Critiqué depuis sa mise en place par la grande bourgeoisie, notre système de retraite par répartition, où chacun cotise en fonction de ses moyens et touche selon ses besoins, est à nouveau dans le viseur du camp Macroniste. L’ancien premier ministre Gabriel Attal projette ainsi de supprimer l’âge de départ à la retraite pour bifurquer vers un procédé par capitalisation.
« C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches », écrivait Victor Hugo en 1869. Plus de 150 ans plus tard, cette citation demeure plus que jamais d’actualité, tant les libéraux semblent décidés à abolir notre appareil social. Le fonctionnement par répartition est donc plus que jamais en ligne de mire.
Le pied de la capitalisation dans la porte
Les éléments de langage libéraux, repris en chœur sur les plateaux de télévision, ne manquaient pas pour faire avaler la pilule aux Français. Notre système de retraite serait « trop compliqué », « personne n’y comprendrait rien », et évidemment, il ne serait « pas soutenable ». Il serait donc grand temps « d’introduire une dose de capitalisation ».
Dans les faits, comme pour l’assurance santé, il s’agit d’un démantèlement progressif qui d’année en année grignote le système de retraites actuel. La capitalisation mettra ainsi fin au dispositif collectif au profit d’un fonctionnement individuel où les plus fragiles d’entre nous finiront sur le carreau, ainsi que Mr Mondialisation l’expliquait dans un précédent article.
Des fonds de pension dès la naissance
Mais avec son amendement, qui reprend une proposition déjà présentée l’été dernier, Gabriel Attal entend créer un compte à chaque bébé français, et ce, dès la naissance. Chacun se verrait alors crédité d’un « cadeau » de l’État (en réalité, payé par les classes populaires) à hauteur de 1 000 €, ce qui « relancerait la natalité » selon certains médias. Une caisse que les parents et grands-parents seraient ensuite libres d’alimenter jusqu’aux 18 ans de l’enfant, avec des abattements fiscaux à la clef.
Derrière cette rhétorique paternaliste et simpliste se cache une attaque totale contre notre structure solidaire. Car ce compte, qui ne serait pas accessible avant la retraite, dépendrait, dans les faits, directement de placements financiers aléatoires et des moyens familiaux, transmis de génération en génération.
Entre les mains de la finance
Autrement dit, c’est d’une part l’aptitude économique individuelle tout au long d’une vie et, d’autre part, le monde de la finance qui déterminerait combien d’argent ce « compte retraite » contiendrait au moment du départ.
Pour une personne aisée, en mesure de placer beaucoup de liquidités durant son existence, l’issue sera probablement confortable. En revanche, pour un individu précaire, dans l’impossibilité d’épargner, la caisse resterait désespérément vide. Pire, un dérèglement boursier pourrait faire s’effondrer le capital, comme ce fut le cas pour les fonds de pension américains lors de la crise de 2008.
Gabriel Attal en rajoute une couche : la fin de l’âge de départ à la retraite. Dans ces conditions, rester en emploi jusqu’à un âge beaucoup plus avancé n’incarnera plus une option, mais une obligation. La doctrine macroniste n’a d’ailleurs jamais caché son mantra : « il faut travailler plus ». À condition que vous en soyez encore physiquement capable.
Occuper le débat public
Fort heureusement, ce type d’amendement n’a pour le moment aucune chance d’être adopté en l’état des forces de l’Assemblée nationale. Pour autant, il ne faut pas s’y méprendre, il s’agit bien entendu d’une forme de communication et de propagande destinée à élargir la fenêtre d’Overton.
Car dans le même temps, les grands médias de milliardaires passent leur temps à assurer que notre système par répartition ne serait pas soutenable et que la capitalisation serait inévitable. Il suffisait d’ailleurs de voir comment la presse s’est ruée sur la proposition de l’ex-Premier ministre, pourtant assez confidentiel.

Gloire à la finance
Ces mêmes médias n’hésitent pas non plus à s’appuyer sur des sondages aux questions orientées pour faire dire « aux Français » qu’ils seraient favorables à l’introduction de la capitalisation. Aucun d’entre eux ne précisera non plus que la soutenabilité d’un système dépend uniquement de la part des richesses qu’une nation souhaite y consacrer.
Bien sûr, ce genre d’enquête d’opinions, telle que celle d’Elabe ou celle d’Harris Interactive, n’explique pas ce qu’implique concrètement la retraite par capitalisation et ses « placements financiers ». Elle est simplement présentée comme un « complément de revenu », ce qui, somme toute, peut sembler raisonnable pour un néophyte, d’autant plus dans un contexte dans lequel on nous répète à longueur de journée que la façon de faire actuelle n’est pas viable.
Confier l’avenir des vieux jours à des multinationales privées qui exploitent les vies des travailleurs pour engranger des profits apparaît sans doute désirable aux représentants des classes bourgeoises. Et face au pouvoir de l’argent, il faudra encore une fois résister pour défendre le modèle social actuel.
– Simon Verdière
Photo de SHVETS production. Pexels.
