
Couverture de l’album « Selecciones favoritas de Celia Cruz », avec La Sonora Matancera, 1952
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Mystère de la musique cubaine. Ses racines plongent plusieurs siècles en arrière, mais elle demeure moderne. Elle ressemble à un mille-feuille de styles mais n’en déroule pas moins des sonorités uniques, quoique plurielles. Pour Blaise Cendrars, elle n’était pas seulement « une nouvelle forme d’art mais une nouvelle raison de vivre ». Faut-il s’étonner que, d’Alejo Carpentier à Leonardo Padura en passant par Nicolás Guillén, les écrivains de l’île l’aient tous contée ou chantée, chacun à sa manière ?
Cette singulière histoire mêle métissage et pérennité des formes. Elle débute avec les Amérindiens Taïnos, qui pratiquaient des cérémonies rituelles avec tambours et maracas, instruments que l’on retrouve dans le son, la salsa ou le boléro contemporains. À partir de 1511, la colonisation espagnole inaugure l’extermination de ces populations, tandis que Cuba rejoint pour quatre siècles l’Empire hispanique. Les traditions musicales des colons, avec la guitare comme instrument-roi, investissent les campagnes, premiers lieux d’existence et de travail. Le chant alors pratiqué, le punto, devient l’expression poétique naturelle pour décrire la vie au champ. Il enfantera la guajira, dont l’un des exemples les plus célèbres est la chanson de 1928 Guantanamera, et ses paroles qui rappellent un texte de José Martí, grand poète et militant de l’indépendance. Également d’origine espagnole, la guaracha, née vers la fin du XVIIIe siècle, issue du théâtre bouffe et au tempo vif, propose d’abord des textes satiriques, voire osés, avant de devenir plus politique. Le genre deviendra par ailleurs de plus en plus dansant.
La traite des Noirs commence au début des années 1520 pour fournir les plantations de sucre et de tabac en main-d’œuvre. Bientôt, les musiques « blanches » coexistent avec celles importées d’Afrique de l’Ouest et centrale par les esclaves. Environ un million d’entre eux sont vendus à Cuba en presque quatre siècles. Ils représentent (…)
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Jean-Louis Mingalon
Journaliste et réalisateur, coauteur du Dictionnaire passionné du tango, Seuil, Paris, 2015.