Le torchon brûle entre Pékin et Tokyo. A peine une semaine après la rencontre entre Xi Jinping et Sanae Takaichi en Corée du Sud en marge du sommet APEC, la Chine a appelé vendredi ses ressortissants à ne pas se rendre au Japon, en réaction à une déclaration du Premier ministre japonais sur un envoi de troupes japonaises à Taïwan.
Avant son élection comme Premier ministre du Japon Sanae Takaichi, s’est distinguée par une position ferme sur Taïwan, défendant la souveraineté de l’île et appelant à une coopération accrue avec Taïwan en matière de sécurité face à ce qu’elle considère comme étant “la menace chinoise”. Proche collaboratrice de l’ex-Premier ministre Shinzo Abe, elle était considérée comme une ultraconservatrice, un “faucon” à l’égard de Pékin, insistant sur la nécessité d’augmenter les dépenses militaires et de renforcer la présence américaine dans la région, tout en adoptant une diplomatie plus agressive à l’égard de la Chine.
Tokyo n’écarte pas l’envoi de ses troupes à Taïwan
Élue en octobre dernier et devenant la première femme à accéder à la fonction de Premier ministre du Japon, elle a rencontré quelques jours plus tard le président chinois Xi Jinping, en marge du sommet APEC en Corée du Sud. Les deux dirigeants ont discuté de la coopération économique, notamment sur les marchés tiers, l’économie verte, la santé et les soins de longue durée.
La question de Taïwan, que Pékin revendique comme un territoire chinois, a été abordée et Sanae Takaichi a réitéré l’importance de la paix et de la stabilité dans le détroit de Taïwan, exprimant sa préoccupation face à la situation régionale. Elle a également souligné la responsabilité du Japon et de la Chine dans la préservation de la stabilité régionale et internationale.
Xi Jinping, de son côté, a insisté sur le respect des consensus politiques existants, notamment ceux relatifs à la question de Taïwan. Il a surtout rappelé l’importance de “préserver la base politique des relations bilatérales, conformément aux quatre documents politiques sino-japonais”. Takaichi a confirmé que le Japon maintiendrait sa position telle que définie dans le communiqué conjoint Japon-Chine de 1972 sur la question de Taïwan, selon un communiqué du ministère chinois des Affaires étrangères.
Pourtant, les tensions ont surgi une semaine plus tard. Le 7 novembre, lors d’une audition parlementaire, Sanae Takaichi a déclaré qu’une attaque armée contre Taïwan pourrait relever de la “légitime défense collective” prévue par la loi japonaise de 2015, qui permet l’envoi de troupes japonaises si la situation menaçait la survie du Japon. Cette loi autorise le Japon à intervenir militairement en cas de menace directe contre ses alliés ou si la sécurité nationale est compromise.
Si une situation d’urgence à Taïwan implique “le déploiement de navires de guerre et le recours à la force, cela pourrait constituer une menace pour la survie du Japon”, avait-elle déclaré sans citer nommément la Chine. Et d’ajouter: “Nous devons envisager le scénario du pire”.
Pékin a estimé que ces propos étaient “ouvertement provocateurs à l’égard de Taïwan, nuisant gravement au climat des échanges entre les peuples”, selon un communiqué de l’ambassade de Chine à Tokyo, publié vendredi 14 novembre. Pékin a aussi annoncé avoir convoqué l’ambassadeur du Japon, jugeant “extrêmement graves” les déclarations du Premier ministre japonais.
L’Empire du Milieu prend des mesures, le regret du Japon
Le Japon a aussitôt fait de même avec l’ambassadeur de Chine, après une menace jugée “extrêmement inappropriée”de la part du consul général de Chine à Osaka, Xue Jian. Dans un message depuis supprimé sur le réseau X, ce dernier avait menacé de “couper cette sale tête sans la moindre hésitation”, en citant un article sur l’intervention de Sanae Takaichi.
Le même jour du vendredi, la Chine a demandé à ses ressortissants de ne pas voyager au Japon. “Le ministère des Affaires étrangères et l’ambassade et les consulats de Chine au Japon rappellent solennellement aux citoyens chinois d’éviter de se rendre au Japon dans un avenir proche”, expliquait un communiqué.
Les principales compagnies aériennes chinoises, Air China, China Southern et China Eastern, ont confirmé la mesure dans des communiqués distincts, diffusés samedi 15 novembre. Elle permet aux détenteurs de billets, valables jusqu’au 31 décembre, de modifier leur itinéraire sans frais ou de se faire rembourser.
Tokyo a réagi en affirmant que sa position sur Taïwan restait “inchangée” et a préconisé “la paix et la stabilité”. Les autorités japonaises tentent de calmer les tensions par la voix du secrétaire général du gouvernement japonais Minoru Kihara, qui a regretté, samedi 15 novembre, la recommandation de Pékin à ses ressortissants, jugée “en contradiction avec la promotion d’une relation stratégique et mutuellement bénéfique” entre Tokyo et Pékin.