Un pied de nez à l’UE, la Slovaquie amende sa constitution pour garantir la primauté de ses lois face l’Union européenne


Un pied de nez à l’UE. La Slovaquie a adopté la semaine dernière une réforme de sa constitution réaffirmant la primauté de ses lois nationales sur celles de l’Union européenne. La réforme, adoptée par le parlement à une large majorité, a essentiellement porté sur les questions culturelles et sociales et vise à ne pas subir les textes européens en la matière.

Depuis son retour au pouvoir en 2023, Robert Fico s’est progressivement éloigné de l’Union européenne à travers une série de mesures politiques et symboliques qui marquent une inflexion de la politique étrangère slovaque. D’abord, il a multiplié les actes de blocage contre les sanctions européennes visant la Russie, conditionnant le soutien slovaque à l’adoption de nouvelles mesures, à des compensations et à des propositions réalistes sur les prix de l’énergie et la politique industrielle européenne. Tout comme Viktor Orban, il a multiplié les vétos aux aides ukrainiennes ainsi qu’aux sanctions, notamment dans le cadre du plan REPowerEU visant l’élimination progressive des hydrocarbures russes.

Fico veut protéger l’héritage culturel” de ses ancêtres

Outre son opposition à l’aide militaire à l’Ukraine, Robert Fico a aussi adopté une rhétorique très critique envers l’OTAN et les politiques occidentales en Ukraine. En interne, le gouvernement a fait adopter au Parlement un mémorandum appelant à la fin des sanctions russes et a fréquemment exprimé son intention de privilégier les intérêts nationaux sur les engagements européens, notamment en matière énergétique et agricole.

Son gouvernement a franchi un pas de plus dans son rejet de l’UE et de ses lois. Fin janvier 2025, Robert Fico a présenté une proposition de réforme constitutionnelle. Il a publiquement justifié son initiative en invoquant “les traditions, l’héritage culturel et spirituel de nos ancêtres”, revendiquant la nécessité de dresser “un barrage constitutionnel face au progressisme” afin de restaurer “le bon sens” dans les valeurs fondamentales de la Slovaquie. 

Pour lui, cet amendement ne se limite pas à une révision des droits relatifs au genre et à la famille : il s’agit aussi, selon ses propres mots, de marquer la souveraineté nationale contre ce qu’il considère comme des ingérences européennes dans la culture et l’éducation du pays.

Le 26 septembre dernier, les députés du Conseil national slovaque ont adopté, à 90 voix sur 150, le texte, considéré comme une consolidation de la souveraineté slovaque contre les lois européennes. L’opposition s’est abstenue de voter, critiquant le projet de loi, tandis qu’une partie des conservateurs se sont joints à la démarche de l’exécutif.

Le texte introduit un amendement de l’article 7 de la Constitution, qui énonce que “la République slovaque conserve sa souveraineté, en particulier en matière d’identité nationale, qui comprend notamment les questions culturelles et éthiques fondamentales liées à la protection de la vie, de la dignité humaine, du mariage et de la famille”.

Bratislava ignore les appels de Bruxelles et de Strasbourg

L’amendement limite le genre à deux, “masculin et féminin”, définis à la naissance, et précise également que “le sexe ne peut être modifié que pour des raisons sérieuses, selon des modalités qui seront fixées par la loi”. L’adoption d’enfants est restreinte aux seuls couples mariés, avec de rares exceptions. Il est également interdit de recourir à la gestation pour autrui.

La réforme constitutionnelle a provoqué de vives réactions. Société civile, associations de défense des droits humains et une partie de la population ont dénoncé une “érosion accélérée des droits fondamentaux”, notamment pour les personnes LGBTI. Amnesty International et des ONG locales ont signalé que ces amendements contredisent les engagements internationaux du pays.

À Bruxelles, la réforme a suscité une inquiétude généralisée et de multiples condamnations officielles. La Commission européenne, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe ont souligné la violation du principe de primauté du droit européen et international, reprochant à la Slovaquie de créer des conflits juridiques et de fragiliser l’État de droit. 

La commission de Venise, organisme consultatif du Conseil de l’Europe, a publié un avis urgent exhortant les parlementaires à ne pas adopter de dispositions constitutionnelles qui feraient obstacle aux obligations européennes, en particulier sur les questions de genre et d’éducation. 





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