Les négociations climatiques de la COP30 au Brésil sont entrées vendredi dans les dernières heures officielles sans compromis en vue sur la question du pétrole, du gaz et du charbon.
Au point que l’Union européenne, sommée de donner des gages aux pays en développement, évoque ouvertement la perspective de quitter Belem « sans accord », un véritable échec humiliant pour le Brésil et cette première conférence climatique de l’ONU en Amazonie.
La présidence brésilienne du sommet, débuté le 10 novembre, a convoqué un petit panel représentatif des pays dans son bureau à 20H00 GMT pour tenter de dénouer la situation.
Les débats sont focalisés sur le projet d’accord présenté à l’aube, avec un grand absent : le mot « fossiles », et aucune création de « feuille de route », celle qui avait pu être réclamée par au quelque 80 pays européens, latino-américains ou insulaires.
Protestation immédiate de cette coalition informelle, avec la Colombie, qui mène la bataille contre la « prolifération » du pétrole, pétrole qu’elle exploite néanmoins en étant le quatrième producteur sud américain.
« Ce qui est actuellement sur la table est inacceptable », a déclaré le commissaire européen au climat, Wopke Hoestra, pour qui « nous sommes vraiment face à un scénario sans accord ».
Mais qui s’oppose ? L’Inde, l’Arabie saoudite et la Russie, rejointes par plusieurs pays émergents, a déclaré Monique Barbut, ministre française de la Transition écologique.
« Je mets en garde les médias contre les narratifs simplistes sur les véritables bloqueurs », lui a répondu Romain Ioualalen, de l’ONG Oil Change International, car les négociations portent aussi sur les aides financières et techniques aux pays pauvres « qui sont bloquées par les pays développés ».
« Ne nous laissons pas distraire par tout ce bruit. Dans toute négociation climatique, il y aura toujours des accusations. Concentrons-nous sur l’essentiel : l’accès à l’énergie pour les plus pauvres, la sécurité énergétique pour tous et la durabilité énergétique pour la planète », répond l’Indien Arunabha Ghosh, émissaire de la COP30 pour l’Asie du Sud.
Le projet d’accord demande des « efforts » pour tripler les financements pour l’adaptation au changement climatique dans les pays pauvres, mais les pays riches sont réticents à remettre la main au portefeuille après une COP29 qui les a engagés sur dix ans.
Pour la ministre colombienne de l’Environnement Irene Velez Torres, la COP30 « ne peut se terminer sans feuille de route pour abandonner les combustibles fossiles ».
« Ceux qui doutent que la coopération soit la meilleure chose à faire pour le climat seront absolument ravis de voir qu’on n’arrive pas à nous mettre d’accord », a plaidé le président de la COP30, le diplomate André Correa do Lago.
Dans l’après-midi, il a ajourné plus de quatre heures de réunion infructueuse avec tous les pays et envoyé les ministres se restaurer, leur demandant d’utiliser ce temps de repos « pour réfléchir aux solutions à apporter sur la table », selon des participants dans la salle.
Des négociateurs européens et du groupe arabe se sont réunis autour de M. Correa do Lago, qui a la lourde tâche de mettre d’accord 194 pays et l’Union européenne, membres de l’accord de Paris, pour une adoption par consensus, comme c’est la règle aux COP.
Dans une année géopolitique mouvementée, avec de nombreux pays occidentaux se détournant politiquement du climat, peu comptaient sur le retour de cette question à l’ordre du jour.
Et ce sont des sarcasmes, des huées, une suspension de séance et une fuite d’eau qui ont finalement conclu samedi la conférence sur le climat, à l’image des deux semaines chaotiques qui ont précédé.
Le diplomate brésilien André Correa do Lago, a tout de même maintenu son calme à la barre malgré une intrusion de manifestants, un blocage par des autochtones et un incendie.
Avec un air de soulagement, il a ouvert samedi après-midi avec trois heures de retard la séance de clôture.
Les délégués européens, arabes, chinois, des pays du Sud avaient négocié toute la nuit dans son bureau. Des ouvriers au petit matin commençaient déjà à démonter certains stands.
Le diplomate pensait qu’il allait enfin pouvoir mettre un terme rapide à cette COP, avec un texte sûr de recevoir le consentement des 194 pays membres de l’accord de Paris.
Une fois le texte principal adopté d’un coup de marteau, apparemment sans objection, et après quelques applaudissements, certains délégués ont toutefois voulu se faire entendre.
Furieuse, la représentante de la Colombie a multiplié les prises de parole pour faire admettre son rappel au règlement.
De son côté, le représentant du Vatican a pris le micro pour rappeler sa définition de la différence biologique homme-femme, manifestant sa désapprobation concernant un texte sur le genre et le climat.
La règle des COP est que le consensus est nécessaire pour faire adopter toute décision. Seule une ferme objection d’un pays avant le coup de marteau peut l’empêcher.
Une scène familière se joue souvent aux COP : des pays protestent – après le coup de marteau – contre la décision adoptée juste avant, et affirment que le président de séance a ignoré leur demande de prise de parole.
C’est ainsi que la Colombienne Daniela Duran a ainsi objecté, trop tard, contre une autre décision que le texte principal.
D’ordinaire, le président de la COP note la protestation et poursuit son ordre du jour, mais M. Correa do Lago a suspendu la séance. Un geste interprété comme une volonté de se montrer démocratique et transparent, et de reconnaître la frustration colombienne.
Le pays est l’un de ceux menant la fronde contre les énergies fossiles.
« Comme beaucoup d’entre vous, je n’ai pas dormi, cela n’a sans doute pas aidé, tout comme mon âge avancé », a repris au bout d’une heure le président, né en 1959, en plaidant la bonne foi.
La suspension de séance n’a pas plu à la Russie, qui a à son tour objecté… contre l’objection.
« Arrêtez de vous comporter comme des enfants qui veulent tous les bonbons! » et se « remplir la panse jusqu’à en être malade », a lancé Sergueï Kononoutchenko, en espagnol pour être sûr de se faire comprendre des pays d’Amérique latine ayant soutenu la protestation colombienne.
Finalement c’est un modeste consensus sur l’action climatique, sans plan de sortie des énergies fossiles, qui aura accouché, un résultat décevant pour cette Europe qui n’a décidément plus le vent en poupe, mais salué par d’autres dans cette année bouleversée par les rivalités géopolitiques.