Une société qui s’interroge sur le commerce du vivant
Il y a longtemps que l’île Maurice figure parmi les principaux exportateurs mondiaux de primates destinés aux essais cliniques. Mais l’activité s’est intensifiée depuis 2020, après que la Chine a choisi de réserver ses singes à sa propre industrie pharmaceutique. Au nom de la cause animale ou de la prévention des risques sanitaires, une partie de la population proteste.

Figure du théâtre d’ombres, le roi des singes Sugriva, Andhra Pradesh (Inde), vers 1900 Photographie : Pauline Guyon – Musée du quai Branly-Jacques Chirac – Grand Palais Rmn
Août 2024. Quelques morceaux de canne à sucre éparpillés jonchent l’asphalte brûlant de Port-Louis, capitale de la République de Maurice. Un pan de grillage gît au sol. Ici, il y avait une installation artisanale destinée à la capture des singes sauvages. Quelques jours auparavant, la présidente de l’association Monkey Massacre — qui entend faire cesser les élevages de macaques à Maurice — se trouvait sur place. Mme Mansa Daby cherchait à documenter la présence d’un piège : « Il était encore intact et actif à ce moment-là, rapporte-t-elle après avoir été prévenue par un voisin de la destruction de l’installation. Ce genre de réaction des habitants est extrême, mais c’est déjà arrivé une ou deux fois. Certains Mauriciens n’en peuvent plus de ces pièges qui se trouvent parfois à quelques mètres de leur jardin. »
Si l’île Maurice a pratiqué l’élevage de macaques à longue queue dès les années 1980, l’activité connaît un pic depuis 2020. La Chine était jusqu’à cette date la première exportatrice de singes de laboratoire, essentiels en infectiologie ou en virologie. En 2018, elle expédiait 30 000 animaux à l’étranger, principalement aux États-Unis. Mais, depuis la pandémie de Covid-19, Pékin réserve les primates non humains à sa propre industrie pharmaceutique. Maurice est donc devenue le premier fournisseur mondial, avec 15 097 singes exportés en 2023, devant le Cambodge (13 305) ou le Vietnam (3 405). Et, comme l’élevage ne suffit pas à satisfaire la demande, 2 500 animaux fournis à des laboratoires la même année ont été capturés dans la nature mauricienne. La liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) comprend pourtant le macaque à longue queue.
À Maurice, l’exportation de macaques génère plus de 4 milliards de roupies (80 millions d’euros) par an. Six entreprises se partagent ce chiffre d’affaires, dont le montant reste faible rapporté à celui du produit intérieur brut (…)
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