Le message du général Fabien Mandon, nouveau chef d’état-major des armées, a fait l’effet d’un électrochoc : les forces françaises doivent « se tenir prêtes à un choc dans les trois ou quatre ans à venir ». Une mise en garde lourde de sous-entendus : la France doit se préparer à la guerre. Mais laquelle, contre qui, au juste ? La Russie, désignée comme menace principale par le CEMA ? Ou une partie de ses propres citoyens, que le gouvernement soupçonne déjà de s’opposer à une intervention à l’Est ? Telle est la question !
L’ombre d’un engagement à l’Est
Depuis de nombreux mois déjà, les signaux se multiplient : dans les états-majors, à Matignon et à l’Élysée, on évoque ouvertement la possibilité d’un engagement militaire majeur en Europe de l’Est, en soutien à l’Otan ou à un pays allié. Le chef des armées le dit sans détour : une Russie « tentée de poursuivre la guerre sur notre continent » impose à la France d’être prête. Mais prête à quoi en fait ?
Cette rhétorique guerrière s’accompagne d’une préparation certes moins visible, mais néanmoins bel et bien là : celle d’un dispositif de sécurité intérieure destiné à contenir les réactions que pourrait provoquer une telle décision. Au ministère de l’Intérieur, on ne se fait guère d’illusion : un envoi de troupes à l’Est pourrait rallumer les braises d’une contestation sociale et politique déjà vive.
La Gendarmerie en première ligne du “front intérieur”
Le général Hubert Bonneau, directeur général de la Gendarmerie nationale (DGGN), l’a reconnu devant les parlementaires : « Si nous avons un engagement majeur à l’Est, je pense que cela ne se passera pas sans agitation sur le territoire national. »
Un euphémisme pour décrire une inquiétude bien réelle. Dans un rapport interne, la Gendarmerie se prépare désormais à réprimer d’éventuelles manifestations hostiles à un engagement militaire, à faire face à des actions de sabotage, voire à des opérations d’influence ou de désinformation, pourquoi pas orchestrées depuis l’étranger. La guerre extérieure aurait son miroir intérieur, du macrocosme au microcosme… et le maintien de l’ordre deviendra de fait le prolongement de la politique de défense, voire même le nerf de la guerre.
Cette logique de “continuum sécurité–défense” est assumée par la hiérarchie militaire. Elle inquiète toutefois certains observateurs, qui y voient une militarisation croissante de la sécurité intérieure et un risque de confusion entre contestation politique et menace à la sûreté nationale, un amalgame aisé qui autoriserait du coup pas mal de débordements côté démocratie.
Les “Centaures”, symbole d’une préparation tous azimuts, au milieu de millions de munitions
Le déploiement des véhicules blindés Centaure le 18 septembre dernier illustre cette évolution.
Vingt-quatre engins, parmi les quatre-vingt-dix commandés par l’Élysée, équipés de grenades lacrymogènes, caméras thermiques et d’un système pouvant accueillir une mitrailleuse légère, ont été mobilisés dans toute la France lors d’une journée de grève nationale — du jamais-vu. Une mise en garde ?
Selon Le Figaro, les services de renseignement redoutaient la présence de plus de 8 000 individus “à risque”. Mais pour beaucoup, ce déploiement massif a surtout marqué le retour d’une logique de confrontation entre l’État et une partie de sa population. Un signe, peut-être, que le gouvernement se prépare à gérer une guerre… sur deux fronts : extérieur, mais surtout intérieur.
Quand la défense du territoire commence dans la rue
Officiellement, il ne s’agit que de prudence. Le général Bonneau évoque la nécessité de « couvrir le territoire » et de renforcer les capacités de la Gendarmerie en cas de montée en puissance des armées. En pratique, le dispositif ressemble de plus en plus à un pré-positionnement sécuritaire préventif — pour encadrer, voire neutraliser, toute forme d’opposition à une future intervention, une opposition donc politique.
Avec 800 millions d’euros prévus pour moderniser ses équipements — dont 22 000 fusils d’assaut et de nouveaux systèmes de vision nocturne — la Gendarmerie se dote d’un arsenal qui va bien au-delà du simple maintien de l’ordre, la plupart de ces armements étant létaux. Pour le pouvoir, la défense de la nation semble désormais passer par la rue plutôt que par le champ de bataille.
Un “choc” à deux visages
Les mots du général Mandon résonnent désormais avec une double signification.
Oui, la France se prépare à un “choc” géopolitique, face à une Russie perçue comme une menace. Mais elle se prépare aussi à un choc intérieur, celui d’une société potentiellement fracturée par une éventuelle décision de guerre qu’une bonne partie des citoyens refuserait.
Entre peur de la Russie et peur de la contestation, le gouvernement semble avoir choisi de privilégier la plus facile à mater. Une question gronde, désormais dans le silence des salons, la guerre qui se profile se jouera-t-elle à l’Est… ou ici, en France, en passant par l’article 16 ?