« Nous ne sommes pas les coupeurs de têtes que certaines personnes décrivent »
Débarrassés du président Bachar Al-Assad, les Syriens oscillent entre l’espoir de vivre dans un État de droit et la crainte d’être soumis à un nouvel autoritarisme où la majorité sunnite imposerait sa loi aux minorités religieuses comme les Druzes et les Alaouites. Fin manœuvrier, le président Ahmed Al-Charaa sait qu’il doit donner des gages de tolérance pour s’assurer le soutien des capitales occidentales.

Tammam Azzam. – Sans titre, de la série « Aftermath » (Conséquences), 2024
© Tammam Azzam – Kornfeld Galerie, Berlin
Porté à bout de bras par son père, Aram, trois mois, gigote dans son petit body. Il est emporté par la joie contagieuse de la foule rassemblée devant la tombe du soldat inconnu, sur les hauteurs de Damas. En cette nuit du 3 juillet, l’obscurité est striée de rais de lumière émanant d’une scène imposante où doit bientôt être dévoilée l’identité visuelle de la Syrie nouvelle.
Le simple fait de pouvoir se réunir si près du palais présidentiel sans risquer d’être arrêté fait renaître l’excitation incrédule des premiers jours de la « libération », au lendemain de la chute du dictateur Bachar Al-Assad, le 8 décembre, et de sa fuite à Moscou. « Rien n’est éternel, Bachar est tombé », scande un groupe de jeunes. Puis ils forment une ronde autour d’Aram, symbole d’une génération de Syriens qui n’aura plus à courber l’échine face au pouvoir. C’est en tout cas ce que promet le nouvel hymne officieux qu’ils s’empressent d’entonner : « Relève la tête, tu es un Syrien libre. » Deux jours plus tôt, Damas et les autres grandes villes étaient déjà à la fête après l’annonce de la levée effective des sanctions américaines contre le pays, le délivrant ainsi d’une entrave majeure à sa reconstruction après quatorze ans de guerre, de dévastations et de prédations.Au milieu de la nuit, un aigle doré sur fond vert surmonté de trois étoiles apparaît sur l’écran géant. S’ensuit la retransmission du discours du président de transition, M. Ahmed Al-Charaa, qui proclame : « L’identité dont nous nous dotons aujourd’hui incarne une Syrie qui n’accepte ni division ni partition », avant d’ajouter que « la diversité culturelle et ethnique est une richesse, et non une cause de conflit ». Trois jours plus tard, les États-Unis annoncent retirer le groupe islamiste dont est issu le nouvel homme fort de Damas, Hayat Tahrir Al-Cham (HTC, Organisation de libération du Levant, anciennement Front Al-Nosra), de la liste des « organisations terroristes étrangères ».
Mais, dans ce pays qui émerge à peine d’une longue nuit, il suffit (…)
Taille de l’article complet : 4 101 mots.
Cet article est réservé aux abonnés
accédez à la base de données en ligne de tous les articles du Monde diplomatique de 1954 à nos jours.
Retrouvez cette offre spécifique.