
À Cadillac, Doullens et Clermont-de-l’Oise, des institutions publiques de placement pour filles mineures ont accueilli, de la fin du XIXe au milieu du XXe siècle, des « mauvaises filles ». On nommait ces lieux des « écoles de préservation ». Artiste iconographe, Agnès Geoffray réinterprète des archives photographiques. Elle s’intéresse particulièrement à la représentation des femmes dans l’histoire. À partir des fonds institutionnels de ce qu’on a pu aussi appeler des maisons de redressement, elle propose, à la suite d’une résidence effectuée avec l’historienne de l’art Vanessa Desclaux, des portraits fictionnels de ces « inéducables » (1). Les images dépouillées dialoguent avec des documents d’époque (rapports d’inspection, articles de presse, fiches de signalement judiciaire…) et nous plongent dans l’univers réinventé de ces jeunes filles, comme en un prolongement moderne de leurs histoires. Les gestes isolés, comme les poings en tension sur lesquels sont inscrites des injonctions, expriment l’ambivalence entre l’empêchement et l’émancipation. La construction des images en noir et blanc ou quasi monochromes, composée au cordeau, reflète parfaitement l’architecture carcérale et l’abolition des corps qu’évoque Michel Foucault dans Surveiller et punir.