Un événement inédit vient de marquer l’histoire du transport maritime : le porte-conteneurs chinois Istanbul Bridge a atteint le port de Felixstowe, en Angleterre, après avoir traversé l’Arctique. Ce trajet inaugure officiellement le service « Arctic Express », le nouveau corridor maritime reliant directement l’Asie à l’Europe par la voie nord.
Un itinéraire deux fois plus rapide
Parti du port chinois de Ningbo-Zhoushan, le navire opéré par la compagnie Sea Legend a mis à peine 20 jours pour rejoindre l’Europe via la Route maritime du Nord, longeant les côtes russes. Ce temps de trajet représente une réduction de plus de 50 % par rapport aux routes traditionnelles passant par le canal de Suez ou le Cap de Bonne-Espérance, qui nécessitent souvent 40 à 50 jours. Après son escale britannique, l’Istanbul Bridge poursuivra sa route vers Rotterdam, Hambourg et Gdańsk, marquant le début d’une ligne régulière entre la Chine et l’Europe du Nord.
Une nouvelle donne stratégique pour la Russie
La Route maritime du Nord traverse la zone économique russe et dépend en grande partie des infrastructures logistiques, des brise-glaces et des services portuaires gérés par Moscou. Le développement de cette voie pourrait donc renforcer le rôle stratégique et économique de la Russie dans le commerce maritime mondial. En devenant un passage privilégié entre l’Asie et l’Europe, ce corridor offre à la Russie de nouvelles perspectives en matière de transport, de transit et de coopération énergétique ou logistique.
Une alternative aux routes traditionnelles
Ce nouveau trajet intervient dans un contexte de forte insécurité maritime en mer Rouge, où plusieurs attaques revendiquées par les rebelles houthis du Yémen ont visé des navires marchands. Ces incidents ont perturbé une partie du trafic entre l’Asie et l’Europe, poussant certaines compagnies à rechercher des itinéraires plus sûrs et plus courts. Dans ce cadre, la route arctique apparaît comme une solution logistique des plus stratégique pour maintenir la fluidité des échanges commerciaux entre les deux continents.
Une route encore très saisonnière et expérimentale
Le service “Arctic Express” ne sera sans doute pas exploité toute l’année. En l’état, les trajets polaires sont réalisables uniquement pendant des fenêtres saisonnières limitées, lorsque la couverture de glace maritime est faible. À ce jour, bien que l’Arctique ait vu quelques dizaines de transits marítimes commerciaux en 2024 (et plus de 20 cette saison selon certaines sources), le trafic reste marginal comparé aux voies classiques (comme le canal de Suez).
L’« Arctic Express » marque une évolution majeure des routes maritimes mondiales. En combinant gain de temps, réduction des distances et nouvelles opportunités économiques, ce projet positionne la Chine et la Russie comme des acteurs centraux d’un commerce intercontinental en pleine mutation. Mais les défis sont nombreux : viabilité économique, régulation internationale. Le monde maritime observe avec attention cette traversée. Elle est à n’en pas douter le prélude d’une nouvelle ère du transport maritime global.
Pour information, la Russie possède aujourd’hui plus de 50 % de la flotte mondiale de brise-glaces avec ses 11 brise-glaces nucléaires et ses 40 brise-glaces diesel-électriques. Quatre nouveaux brise-glaces nucléaires sont encore actuellement en construction. Quant à la Chine elle possède cinq brise-glace à son actif.