Une référence qui transcende les clivages
Cinquante-cinq ans après sa disparition, le général de Gaulle jouit sur la scène politique française d’une faveur peu commune. De M. Jean-Luc Mélenchon à Mme Marine Le Pen en passant par M. Sébastien Lecornu, tout le monde — ou presque — se réclame de lui, salue ses mérites, revendique une partie au moins de son héritage. De Gaulle est omniprésent. Mais le gaullisme, lui, demeure introuvable.

Le 8 septembre dernier, l’Assemblée nationale refuse sa confiance à M. François Bayrou. Pour le remplacer à Matignon, M. Emmanuel Macron choisit presque aussitôt M. Sébastien Lecornu, « gaulliste social » revendiqué. Indifférente à ce changement de locataire, Mme Marine Le Pen cible directement le président de la République : « De Gaulle est allé jusqu’à sa propre démission en 1969. Emmanuel Macron n’aura pas cette force d’âme » (Le Journal du dimanche, 21 septembre). Et la dirigeante du Rassemblement national (RN) d’enfoncer le clou : « Emmanuel Macron ramène la France aux travers de la ive République. L’extrême gauche réclame une vie, mais les seuls à défendre la ve, ce sont les députés du RN, attachés à l’esprit des institutions du général de Gaulle. »
Renvoyer à l’exemple de « l’homme du 18 juin », citer ses bons mots ou déplorer la dispersion de son héritage : autant de registres bien connus de la vie publique française. En 1974 déjà, observe la politiste Annie Collovald, après l’élimination du candidat de ce courant au premier tour de la présidentielle — Jacques Chaban-Delmas —, puis la trahison d’un de ses principaux lieutenants — Jacques Chirac, qui accepte de diriger le gouvernement de Valéry Giscard d’Estaing —, « “la mort du gaullisme” fournit le sujet de dissertation de maints commentaires journalistiques comme politiques ».
On a encore pu lire ou entendre pareils commentaires quand la candidate LR, Mme Valérie Pécresse, a obtenu 4,8 % au premier tour de la présidentielle de 2022, ou en 2024 après que l’ancien président LR Éric Ciotti a fait élire dix-sept députés sous l’étiquette Union des droites pour la République (UDR) en s’alliant avec le RN. Bref, le courant qui se proclame héritier du gaullisme se porte très mal. Mais celui-ci était aussi une attitude et, surtout, une doctrine ; de cela, que reste-t-il ?
Que reste-t-il de l’esprit de la Constitution adoptée en 1958 à l’initiative de Charles de Gaulle quand l’actuel président de la République l’offense (…)
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Aurélien Bernier
Journaliste. Auteur de Que faire de l’Union européenne ?, Éditions de l’Atelier, Ivry-sur-Seine, 2025.