Résumé pour les pressés : Sébastien Lecornu, ce fidèle de la macronie passé maître dans l’art du passage en force, nous sert sur le perron de Matignon une belle illusion en renonçant au 49.3 pour soi-disant « déporter le pouvoir au Parlement ». Comme si les gouvernements précédents avaient un jour fait mine de partager le gâteau ! Non, derrière ce discours poudre aux yeux se cache la vraie menace fantôme : user de l’article 47-3 pour imposer par ordonnance le budget 2026 – ce « poison macronien » contraire aux intérêts de la France – après 70 jours de débats stériles et d’amendements foireux, évitant ainsi toute censure.
Pour que ça marche, Lecornu doit jouer la montre : pas de confiance au discours de politique générale imminent, et surtout, pas de motion de censure RN-LFI pendant ces 70 jours fatidiques. Mais c’est là qu’intervient l’attaque des clones nécessaire : oppositions, unissez-vous pour censurer ce gouvernement intérimaire dès la semaine prochaine ! Toute attente de plus serait une trahison flagrante envers le peuple et vos électeurs. Hélas, le RN de Marine Le Pen et Jean-Philippe Tanguy récidive dans la complaisance – « on attend de voir », disent-ils, tout en lorgnant une dissolution qui les arrangerait bien –, confirmant leur entente tacite avec la macronie pour prolonger le naufrage entamé en 2017.
Quant à LFI de Mélenchon, leur motion de destitution contre Macron n’est qu’un coup médiatique bidon, bloqué d’avance par les commissions macronistes ; c’est du vent, un leurre pour masquer leur inertie. Et le PS de Faure ? Opportuniste comme toujours, prêt à censurer seulement si forcé, dans l’espoir de décrocher la chaise musicale à Matignon.
Bref, sans censure immédiate, c’est la revanche des Sith assurée, et l’Empire contre-attaque. Un nouvel espoir ? À vous, oppositions, de le forger dès jeudi. Sinon, on coule tous. Demain, un interlude léger chez Madame Irma pour décompresser – promis, ce sera du carma positif !
*** édito augmenté ***
Vendredi 3 octobre 2025, Sébastien Lecornu a déclaré ceci, en conférence de presse, sur le perron de Matignon, après une « réunion de la dernière chance » avec le PS (visiblement improductive) pour obtenir un accord de non-censure sur son projet de loi de finances 2026 :
« J’ai décidé de renoncer à l’article 49.3 de la Constitution, puisque cet article au fond permet au gouvernement d’interrompre les débats, d’engager la responsabilité du gouvernement, et au gouvernement d’écrire la copie.
Après en avoir discuté avec un certain nombre d’acteurs de la vie politique et parlementaire, je pense qu’il nous faut ; comme je l’ai dit aussi sur ce perron ; engager quelques ruptures. Et je pense que nous sommes dans le moment le plus parlementaire de la Vème République.
Mais pour cela il faut que chaque député puisse avoir du pouvoir, puisse avoir de la responsabilité, puisse prendre ses responsabilités.
Au fond, c’est ça qui nous empêche d’avancer : c’est la capacité à ce que le débat démarre. Or, dans un Parlement qui fonctionne, dans un Parlement en plus qui a été renouvelé il y a plus d’un an, qui ressemble aux Français, avec ses divisions, on ne peut pas passer en force, et on ne peut pas contraindre son opposition.
C’est sur la base de cette nouvelle méthode, de cette rupture où le gouvernement déporte encore davantage le pouvoir à l’Assemblée nationale et au Sénat, que je vais pouvoir engager un certain nombre de discussions nouvelles, ce matin, cet après-midi, dans les jours qui viennent aussi. »
Heureusement, on n’est pas obligé de le croire.
Quelle manœuvre ! Quelle illusion ! Lui qui a été d’absolument tous les gouvernements macroniens qui ont fait du passage en force une pratique systématique, Sébastien Lecornu, dernier en date Premier Ministre intérimaire d’Emmanuel Macron, nous affirme que le sien, de gouvernement, va opérer une rupture. Opter pour une nouvelle méthode : déporter « encore davantage » le pouvoir décisionnaire à l’Assemblée nationale et au Sénat. Oui, « encore davantage », c’est pour faussement indiquer que les gouvernements précédents, ont un tant soit peu « déporté » le pouvoir décisionnaire au Parlement, alors qu’en réalité ils ne l’ ont jamais fait. Bien au contraire ! Ils ont tous usé du 49-3 systématiquement.
En fait, « La menace fantôme » (Star Wars épisode 1) que l’homme a cachée derrière ce discours 100% poudre aux yeux, illusion et stratagème, la voici : imposer insidieusement son projet de loi de finances 2026 via une ordonnance de l’article 47-3.

Ne serait-ce pas pour rien qu’il porte le patronyme de Lecornu ? Il sait très bien que s’il a recours à l’article 49-3 de la Constitution, il suivra le chemin que Michel Barnier et François Bayrou ont tracé, inéluctable, pour ceux qui inscrivent leurs noms à Matignon, dans cette parodie de démocratie qu’Emmanuel Macron nous impose depuis 15 mois post-dissolution : il sera censuré.
Et ceci beaucoup plus rapidement qu’eux. Alors que, à l’inverse, le recours à l’article 47-3 lui permettrait cumulativement, d’une part d’éviter la censure, et d’autre part d’imposer un projet de loi de finances 2026 décidé par Emmanuel Macron (contraire aux intérêts de la France et des Français, comme tous les précédents) que le Parlement n’aura aucunement pu amender, et auquel il n’aura pas davantage pu s’opposer.
En effet, l’article 47-3 de la Constitution détermine ceci concernant les projets de loi de finances :
« les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance. »
Cependant, imposer son projet de loi de finances 2026 par cette voie, Sébastien Lecornu ne pourra le faire que 70 jours après qu’il l’aura déposé. Pourquoi ? Parce que les dispositions de l’article 47-3 que j’ai reproduites ci-dessus, sont précédées par celles-ci, qui sont les dispositions par laquelle débute la phrase qui constitue cet alinéa 3 :
« Si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de soixante-dix jours. »
Sébastien Lecornu va donc devoir jouer la montre.
Néanmoins, pour qu’il puisse jouer la montre, il faut qu’il ne soit pas censuré avant le terme échu des 70 jours après le dépôt de son projet de loi de finances 2026. Donc déjà il ne va pas demander un vote de confiance lors du discours de politique générale qu’il va prononcer sous peu, et, ensuite, il devra faire en sorte, durant ces fameux 70 jours, qu’une motion de censure susceptible d’être votée par les députés RN et par les députés LFI, ne soit pas déposée contre son gouvernement.
Pour le reste, c’est facile. Il suffit que députés et sénateurs déposent une très grande quantité d’amendements, et qu’usant du simulacre habituel, « les débats » traînent en longueur et finalement n’aboutissent à rien. À une absence de texte commun dont doivent accoucher les deux assemblées (Assemblée nationale et Sénat) pour que le projet de loi puisse être adopté. Une absence à laquelle concourra la commission mixte paritaire de l’article 45 de la Constitution, dont Sébastien Lecornu provoquera la réunion le moment venu, le cas échéant.
Toutefois, j’insiste, pour que la mystification puisse s’opérer, les partis officiellement d’opposition doivent y concourir. S’ils s’associent dans une motion de censure, la menace fantôme s’évaporera instantanément. « L’attaque des clones » (Star Wars épisode 2) en laquelle consisterait une motion de censure de cette nature, est la rustine sur la coque du bateau France. La poser s’impose pour faire en sorte que la mission dont Emmanuel Macron a chargé Sébastien Lecornu (à savoir achever le naufrage méthodique de ce navire en perdition depuis 2017), mission qu’il a acceptée, s’avère être une « Mission Impossible ».

Cette rustine certes ne suffira pas à elle seule à nous faire éviter un naufrage en l’état inéluctable. Toutefois, chaque nouveau jour qui passe nous rapprochant un peu plus du point de non-retour, attendre ne serait-ce qu’une seule journée pour censurer Sébastien Lecornu consisterait pleinement, pour les partis officiellement d’opposition, en une trahison du peuple français et de leurs électeurs.
Le RN étant le parti soi-disant d’opposition qui a le plus intensément concouru à ce que l’intérim François Bayrou dure 8 mois et 26 jours, et que soient adoptés les quatre projets de loi qu’il a défendus, on peut craindre que Marine Le Pen et ses alliés récidivent. Qu’ils participent de nouveau à ce simulacre ! L’interview que son porte-parole médiatique vedette du moment, Jean-Philippe Tanguy, a donnée mercredi 1er octobre 2025, malheureusement va en ce sens.
En effet, après avoir déclaré ceci, pour la galerie (cette communication dans laquelle il excelle), en commentaire des élucubrations publiques dont Sébastien Lecornu nous a gratifiés depuis sa nomination :
« Je ne suis plus dupe de tous ces éléments de communication. »
et cela :
« Monsieur Lecornu ment en disant que l’Assemblée nationale a le temps de revoir le budget. »
Jean-Philippe Tanguy a indiqué qu’il envisage de ne pas voter la censure en cas de baisse d’impôts et des dépenses.
Et, évidemment, il est encore moins question pour le RN de s’associer à la censure automatique susdite (la rustine à poser sur la coque du bateau France) qui pourtant s’impose :
« On attend de voir ce qu’il a à dire. S’il annonce, dès le discours de politique générale, des orientations qui ne vont pas dans le bon sens, on ne s’interdit pas de censurer. »
Oui, Jean-Philippe Tanguy a beau avoir indiqué également que :
« Monsieur Lecornu joue en permanence la montre contre la démocratie. »
Force est de constater que le RN fait pareil depuis 15 mois, en refusant de censurer immédiatement les Gouvernements qu’Emmanuel Macron nomme, post-dissolution, pour poursuivre la politique qu’il mène depuis 8 ans. Cette politique qu’il continue de mener, en dépit du fait qu’il ne dispose plus de la majorité requise à l’Assemblée nationale pour pouvoir le faire.
Pire ! Jean-Philippe Tanguy a ajouté, à juste titre, que « le budget est déjà écrit à 99 % », et que derrière l’annonce faite par Sébastien Lecornu de son renoncement à avoir recours à l’article 49-3, se cache le recours à l’article 47-3 qu’il vise, et dont je vous ai fait état au début de cet édito.
Ainsi, il est d’autant plus manifestement établi que chaque jour qui passe sans que le RN s’emploie pleinement à ce que Sébastien Lecornu soit censuré, rapporte la preuve que le RN n’est nullement opposé à la politique d’Emmanuel Macron.
L’excuse invoquée par Jean-Philippe Tanguy, à savoir justifier la non-censure en cantonnant à ceci l’opposition du RN à la politique d’Emmanuel Macron : « On ne veut plus une hausse de la dépense publique en France. » Cette excuse, plus personne n’en est dupe. Tout ça, c’est du vent. RN et macronie avancent de concert. Cette entente permet que la déception du peuple français en cours, commencée par une arrivée et un maintien au pouvoir d’Emmanuel auxquels, délibérément, Marine Le Pen a hautement participé, perdure après expiration de son deuxième mandat.
Et c’est d’autant plus évident, en ajoutant dûment à cela que la chute du gouvernement Lecornu pourrait précipiter une nouvelle dissolution, la nouvelle dissolution que le RN appelle de ses vœux, comme les mots de Jean-Philippe Tanguy à ce sujet en attestent :
« Je pense qu’il faut des élections le plus tôt possible. »
Eh oui ! Si effectivement le RN veut qu’il y ait des élections le plus tôt possible, qu’il censure Sébastien Lecornu le plus tôt possible. À savoir dès la semaine prochaine, en déposant une motion de censure à l’occasion du discours de politique générale qu’il va prononcer à l’Assemblée nationale (ou, le cas échéant, en votant celle que LFI déposera).
À charge alors aux députés LFI, eux aussi officiellement opposés à la politique d’Emmanuel Macron, de voter cette motion de censure. Pour ce qui est de s’opposer véritablement à la poursuite de cette politique, ce serait nettement plus efficace que la motion de destitution d’Emmanuel Macron dont LFI s’est faite le porte-drapeau. Et surtout, ce serait immédiatement patent.
Car là non plus, ne nous laissons pas leurrer. L’annonce de cette motion de destitution n’est nullement une démarche pouvant véritablement empêcher la poursuite de cette politique. C’est uniquement un coup médiatique. Un artifice, une manœuvre démagogique pour continuer d’entretenir l’illusion. L’illusion que LFI est le parti d’opposition d’extrême gauche, alors qu’en fait LFI est le miroir aux alouettes du RN. Le leurre similaire que le système a positionné à l’autre bout de l’échiquier politique.
Parce que, outre la majorité des deux tiers dans chacune des deux assemblées qui est requise pour que la motion de destitution soit adoptée, ce qui ne sera jamais le cas vu leur composition actuelle (c’est mathématique), il faut qu’elle soit soumise au vote. Or, pour qu’une motion de destitution soit soumise au vote, elle doit d’abord avoir été jugée recevable par le bureau de l’Assemblée nationale, puis examinée en commissions (notamment celle des lois), pour enfin être inscrite à l’ordre du jour. Et même si la motion est déclarée recevable par les deux assemblées, la conférence des présidents (Sénat et Assemblée nationale), peuvent décider de ne pas l’amener au débat. Et de plus le Président de la commission des lois de l’Assemblée nationale peut le faire tout seul.
Et c’est là que le bât blesse. Le Président de la commission des lois de l’Assemblée nationale est Florent Boudié. C’est un macroniste pur et dur. Un pilier de l’ex-LREM qui s’est pareillement attaché viscéralement à « Renaissance », la nouvelle appellation parlementaire de la macronie.
Ainsi évidemment, Florent Boudié refusera d’inscrire à l’ordre du jour une motion de destitution d’Emmanuel Macron.
La censure de Sébastien Lecornu dès son discours de politique générale (1) pouvant seule apporter « Un nouvel espoir » (Star Wars épisode 4), à savoir la semaine prochaine, nous serons très vite fixés quant aux intentions véritables du RN et de LFI. S’ils ne la votent pas avant que le mal soit fait à nouveau à la France et aux Français, « La Revanche des Sith » (Star Wars épisode 3) interviendra, permettant ainsi que « L’Empire contre-attaque » (Star Wars épisode 5).

1) si le discours de politique générale avait été annoncé pour le 9 octobre 2025, c’est-à-dire jeudi prochain, j’aurais pu ajouter vivement « Le Retour du Jedi » (Star Wars épisode 6), ce qui aurait fait que j’eusse réussi à caser dans cet édito – et à bon escient ! – les titres des six épisodes de la saga. Hélas, aucune date en ce sens n’a été donnée officiellement.

PS : la réaction publique de Marine Le Pen faite aujourd’hui s’inscrit dans l’exacte même ligne « poudre aux yeux » que celle que Jean-Philippe Tanguy a posée mercredi :
« C’est une annonce plus respectueuse de la démocratie. Pour autant, pas question de donner un blanc-sein en échange au locataire de Matignon. J’attends le discours de politique générale pour voir s’il existe une rupture ou pas. »
Et le change n’est pas non plus donné par la prétendue menace non voilée qu’elle a formulée ainsi, après cela, en guise de conclusion à la nouvelle pseudo éructation dont elle s’est fendue là ; prétendument hostile au système qu’elle dit combattre, puisqu’elle en a toujours fait partie :
« Pour le Rassemblement national, c’est la rupture ou la censure. »
Vu le comportement que le RN a eu avec les deux gouvernements précédents, cela sonne plutôt comme une main tendue pour continuer à collaborer.
Quant à LFI, Jean-Luc Mélenchon a déclaré ceci en réaction à l’annonce de Sébastien Lecornu :
« En résumé, paroles verbales, on ne te croit pas. On ne te croit pas, tu n’as pas l’intention de gouverner sans nous forcer, le moment venu. »
Cependant, étant donné qu’il a ajouté cela :
« Je soupçonne Monsieur Lecornu de se fiche de nous. »
Au regard de ce que je vous ai exposé concernant sa motion de destitution, on est tenté de lui retourner le compliment, sous une forme ironique qu’il affectionne :
« C’est celui qui dit qui est ! »
Et, enfin, Olivier Faure, lui, s’étant contenté de convenir poussivement de ça :
« Le Premier ministre nous a présenté une copie très insuffisante et à bien des égards alarmante. »
Le patron du parti socialiste (premier secrétaire) a confirmé là, une fois de plus, que le PS maintient sa position : il s’alliera à une motion de censure que si et seulement s’il y est « obligé » ; à savoir pour éviter que sinon même les aveugles verront que PS et Renaissance, c’est du pareil au même : bonnet blanc et blanc bonnet.
Cette position est axée autour du désir d’Olivier Faure d’être le prochain gagnant du jeu des chaises musicales qu’Emmanuel Macron a initié à Matignon avec la dissolution.
Cela m’a d’ailleurs donné l’idée de m’amuser à jouer les « madame Irma » le temps d’un édito.
Ainsi je vous en reparlerai très bientôt. Sans doute demain. En prime, cela interviendra comme une sorte d’interlude léger, pour dûment contraster un peu avec la gravité de ton dont je dois faire montre ces derniers temps. Car attablé, je suis à analyser une actualité politique qui ne laisse rien présager d’amusant. Une Madame Irma au « mauvais carma » que je vais m’efforcer de dérider, malgré les augures sombres.