Mardi, à Berlin, onze géants industriels ont décidé de s’unir pour tenter de mettre fin au statu quo, qui fait du continent un simple consommateur des technologies américaines et chinoises. Leur alliance, présentée lors du Sommet sur la souveraineté numérique européenne, pourrait bien devenir le premier front commun du secteur.
L’European Sovereign Tech Industry Alliance (Estia), révélée notamment par France 24, sera composée d’Airbus, Dassault Systèmes, Orange, OVHcloud ou encore Sopra Steria, ainsi que de sept autres groupes. Le collectif sera officiellement opérationnel en 2026. Sa mission est d’offrir à l’Union européenne une autonomie technologique réelle pour éviter de dépendre des mastodontes du secteur. Cela passe par une définition juridique rigoureuse du « cloud souverain » dans le futur Cloud and AI Development Act. Les membres militent pour un cadre calqué sur le standard EUCS High+, garantissant localisation stricte des données, infrastructures maîtrisées et résistance aux législations extraterritoriales. Un modèle poussé par la France, mais encore discuté par certains États membres, Allemagne en tête.
L’enjeu est important. À Berlin, Emmanuel Macron et le chancelier Friedrich Merz ont affiché un front uni pour éviter, selon les mots du président français, que l’Europe devienne un « vassal » de la tech étrangère. Tous deux insistent sur la nécessité d’innover sans rogner sur la coopération internationale. Les récentes pannes chez Cloudflare ou AWS, rappelées par Merz, ont montré à quel point le système actuel est vulnérable. Reste à savoir si l’engagement politico-industriel de l’Estia sera suffisant pour renverser la vapeur.
Comme le rapporte Siècle Digital, pour l’heure, les industriels promettent 12 milliards d’euros d’investissements. C’est symbolique. Roland Lescure, ministre français de l’Économie, prévient qu’il faudra « des centaines de milliards » pour empêcher que « les euros ne deviennent des dollars ». Autrement dit, ce n’est pas gagné.