Hausse du recours des Cabinets de conseil de 31% – l’État incapable de se réformer, mais toujours prompt à déléguer


Trois ans après le scandale McKinsey, on aurait pu croire que l’État français avait tiré les leçons de sa dépendance chronique aux cabinets de conseil privés. Promesse avait bien évidemment été faite : “Nous allons réinternaliser les compétences, limiter les contrats externes, reprendre le contrôle.” Résultat ? En 2024, les dépenses publiques en prestations de conseil ont bondi de 31 %. Le fameux “État stratège” s’en remet plus que jamais… à des stratèges privés aux intérêts plus qu’opaques.

 

L’hypocrisie d’un État impuissant

Après le tollé du “McKinseyGate” — ces millions d’euros versés à des firmes américaines pour piloter des politiques publiques fondamentales —, le gouvernement avait réduit la voilure. Les dépenses étaient passées de 271 millions d’euros en 2021 à 73 millions en 2023. Mais voilà : en 2024, l’État a rouvert le robinet, atteignant 96,1 millions d’euros, selon les “jaunes budgétaires” annexés au projet de loi de finances 2026.

Autrement dit : on moralise un temps, puis on recommence. Car la vérité, c’est que l’administration française est incapable de se réformer, incapable de se priver d’une béquille externe pour penser, décider, ou simplement organiser.

 

Une bureaucratie obèse et amorphe

La machine administrative française reste l’une des plus lourdes au monde. Des milliers de postes subsistent dans les ministères, parfois sans mission claire, parfois redondants, souvent déconnectés des réalités opérationnelles.

Mais plutôt que de rationaliser son propre fonctionnement, l’État préfère payer des consultants privés — Capgemini, Deloitte, Accenture, EY — pour faire faire le travail à sa place.

Le paradoxe est cruel. On maintient une bureaucratie pléthorique, coûteuse et inefficace. On externalise la réflexion à des entreprises dont les consultants sont le plus souvent… d’anciens hauts fonctionnaires. Et on finance tout cela avec de l’argent public, pendant qu’on serre la ceinture des contribuables. L’État dépense donc pour corriger sa propre inertie — un cercle vicieux institutionnalisé. Le serpent se mord la queue, ou plutôt le mammouth aurait pu dire Allègre.

 

“Réformes” pour les citoyens, statu quo pour l’administration

Pendant que les ministères multiplient les appels d’offres pour des “prestations de conseil stratégique”, les Français voient les réformes tomber comme des couperets : hausse de la franchise médicale, taxation des titres-restaurants, gel des retraites, réduction des services publics de proximité…

Mais là où l’effort devrait commencer — dans les structures centrales de l’État —, rien ne change. Aucun plan de simplification, aucune évaluation sérieuse des doublons administratifs, aucune suppression de postes inutiles. Le réflexe reste le même : payer un cabinet de conseil pour produire un rapport que personne ne lira, plutôt que de trancher.

 

Une perte de souveraineté intellectuelle

Cette dépendance chronique n’est pas qu’une question de budget, c’est une question de souveraineté intellectuelle. L’État délègue non seulement l’exécution, mais aussi la pensée : stratégie économique, numérique, environnementale, militaire… tout passe par les grandes firmes du conseil, pour certaines fortement américanisées. Ce sont elles qui modélisent, chiffrent, orientent — et parfois influencent directement les décisions politiques. Le Sénat avait déjà alerté en 2022 : la puissance publique française ne pense plus par elle-même. Trois ans plus tard, cette dépendance s’est normalisée, « quoi qu’il en coute ».

 

Le scandale McKinsey n’aura rien changé parce qu’il n’était pas la cause, mais le symptôme : celui d’un État qui ne sait plus penser ni agir, prisonnier d’une technostructure hors sol et d’une dépendance intellectuelle vis-à-vis du privé, dans lequel les politiques eux-même sont souvent impliqués. Tant que l’État refusera de se réformer en profondeur — en réduisant sa bureaucratie, en responsabilisant ses cadres, en recréant de la compétence interne —, la France restera un pays de seconde zone, gouverné… par des présentations PowerPoint.





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