« La République ne déboulonnera pas de statues »
Face aux mouvements qui réclament justice pour les crimes du passé, les responsables politiques cherchent la parade. M. Emmanuel Macron, s’appuyant sur quelques historiens complaisants, a fait des « questions mémorielles » une arme stratégique, en politique intérieure comme sur la scène diplomatique. L’Afrique est la cible prioritaire de ce qui s’apparente à une entreprise de blanchiment intellectuel.

Hassan Musa. – « The Art of Healing » (L’art de guérir), 2002
Le général Louis Faidherbe s’immiscera-t-il de nouveau dans la campagne municipale lilloise ? En 2020, le vieux militaire, natif de la ville, est l’invité-surprise des élections locales. Au lendemain du meurtre de George Floyd à Minneapolis, le mouvement Black Lives Matter déferle sur l’Europe. De Bristol à Bruxelles, les monuments à la gloire du passé esclavagiste et colonialiste sont couverts d’opprobre. Au cœur de la capitale des Flandres, la statue équestre qui domine la place de la République depuis 1896 est elle aussi conspuée : « Faidherbe doit tomber ! »
L’équipe municipale socialiste, d’abord surprise par la polémique, se hâte de l’enterrer. Réélue de justesse face à une liste écologiste, elle promet d’apposer une plaque explicative au pied de la statue et crée en catimini une commission consultative sur le sujet. Quatre ans plus tard, un petit écriteau apparaît en effet, indiquant que la municipalité « désapprouve l’action du général Faidherbe pendant la colonisation ». Des mots qui n’expliquent rien et que personne ne lit, mais qui justifient l’essentiel : le maintien du général sur son piédestal.
Depuis une quarantaine d’années, les questions dites mémorielles prennent une place grandissante dans le débat public. Face à elles, les responsables politiques ne savent pas toujours sur quel pied danser. Selon leurs orientations idéologiques et la nature des dossiers, ils accueillent plus ou moins favorablement les revendications de justice historique. Il a fallu des décennies pour que la France reconnaisse — par la voix du président Jacques Chirac en 1995 — sa responsabilité dans la déportation et l’extermination des Juifs pendant la seconde guerre mondiale.
C’est sur les problématiques coloniales, devenues centrales dans le dernier quart de siècle, que les réticences restent le plus fortes. Alors que de nombreux Français pensent encore, ouvertement ou non, que la colonisation avait ses bons côtés, bien des élus entendent défendre l’honneur des « grands héros » de l’empire (…)
Taille de l’article complet : 4 423 mots.
Cet article est réservé aux abonnés
accédez à la base de données en ligne de tous les articles du Monde diplomatique de 1954 à nos jours.
Retrouvez cette offre spécifique.