
Cette minutieuse biographie, étroitement nouée à une part de l’histoire du XXe siècle, mérite d’être à nouveau rééditée (1). Car Elizabeth Miller, plus connue comme Lee Miller (1907-1977), eut une vie, certains disent des vies, remarquable par ses bifurcations et ses accomplissements. Pourtant, elle connaît des douleurs. Si elle naît dans une famille aisée aux États-Unis, son enfance est saccagée par un viol à 7 ans. Quant à son père, il la photographie nue, jusqu’à l’âge adulte. Mais, rebelle à l’ordre, exclue des écoles, elle apprend le théâtre, la danse, suit des cours aux beaux-arts. Condé Nast la choisit pour son magazine Vogue. Mannequin célèbre, elle va passer derrière l’objectif, pour la photographie de mode, puis la photographie tout court. Elle décide de rencontrer à Paris le photographe et plasticien américain Man Ray, elle sera son sujet d’inspiration et sa collaboratrice. Elle est alors au cœur du surréalisme, y prend sa part, et sera de surcroît l’amie de Paul Éluard et l’une des muses de Pablo Picasso. Pendant la guerre, elle est à Londres : elle devient photoreportrice, et plus tard, accréditée par l’armée américaine, elle montre les crimes nazis : corps en décomposition dans les trains de la mort, premiers témoignages sur les camps de Dachau et de Buchenwald. Ses clichés bouleversent. Le chemin qu’elle s’est inventé reste étonnant de liberté et de courage.
(1) Carolyn Burke, Lee Miller. Une vie sans filtre, Nouveau Monde, Paris, 2025, 756 pages, 13,90 euros. Cf. aussi Lee Miller, Saint-Malo assiégée, Hazan, Vanves, 2024, 128 pages, 30 euros.