Israël-Iran – Réseau International


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par Régis Chamagne

Les spéculations vont bon train sur la question de savoir si Israël prépare, ou pas, une nouvelle attaque de l’Iran. L’objet de cet article est d’évaluer la probabilité de cet événement ainsi que les conséquences qu’il pourrait induire. Pour ce faire, je vais porter un regard sur ce qui s’est déjà passé, entre rationalité et folie douce, compétence et fautes stratégiques.

Les guerres d’invasion du Liban

La première invasion, réussie, a lieu en 1978. Israël conquière 700 km² dans le sud du Liban. La deuxième, réussie également, a lieu en 1982 mais elle conduit à la création du Hezbollah qui mène une guérilla de 22 ans obligeant Tsahal à se retirer de ce «bourbier». La troisième offensive, en 2006, est contrée par le Hezbollah : 1200 Libanais sont tués (surtout des civils) ainsi que 160 Israéliens (surtout des militaires). Cette opération est considérée comme un échec en Israël. Elle indique une montée en puissance du Hezbollah d’une part et probablement une perte d’efficacité de l’armée de terre israélienne d’autre part. Cela constitue un signal faible. Du reste, ce signal faible est confirmé aujourd’hui : après plus de deux ans, à Gaza, l’armée de terre israélienne n’arrive toujours pas à prendre le contrôle de cette petite bande de territoire au milieu des ruines et a perdu environ 900 soldats et plus de 6213 blessés selon un rapport officiel du 31 août. Quant à la quatrième invasion, elle se déroule en ce moment, dans un contexte géopolitique nouveau : installation d’un régime «d’égorgeurs modérés» en Syrie et génocide assumé dans la bande de Gaza. Dès lors une question se pose : Israël est-il capable de tirer les enseignements de ses défaillances, voire de ses échecs ?

Le coup des bipeurs

Face à la montée en puissance, militaire et politique, du Hezbollah, le Mossad monte une opération qu’il faut bien qualifier de remarquable techniquement. Cette opération, préparée depuis au moins une dizaine d’années a consisté à piéger 5000 bipeurs ou talkies-walkies au moment de leur fabrication avec de petites quantités d’explosifs, après avoir infiltré les chaînes de production. Ces dispositifs commandés à distance ont explosé les 17 et 18 septembre 2024, provoquant la mort de 42 personnes (30 hauts responsables du Hezbollah et 12 civils) ainsi que près de 3500 blessés.

Ce coup minutieusement préparé de longue date a-t-il été un succès stratégique ?

La réponse est NON !

En effet, il s’agissait d’un fusil à un coup, non renouvelable. Ainsi, ce coup aurait dû être utilisé comme «la pichenette» qui fait basculer une situation géopolitique, la goutte d’eau qui fait déborder le vase, le battement d’aile de papillon qui provoque un cyclone à l’autre bout de la planète, en somme le coup à fort effet de levier dans un système hautement instable. À ce stade, il nous faut comprendre les notions de stabilité et d’instabilité. Un système est stable lorsque que quand on déplace un élément de son point d’équilibre, il y revient naturellement. Un système est instable lorsque quand on déplace un élément de son point d’équilibre il s’en écarte encore plus. Or, que s’est-il passé après l’explosion des bipeurs ? Les hauts responsables du Hezbollah ont été remplacés ; le système est revenu à son point d’équilibre. En somme, cette opération, remarquablement préparée par le Mossad, a été un coup d’épée dans l’eau au niveau stratégique. De plus, il a créé des martyrs et incité les hauts responsables du Hezbollah à améliorer leur protection. Des tendances lourdes semblent se dessiner entre compétences techniques avérées, en particulier de la part du Mossad, perte lente d’efficacité militaire sur le terrain et déficit d’intelligence au niveau stratégique.

Les guerres avec l’Iran

Cela commence le 1er avril 2024 quand Israël bombarde le consulat d’Iran à Damas, tuant le général de brigade Mohammad Reza Zahedi. En réponse, l’Iran lance une attaque contre Israël dans la nuit du 13 au 14 avril, combinant de nombreux drones, des missiles de croisière et des missiles balistiques. La grande majorité des engins sont interceptés par les défenses antiaériennes américaines, britanniques, françaises et israéliennes. Cependant, un certain nombre de missiles balistiques traversent le «Dôme de fer», frappant en particulier la base aérienne de Nevatim, dans le désert du Néguev. Tout cela est confirmé par des vidéos de l’attaque parus sur les réseaux sociaux ainsi que par des images satellites publiées en octobre 2024.

Malgré le fait que le «Dôme de fer» se soit montré défaillant d’une part et que l’Iran affirme depuis un certain temps qu’il possède une grande quantité de missiles hypersoniques d’autre part, Israël programme une attaque de l’Iran. Encore une fois, on constate la combinaison d’une grande compétence technique et d’un déficit de pensée stratégique. Cette opération, une fois de plus à un coup non renouvelable, minutieusement préparée a reposé sur un présupposé stratégique erroné. L’idée que l’opposition libérale allait renverser le régime après l’attaque était tout simplement stupide. C’est exactement le contraire qui s’est passé ; le peuple iranien, toutes tendances politiques confondues, a fait corps avec le régime. Une fois l’effet de surprise passé et malgré les dégâts et les pertes humaines subies au cours de cette frappe, l’Iran mène une série de frappes sur Israël selon un plan de ciblage très intelligent et remarquablement efficace au niveau stratégique, ce qui conduit Israël à implorer l’aide des États-Unis pour mettre fin aux hostilités. J’ai écrit un article sur cette guerre de douze jours.

L’état de la situation d’Israël

Outre une situation économique très fragile, l’État d’Israël subit actuellement un triple effondrement : moral, démographique et militaire :

Sur le plan économique, la guerre perpétuelle (Gaza, Cisjordanie, Liban) menée par Israël pèse sur l’économie du pays et sur le revenu des ménages ; la fermeture de la mer Rouge par les Houthis du Yemen a provoqué la faillite du port d’Eilat ; les frappes de l’Iran sur le port et la raffinerie d’Haïfa ont aggravé la situation.

Le génocide assumé dans la bande de Gaza (en particulier par Ben-Gvir et Smotrich) provoque un effondrement moral de l’État d’Israël, à l’extérieur comme à l’intérieur. À l’extérieur, Israël a perdu toute crédibilité, tout respect ainsi que le soutien des populations du reste du monde, en particulier des jeunes Américains démocrates et républicains, malgré une propagande pro sioniste intensive. À l’intérieur, le nombre de suicides de soldats israéliens ainsi que de désertions explose littéralement. Il faut s’attendre à un tsunami de stress post traumatiques à l’avenir. Cet effondrement moral engendre un effondrement démographique.

Environ un million et cinq cent mille juifs ont émigré d’Israël depuis le début du génocide à Gaza, sans intention d’y revenir. Mais pire que la quantité, il y a la qualité ; c’est le cœur laïc du pays qui émigre : ingénieurs, médecins, enseignants, chercheurs, jeunes familles qui font fonctionner l’État au quotidien et qui assurent la stabilité de la société. Il s’agit d’une effusion de compétences, de savoirs-faire et d’intelligence. Ainsi le centre de gravité de la société se déplace vers l’extrême droite ultraorthodoxe.

Sur le plan militaire, les récents affrontements ont montré que l’infaillibilité d’Israël est devenue un mythe. L’aide étasunienne n’est plus d’aucune utilité. L’Iran et le Yémen disposent de missiles hypersoniques que les systèmes antiaériens israéliens et américains ne peuvent pas intercepter.

Les enjeux

On sait que l’objectif de Netanyahou est de réaliser le «Grand Israël», du Nil à l’Euphrate, incluant le sud du Liban et de la Syrie. On peut tout de suite avancer que cela n’arrivera pas car l’effusion démographique subie par Israël contrarie cet objectif. Il n’y aura tout simplement pas assez de monde pour peupler un si grand espace. Mais, entre rationalité, eschatologie et intérêts personnels… Netanyahou place sa propre survie politique au-dessus de la nation qu’il dirige. Il évite la prison en restant au pouvoir et en maintenant Israël en guerre. À cet égard, le plaidoyer de Donald Trump au président d’Israël, Isaac Herzog, pour gracier Netanyahou avant même qu’il ne soit convoqué par un tribunal, est très probablement une manœuvre visant à désamorcer ses velléités d’attaquer de nouveau l’Iran et de signifier en filigrane que les États-Unis ne soutiendraient pas une telle opération.

L’équation

Logiquement, si Israël agresse de nouveau l’Iran par une attaque conventionnelle, il ne survivra pas, d’autant plus que l’Iran a tiré les enseignements de la dernière agression, identifié ses points faibles, contre-espionnage et défense aérienne et antiaérienne, et répondu à ces failles grâce à un soutien de la Russie et de la Chine. De plus, il affirme disposer d’une très grande quantité de missiles hypersoniques de dernière génération. Donc, logiquement, si les conseillers militaires de Netanyahou font correctement l’analyse de la situation, ils devraient le dissuader d’engager quoi que ce soit contre l’Iran. Par déduction, si Israël agresse de nouveau l’Iran, c’est qu’il aura envisagé l’option nucléaire. Dans ce cas, il est probable que l’Iran réplique par la même voie, soit ait développé des ogives nucléaires, soit qu’il en aura acquis en Corée du nord ou au Pakistan.

Entre rationalité et eschatologie…

Régis Chamagne



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