Dans un entretien dense accordé à France-Soir, Benoît Paré — ancien observateur de l’OSCE en Ukraine (2015-2022) et ex-plume sous le pseudonyme Jean Neige — présente son nouvel ouvrage, Ukraine : la grande manipulation, compilation de tribunes où il passe au crible les « scandales » médiatiques de la guerre. Sa méthode : le terrain, la cartographie, le droit humanitaire, et un principe cardinal: « ne jamais mentir ».
Benoît Paré revendique un regard d’enquêteur, forgé par des années en zones de conflit (des Balkans à l’Ukraine). Il affirme avoir « revisité » des dossiers emblématiques — la maternité et le théâtre de Marioupol, la gare de Kramatorsk — en s’appuyant sur sa connaissance intime des lieux. “À Marioupol, j’ai vécu deux ans et demi. Quand je vois des images, je me repère immédiatement. » Sur la maternité, il reconnaît « le dossier où j’ai le moins de certitudes », tout en rappelant que le statut protégé d’un hôpital tombe « s’il est utilisé à des fins militaires ».
Au cœur du livre, une thèse : l’exploitation systématique de l’émotion — notamment autour des enfants — pour façonner l’opinion. « La recette majeure de la propagande de guerre, c’est l’émotionnel. » Benoît Paré insiste néanmoins sur sa ligne éthique : « On peut se tromper, mais dire ce qu’on sait faux, c’est impardonnable. » Accusé de relayer une vision pro-russe, il rétorque qu’il documente « des schémas qui se répètent » et assume d’écrire « encore un mensonge de Kiev » lorsque, dit-il, les éléments s’accumulent. Il rappelle aussi des exécutions de prisonniers « dans les deux camps », « condamnables » sans équivoque.
Son fil rouge d’analyse tient en une question : « À qui profite le crime ? » Sur nombre d’épisodes, il juge que l’impact médiatique « ne profite jamais aux Russes et toujours à la propagande ukrainienne ». Il relie cette dynamique à un écosystème « financiarisé, médiatico-militaro-industriel » occidental et voit, dans la rhétorique d’escalade en Europe, une « menace russe fabriquée » pouvant servir à « resserrer le contrôle » et à « justifier une armée européenne ».
Côté États-Unis, Benoît Paré estime que l’ère Trump a asséché l’aide américaine directe, sans pour autant produire la paix promise. En France, il lit les propos de 2024 sur un déploiement de troupes comme un « seuil » inquiétant, en décalage avec une opinion « majoritairement favorable à la paix ».
La perspective ? « On n’en est pas au chapitre final. » Il anticipe une issue par épuisement, jugeant que « pour la Russie, cette guerre est existentielle », quand l’Europe risque, selon lui, d’en payer « le prix économique et social ». Et de citer Julian Assange : « Les peuples démocratiques, il faut leur mentir pour les convaincre de soutenir une guerre. » Son exhortation finale : garder l’esprit critique, toujours.