Face à la pression accrue, aussi bien celle du président américain Donald Trump que celle de Bruxelles, la Slovaquie campe sur sa position et n’envisage pas de réduire ses achats de pétrole et de gaz russe. Bratislava relève “l’hypocrisie” de certains États membres, qui poursuivent leur approvisionnement en énergie russe.
L’Union européenne s’est engagée au mois de mai dernier à éliminer progressivement toutes ses importations de gaz russe d’ici la fin de 2027, afin de réduire sa dépendance au Kremlin et à affaiblir les recettes de Moscou. Cette décision s’inscrit dans une série de mesures initiées depuis 2022, mais continue de susciter de fortes résistances au sein du bloc. La Hongrie de Viktor Orbán, qui reste un des principaux clients européens du gazoduc russe, dénonce régulièrement ce calendrier qu’il juge “irréaliste” et “contraire aux intérêts vitaux” de son pays. De son côté, le Premier ministre slovaque Robert Fico a également critiqué la ligne dure de Bruxelles.
L’UE prévoit le 19e paquet de sanctions pour fin 2026
Ces tensions se sont traduites par l’épisode du blocage du 18ᵉ paquet de sanctions, lorsque Fico avait initialement opposé son veto afin de défendre les secteurs économiques de la Slovaquie qui restent liés aux hydrocarbures russes. Ce n’est qu’après avoir obtenu de la part de la Commission européenne “des garanties” concernant la continuité de l’approvisionnement énergétique et des compensations financières qu’il a finalement levé son opposition, permettant au paquet d’être adopté. La Hongrie avait soutenu cette posture et continue de s’affirmer comme l’un des plus fervents opposants à toute rupture sèche avec Moscou.
À ces divergences internes se sont ajoutées les pressions venues de Washington, et plus particulièrement de Donald Trump, revenu à la présidence américaine. Celui-ci a intensifié ses critiques envers Bruxelles, accusant l’Union de financer indirectement la machine de guerre russe par ses importations de gaz et de pétrole, tout en exigeant que les Européens accélèrent leur rupture énergétique avec la Russie. Cette pression politique a contribué à durcir la position de Bruxelles, qui a ainsi décidé d’avancer à fin 2026 l’entrée en vigueur de son 19ᵉ paquet de sanctions, qui prévoit l’élimination complète des importations de gaz naturel liquéfié (GNL) russe, en dépit des négociations de certains États membres de vouloir retarder cette échéance à 2028.
« Notre objectif est d’accélérer l’élimination progressive du gaz naturel liquéfié russe d’ici au 1er janvier 2027″, a annoncé vendredi 19 septembre la cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas. « Si vous laissez la Russie mener une guerre et tentez d’esquiver nos sanctions, vous en subirez les conséquences », a-t-elle ajouté sur un post X.
Si son commentaire vise essentiellement la Chine, l’UE maintient aussi la pression sur ses États membres, à savoir la Hongrie ou la Slovaquie, qui envisagent d’opposer à ce projet de sanctions, qui doit être approuvé à l’unanimité. Mais mercredi, Bratislava a rejeté ces pressions.
Bratislava dénonce une “hypocrisie”
“Nous n’avons pas d’autres options qui soient à la fois durables et financièrement supportables”, a expliqué à Reuters le ministre slovaque des Affaires étrangères, Juraj Blanar. “Diversifier demande du temps. C’est pourquoi nous appelons à un peu d’empathie”, a-t-il ajouté. Il affirme que son pays risquerait de perdre jusqu’à 10 milliards d’euros en rompant certains contrats courants jusqu’en 2034.
Tout en suggérant des exemptions ou des compensations de la part de Bruxelles, il a critiqué “l’hypocrisie” de certains pays membres de l’UE, citant la France, l’Espagne ou encore les Pays-Bas. Si la part du gaz russe dans les importations de gaz de l’Union européenne est passée de 45 % en 2021 à 13 % aujourd’hui, la Russie occupe toujours une place centrale avec 20 % des importations de GNL de l’UE en 2024, soit 20 milliards de mètres cubes sur la centaine de milliards importés. “L’image est un peu plus nuancée que le simple noir et blanc”, fait remarquer Juraj Blanar.
Le ministre slovaque des AE, qui rejettent l’idée selon laquelle son pays et Budapest seraient les “brebis galeuses” de l’UE en raison de leurs liens avec Moscou, se montre d’autant plus opposé au 19e paquet de sanctions que celles-ci n’ont pas réussi à changer le cours de la guerre. Aucune solution militaire n’est possible selon lui, rappelant la nécessité de dialoguer avec la Russie, comme Donald Trump fait. “Toute modification forcée des frontières reconnues internationalement est inacceptable pour la Slovaquie. Nous disons depuis le début que cette guerre n’a pas de solution militaire. Il faut avancer par la diplomatie”, a-t-il insisté.