
Mark Khaisman. — « Concert », 2021
Consommation, piège à cons. Tel serait le credo de la gauche, en particulier marxiste, au XXe siècle. Ses penseurs et militants, incapables de saisir l’épaisseur du phénomène, n’auraient que mépris pour les choses et le plaisir qu’elles peuvent procurer. À l’instar du philosophe Herbert Marcuse, ils ne verraient dans l’accès à l’abondance qu’aliénation, abêtissement, voire « tendances totalitaires ». Ainsi a-t-on pu juger l’approche socialiste de la consommation « lugubre », « dystopique » et hantée par le spectre du conformisme passif.
C’est oublier un peu vite que, depuis les premières communautés des années 1820, les socialistes ne se sont pas contentés de la critique mais ont multiplié les programmes et les expériences concrètes dans ce domaine : des coopératives aux magasins publics des municipalités « rouges », les propositions n’ont pas manqué pour faire vivre une consommation socialiste.
L’exemple le plus manifeste est peut-être ce qu’on a appelé, à la suite de l’historienne Annie Kriegel, la « contre-société » communiste. Cette notion désigne la structure parallèle instaurée à partir des années 1920 pour prendre le relais de la société capitaliste au moment de la prise de pouvoir révolutionnaire. Formée d’une myriade d’associations proches du Parti communiste français (PCF), elle témoigne d’un effort pour encadrer politiquement adhérents et sympathisants communistes.
La contre-société crée aussi, de fait, des espaces de consommation socialiste en acte. Elle s’incarne de manière particulièrement joyeuse lors des moments de rupture du quotidien que sont les fêtes communistes, organisées notamment en France et en Italie au cours du XXe siècle. À une époque où s’impose progressivement la consommation de masse capitaliste, ces célébrations donnent à voir ce que peut être un modèle désirable, représentation en miniature de la société socialiste.
La première Fête de L’Humanité se tient en 1930 dans le parc Sacco-et-Vanzetti de Bezons, ville communiste du Val-d’Oise. Les partis de (…)
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