Wolfenstein est une série emblématique du jeu vidéo. Depuis ses débuts en 1981, elle a toujours assumé son opposition au régime nazi. Mais derrière les fusillades, la violence et le style caricatural, le positionnement de Wolfenstein est limpide : le fascisme est un ennemi à abattre.
Wolfenstein : une série fondatrice du jeu vidéo d’action
Dans la série de jeux vidéo Wolfenstein, on incarne William “B.J.” Blazkowicz, un soldat allié infiltré dans un château nazi pour saboter le régime de l’intérieur. Mais au-delà de son importance technique, Wolfenstein pose un cadre narratif fort : affronter sans nuance un régime fasciste. On y combat des soldats en chemises brunes, des chiens d’attaque, et même un Hitler robotisé.
Pendant une vingtaine d’années, la série Wolfenstein adopte un style volontairement exagéré, inspiré des films d’action et d’aventure à petit budget, souvent appelés « films de série B ». On y trouve des nazis caricaturaux, des expériences scientifiques étranges, des super-soldats et des technologies improbables.
Ce ton délibérément spectaculaire rappelle des films comme Quand les aigles attaquent (1968), un film de guerre où des agents infiltrent un château nazi rempli de pièges, ou encore Les Aventuriers de l’arche perdue (1981), où Indiana Jones affronte des nazis en quête d’artefacts mystiques. La série joue donc avec ces codes pour offrir une expérience à mi-chemin entre guerre, science-fiction et film d’aventure.
Une uchronie engagée : comment les derniers Wolfenstein dénoncent le fascisme
Castle Wolfenstein (1981) est bien le premier jeu de la franchise, mais celle-ci n’a pris son essor qu’avec Wolfenstein 3D (1992), développé par le studio américain Id Software. Wolfenstein 3D est considéré comme l’un des premiers jeux de tir à la première personne, ou FPS (first-person shooter), un genre dans lequel le joueur voit l’action à travers les yeux du personnage qu’il incarne.
Avec Wolfenstein: The New Order (2014) et The New Colossus (2017), développés par le studio de jeux vidéo suédois MachineGames, la série prend un tournant beaucoup plus ambitieux. Elle imagine un monde où les nazis ont gagné la Seconde Guerre mondiale, et dominent même les États-Unis. Ce qui n’est pas sans rappeler la célèbre dystopie de Philip K. Dick, Le Maître du Haut Château.

Le joueur rejoint une résistance éclectique composée de vétérans, de femmes, et de personnes racisées. On remarquera le doux Max Hass, un handicapé allemand qui aurait dû être euthanasié par le régime. On rencontrera Set Roth, un brillant inventeur juif qui a survécu au Reich grâce à son génie. On fera également équipe avec Bombate, un résistant sud-africain dont la famille a été massacrée.
Cette vision romancée frappe fort dans un contexte contemporain où l’extrême droite reprend du terrain. En s’insérant dans un combat idéologique plus actuel que jamais, Wolfenstein devient plus qu’un jeu : c’est un manifeste antifasciste.
Représenter la barbarie nazie dans Wolfenstein
La barbarie nazie est ici parfaitement représentée. L’Amérique occupée est soumise à une surveillance et une propagande constantes. Les minorités sont traquées et exterminées tandis que les élites blanches collaborent. Dans The New Colossus, le sud des USA, le Ku Klux Klan collabore ouvertement avec les nazis. Ce qui n’a pas manqué d’énerver l’extrême droite états-unienne qualifiant le jeu de woke.
Les militaires ont recours à des armes biologiques et expérimentent sur des êtres humains. La série est d’ailleurs connue pour ses hybrides mi-humains mi-machines résultant d’expériences atroces dans des laboratoires nazis. Sous couvert d’une dystopie absurde, le jeu dénonce une réalité historique. Car il fait référence aux tests médicaux dans les camps. Mais évoque aussi les stérilisations forcées, et les tentatives d’amélioration de la « race » par la sélection et la chirurgie.

The New Colossus va même jusqu’à représenter un camp de la mort déguisé dans une Nouvelle Orléans transformée en ghetto. Le Reich y enferme les indésirables : juifs, noirs, homosexuels et communistes. Le joueur y découvre une ville en ruine, où les patrouilles nazies exécutent tous ceux qu’elles croisent. Il s’agit d’un espace de mise à mort lente, sans fuite possible. Cette zone d’enfermement massive est clairement associée à une force d’épuration ethnique et politique. Cette brutalité n’est cependant pas gratuite et sert à montrer la nature inhumaine du régime nazi.
Un jeu vidéo politiquement engagé : Wolfenstein face à la montée de l’extrême droite
La plupart des autres séries de jeux vidéo se contentent d’effleurer ces sujets. On pense notamment à Far Cry 5 et à sa critique timide d’un christianisme intégriste et réactionnaire. Wolfenstein, lui, revendique pleinement son engagement. Les slogans marketing de The New Colossus sont d’ailleurs des clins d’œil directs à la politique contemporaine.
Bethesda, société mère de MachineGames, n’a pas hésité à défendre ses choix antifascistes assumés face aux critiques de certains joueurs. Pete Hines, alors chargé du marketing, invitera ces mêmes joueurs à aller “se faire foutre”.

Ainsi, Wolfenstein propose une critique politique forte. Il imagine un monde où les nazis ont gagné la Seconde Guerre mondiale et occupent les États-Unis. Dans ce contexte, certaines parties de la société états-unienne — notamment blanche et protestante — acceptent très bien le régime nazi, ce qui questionne la facilité avec laquelle une démocratie peut basculer vers le fascisme.
Dans une industrie souvent frileuse devant les sujets politiques, Wolfenstein rappelle que le jeu vidéo peut être un média engagé. Il s’agit purement et simplement d’affronter une idéologie responsable de millions de morts. Sorti en 2017 pendant la première administration Trump, The New Colossus est plus que jamais d’actualité…
– Florian Doaré
