Dans un monde où les médias mainstream dominent le récit géopolitique, un film se dresse comme une contre-narration audacieuse, invitant le spectateur à questionner les origines d’un conflit qui embrase l’Europe depuis plus d’une décennie. Ukraine en Feu (titre original : Ukraine on Fire), réalisé par Igor Lopatonok et produit par le légendaire Oliver Stone, est bien plus qu’un simple documentaire : c’est une enquête incisive qui met en lumière les divisions historiques et les ingérences étrangères à l’origine de la Révolution de Maïdan en 2014. Sorti en 2016, ce film de 90 minutes n’a rien perdu de sa pertinence, surtout en cette fin 2025, où les tensions russo-ukrainiennes continuent de faire les gros titres, malgré les efforts de paix dont Donald Trump semble avoir fait son fer de lance.
À vous de décider : agression russe ou ingérence des faucons américains ? C’est la question provocante que pose l’affiche flamboyante du film, ornée des portraits de figures emblématiques comme Vladimir Poutine, Joe Biden (alors vice-président), Mike Pence et Victoria Nuland.
Un regard historique sur les braises d’un conflit millénaire
Pour comprendre Ukraine en Feu, il faut plonger dans les racines profondes du pays, coincé depuis des siècles entre deux géants : la Russie à l’est et l’Europe à l’ouest. Le film commence par une rétrospective fascinante, remontant à la Seconde Guerre mondiale. Oliver Stone, connu pour ses œuvres engagées comme Platoon ou JFK, explore ici les origines du nationalisme ukrainien, souvent occultées dans les récits occidentaux. Il met en évidence les collaborations controversées entre certains groupes nationalistes ukrainiens et la CIA dès 1948, utilisées comme outils de contre-espionnage contre l’URSS. Cette toile de fond historique pose les bases d’une thèse centrale : l’Ukraine n’est pas seulement un État tampon, mais un terrain de jeu pour les puissances impérialistes, où les États-Unis, via des néoconservateurs influents, ont cherché à « piquer l’ours russe » pour affaiblir Moscou.
Le documentaire enchaîne sur la Révolution orange de 2004, un premier soulèvement pro-occidental financé en partie par des ONG américaines, avant d’arriver au cœur du sujet : l’Euromaïdan de 2013-2014. Stone dépeint les manifestations de Kiev non comme un mouvement spontané de « gentils Ukrainiens » contre un régime corrompu, mais comme un coup d’État orchestré. Des images d’archives choc montrent l’escalade de la violence sur la place Maïdan, culminant dans un massacre sanglant qui force la fuite du président démocratiquement élu, Viktor Ianoukovytch. Selon le film, cet événement n’est pas l’œuvre isolée de forces russes, mais le résultat d’une machination impliquant des groupes nationalistes extrémistes – qualifiés ici de « néo-nazis » – et une ingérence directe du Département d’État américain.
Les interviews qui font date : Stone face aux puissants
Ce qui rend Ukraine en Feu si captivant, ce sont les entretiens exclusifs menés par Oliver Stone lui-même. Face à Viktor Ianoukovytch, exilé après sa chute, le réalisateur américain l’interroge sur les négociations avortées pour un accord commercial avec l’Union européenne. Ianoukovytch explique comment des pressions extérieures, notamment de Washington, ont précipité la crise. « Si l’ambassadeur ukrainien distribuait des sandwiches aux manifestants de Ferguson aux États-Unis, comment réagiriez-vous ? », lance-t-il en miroir à Stone, soulignant l’hypocrisie perçue.
Mais le clou du spectacle reste l’interview avec Vladimir Poutine. Le président russe y expose sa vision des faits : la pause des négociations européennes n’était pas un caprice, mais une nécessité face à des promesses non tenues. Aucune voix occidentale n’est invitée à contredire ce récit – un choix assumé par Stone, qui vise à « révéler la perspective de l’autre côté ». Ces échanges, filmés avec une tension palpable, humanisent des figures démonisées par les médias, tout en accusant les États-Unis d’avoir investi des milliards de dollars pour un « changement de régime » en Ukraine, via des figures comme Victoria Nuland, alors sous-secrétaire d’État.
Réception : entre acclamations et accusations de propagande
Dès sa sortie au Festival de Taormina en 2016, Ukraine en Feu divise. Diffusé sur la chaîne russe Ren TV, il devient un succès retentissant à Moscou, où il est vu comme une validation du narratif pro-Kremlin. Oliver Stone lui-même admet que ses films sur la Russie et l’Ukraine, dont celui-ci, sont « très populaires » en Russie, tout en critiquant la Révolution de Maïdan comme un « soulèvement fabriqué ».
Pourtant, le backlash est virulent. Des critiques comme Stephen Velychenko, historien ukrainien à Toronto, dénoncent un « parti pris pro-russe » qui ignore les aspirations démocratiques des manifestants. Andrew Roth du Guardian le qualifie de « propagande non distillée du Kremlin », pointant l’absence de perspectives occidentales et l’exagération du rôle des « néo-nazis » parmi les protestataires. Rod Dreher de The American Conservative tempère : « C’est de la propagande, mais pas un mensonge total ; il faut connaître la vision de l’autre camp. » En France, seuls des médias comme France Soir en ont interviewé son réalisateur Igor Lopatonok et offert des téléchargements gratuits pour contrer la censure potentielle.
Malgré les controverses, le film a une note solide de 6,3/10 sur IMDb, loué pour son « regard frais sur le conflit » et sa capacité à « ouvrir l’esprit à de nouvelles perspectives ». Des spectateurs apprécient que Stone ne prétende pas détenir « la vérité absolue », mais invite à une réflexion critique.
Pourquoi regarder Ukraine en Feu aujourd’hui ?
En 2025, alors que la guerre en Ukraine entre dans sa quatrième année, et que les efforts de paix redoublent, ce documentaire reste un antidote aux narratifs simplistes. Il ne défend pas une agression russe gratuite, mais questionnel’ingérence américaine comme étincelle d’un feu qui consume encore des vies. Oliver Stone, avec son style incisif et ses interviews percutantes, nous rappelle que l’histoire n’est jamais noire ou blanche.
De plus l’Aile à Stick ayant fait bénévolement une version française disponible sur YouTube, c’est une invitation à regarder Ukraine en Feu et à décider par soi-même : quel rôle les grandes puissances ont-elles joué dans ce brasier ? Un film essentiel pour quiconque veut dépasser les titres et plonger dans les flammes de la vérité.
Regardez le résumé vidéo du film documentaire