes se forment à La Havane et dans le reste de Cuba. Aux cris de « Liberté ! » et en entonnant El pueblo unido jamás será vencido Le peuple uni ne sera jamais vaincu »), chant bien connu des manifestants, de nombreux Cubains expriment leur désarroi face à l’effondrement de l’économie du pays. Le jour même et dans les semaines qui suivent, plus de mille personnes sont arrêtées, dont des centaines condamnées à de lourdes peines de prison.

Quatre ans plus tard, Antonio évoque cette journée, le regard dans le vide. « Mon fils est devenu un petit vieux », se désole sa mère Gabriela, assise à ses côtés. Dans ce quartier pauvre de la périphérie de la capitale, la famille vit à six dans une maisonnette nichée en haut d’un étroit escalier débouchant sur une rue bruyante. Le salon et la cuisine tiennent dans à peine dix mètres carrés. Nous sommes en fin d’après-midi. Le courant est coupé, une défaillance devenue quotidienne et éreintante pour la plupart des Cubains. Antonio vient d’entamer la vingtaine. Il n’avait que 17 ans lorsqu’il a été emprisonné en juillet 2021 après avoir participé à la plus grande manifestation jamais organisée depuis 1959 contre le gouvernement. Pourtant, le jeune homme ne s’intéressait guère à la politique. « J’ai vu des gens dehors. Ma compagne était enceinte. Je vendais du pain parallèlement à mes études. Je ne gagnais pas assez d’argent, se souvient-il. Ce jour-là, il y avait des violences de toutes parts dans la rue. Le ciel était devenu gris. Tout le monde s’est retrouvé nassé. Je ne suis sorti ni avec une machette, ni avec un pistolet ou un bâton. Mais oui, j’ai lancé des pierres », explique-t-il. Puis, tout s’accélère. Antonio est interpellé et rapidement accusé de « trouble à l’ordre public », d’« outrage » et de « propagation d’épidémie » tandis que le pays enregistre un record (…)

Taille de l’article complet : 4 518 mots.

Cet article est réservé aux abonnés

Lycées, bibliothèques, administrations, entreprises,
accédez à la base de données en ligne de tous les articles du Monde diplomatique de 1954 à nos jours.
Retrouvez cette offre spécifique.



Source link

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *