
Memed Erdener. — « In the Shadow of the Silent Majorities » (À l’ombre des majorités silencieuses), de la série « You Are Not One of Us So You Are One of Us » (Vous n’êtes pas des nôtres donc vous êtes des nôtres), 2025
© Memed Erdener – Zilberman Istanbul, Berlin
Tendre la main à ses adversaires politiques ou continuer de les persécuter : tel est le dilemme auquel est confronté M. Recep Tayyip Erdoğan. Au cours des derniers mois, c’est la seconde option qui a semblé s’imposer, avec l’arrestation, le 19 mars, de M. Ekrem İmamoğlu, membre du Parti républicain du peuple (CHP) et très populaire maire d’Istanbul. Poursuivi pour « corruption, création et direction d’une organisation criminelle », mais aussi « détournement de fonds publics », ce dernier avait déjà vu annuler en première instance son diplôme universitaire obtenu il y a trente ans. Son incarcération a déclenché des manifestations violemment réprimées aux quatre coins du pays, dans les grandes villes dirigées par le CHP comme dans les centres urbains traditionnellement favorables au Parti de la justice et du développement (AKP), la formation de M. Erdoğan.
Mais le chef de l’État turc a aussi en tête l’échéance de la présidentielle de 2028 et l’obstacle décisif qui se dresse sur la route de sa réélection, ce qui pourrait le forcer à réfréner ses élans autoritaires. En effet, la Constitution n’autorise que deux mandats présidentiels consécutifs. Élu au suffrage universel direct (une première en Turquie) en 2014, puis reconduit en 2018 dans le cadre d’un régime présidentiel tout juste adopté, M. Erdoğan a fait valoir que la réforme constitutionnelle remettait les compteurs à zéro, et l’a emporté de nouveau en 2023. Pour qu’il puisse se représenter, il faudrait que la loi fondamentale soit modifiée par un vote du Parlement, la Grande Assemblée nationale de Turquie.
Une première solution serait d’obtenir l’accord des trois cinquièmes de l’Assemblée (360 députés). Or, lors des élections législatives de 2023, concomitantes avec le scrutin présidentiel, l’AKP a reculé, n’obtenant que 267 sièges sur les 600 qui composent le Parlement, tandis que son allié d’extrême droite, le Parti d’action nationaliste (MHP), n’en a récolté que 50. Le total est donc insuffisant pour atteindre la barre des 360. Qui plus est, dans (…)
Taille de l’article complet : 2 251 mots.
Cet article est réservé aux abonnés
accédez à la base de données en ligne de tous les articles du Monde diplomatique de 1954 à nos jours.
Retrouvez cette offre spécifique.